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Qui vole un bœuf rend un œuf

De la fraude en bande organisée de la taxe sur les dividendes (CumEx Files) et de la très mauvaise perception de cet impôt

13 janvier par Olivier Bonfond

 

(CC - Pixabay)

Résumé : Après des premières révélations en 2018, le collectif allemand de journalistes d’investigation CORRECTIV [1], en collaboration avec 16 autres médias internationaux (BBC, Le Monde, De Tijd…), révèle que les fraudes liées à la taxe sur les dividendes auraient coûté non pas 50 mais bien 150 milliards € à plusieurs États de l’Union européenne ces 20 dernières années, dont plus de 7 milliards € pour la Belgique. Malgré quelques mesures prises par les autorités fiscales dans différents pays, faute de réelle volonté politique, il semble bien que ces opérations frauduleuses se poursuivent à l’heure actuelle.

Au-delà de ce scandale, une analyse des comptes nationaux montre que la taxe des dividendes rapporte beaucoup moins qu’on pourrait le penser. En effet, la taxe sur ces revenus est en théorie de 30 % en Belgique (comme dans d’autres pays), mais en réalité seul 3 ou 4 % sont perçus sur ces revenus.

Il est urgent d’agir pour mettre fin à cette situation totalement injuste et illégitime où les revenus du capital sont beaucoup moins taxés que les revenus du travail. Pour ce faire, renforcer les moyens humains et financiers pour la lutte contre la fraude fiscale, concrétiser une réforme fiscale radicale, et sanctionner lourdement les banques et les fraudeurs constituent des premières étapes nécessaires.

1. Les dividendes ne connaissent pas la crise

Chaque année, les dividendes versés aux actionnaires s’élèvent de quelques dizaines de centimes à plusieurs euros par action. Cela peut sembler dérisoire mais pris globalement, cela représente des montants colossaux, au profit des très riches déjà trop riches.

Après avoir doublé entre 2009 et 2018 (passant de 700 à 1.400 milliards de dollars), les dividendes mondiaux n’ont baissé que très légèrement en 2020 pour atteindre 1.255 milliards de dollars (diminution de 12 %), et ce malgré les demandes (aucune contrainte) de différents gouvernements de ne pas verser de dividendes. En 2021, ceux-ci vont atteindre un nouveau record : les actionnaires des grandes sociétés cotées dans le monde vont recevoir 1.460 milliards de dollars…

Alors qu’une grande partie de la population a vu sa situation se dégrader, les actionnaires se portent bien, merci pour eux (ce sont majoritairement des hommes). Et, non contents de ponctionner une grosse partie des richesses produites par les travailleuses, la majorité des actionnaires n’hésitent pas à tout faire pour éviter de payer un impôt sur ces revenus, notamment en pratiquant « l’arbitrage de dividendes », une technique d’optimisation fiscale réalisée avec l’aide active des banques.

Le scandale de l’arbitrage de dividendes

2. Une fraude à 150 milliards bien huilée depuis 20 ans

Si les citoyen.nes n’ont appris l’existence de ce scandale qu’en 2018 suite aux révélations du consortium de médias, ces montages financiers sont très bien connus du monde de la finance depuis plus de 20 ans. Selon le journal Le Monde [2], lors de son audition devant la commission d’enquête sur l’évasion fiscale en 2013, Jérôme Kerviel, ancien trader de la Société générale [3], a alerté sur le problème de l’arbitrage de dividendes, pratique utilisée massivement par la banque, des « deals faciles et sans risques » et constituant une source substantielle de profits. Il affirme également que jusqu’en 2005, les employés de banque indiquaient même sur leur profil du réseau professionnel LinkedIn, « dividend enhancement » (« optimisation de dividendes »). « Vers 2006, consigne est passée auprès des tradeurs de ne jamais écrire “dividend enhancement” dans les mails quand ils faisaient ce genre de deals », assure Jérôme Kerviel. »

Selon l’enquête, ce casse a coûté 150 milliards € à une dizaine de pays au cours des vingt dernières années, dont la France (33 milliards), l’Allemagne (28,5 milliards), les Pays-Bas (27 milliards), l’Espagne (18,8 milliards), l’Italie (13,3 milliards), la Belgique (7,1 milliards).

3. Des montages financiers complexes, mais un principe simple

Lorsqu’un actionnaire étranger, qu’il soit un particulier allemand ou un grand fonds d’investissement chinois, achète des parts d’une entreprise belge cotée en bourse, il doit normalement s’acquitter de l’impôt sur les dividendes perçus. Mais grâce à quelques transferts financiers pilotés par les banques, l’actionnaire étranger va pouvoir tout simplement échapper à cet impôt. C’est ce qu’on appelle l’opération « CumCum » (« cum » signifiant « avec »).

Il y a mieux (ou pire, c’est selon) : profitant des failles dans la gestion des administrations fiscales, les banques sont capables de se faire rembourser plusieurs fois par l’Etat une même taxe qu’ils n’ont jamais payée ! C’est ce qu’on appelle l’opération « CumEx ». (« ex » signifiant « sans »).


Opération « CumCum » : à la frontière de la légalité

Pour un « investisseur » étranger qui veut éviter de payer la taxe sur les dividendes d’actions belges qu’il possède, rien de plus simple : il lui suffit, avec l’aide de sa banque, de se débarrasser de ces actions au bon moment. Quelques jours avant le versement des dividendes, il vend ou prête ses actions à un autre actionnaire étranger fictif, via une banque basée dans un pays qui bénéficie d’une exonération fiscale (taxe à 0 % sur les dividendes). Les dividendes versés à ce nouvel actionnaire ne doivent donc pas faire l’objet d’une retenue de 30 % à la source. Le tour est joué : quelques jours plus tard, l’actionnaire étranger fictif rend intégralement les actions et les dividendes à l’actionnaire réel, tout en prélevant une petite commission au passage.


Opération « CumEx » : totalement frauduleux

Cette technique est plus complexe et implique la collaboration entre plusieurs banques et actionnaires étrangers. Ici, il ne s’agit plus seulement d’éviter l’impôt mais de gagner de l’argent sur le dos du fisc. La technique est la suivante : quelques jours avant le paiement des dividendes, plusieurs actionnaires s’échangent des milliers d’actions de manière à ce que le fisc n’arrive plus à savoir qui est le détenteur réel de ces actions. Tous ces actionnaires affirment ensuite avoir payé la taxe sur les dividendes mais, comme ils bénéficient d’une exonération (car basés dans un pays bénéficiant de cette exonération), ils en réclament le remboursement.

Selon l’enquête, cette fraude a touché l’Allemagne, le Danemark, la Suisse, la Belgique, l’Autriche et la Norvège et a également fait perdre des dizaines de milliards d’euros aux pouvoirs publics.

4. Que font les gouvernements face à cette fraude ? [4]

Après des années d’inertie face à ce braquage fiscal mondialisé, plusieurs gouvernements ont enfin pris des initiatives. Globalement, elles restent largement insuffisantes Ces opérations frauduleuses ont donc encore de beaux jours devant elles. Cependant, certaines initiatives donnent des résultats, notamment en Allemagne et aux États-Unis, et montrent qu’avec une réelle volonté politique et des actions fortes de la part des administrations fiscales et des autorités judiciaires, il est possible de poursuivre et condamner les responsables de ces pratiques criminelles. Il s’agit de s’en inspirer.

Allemagne. Après que le gouvernement allemand ait placé l’arbitrage de dividendes hors du champ de la légalité, la justice allemande a fait son travail. Un banquier a déjà été condamné à cinq ans et demi de prison par le tribunal de Bonn. D’autres enquêtes importantes sont en cours, où 744 personnes physiques de 17 nationalités, pour la plupart employés des grandes banques européennes, sont considérées comme suspectes. Certains de ces suspects (comme le banquier d’affaires de la banque HVB Paul Mora ou l’avocat fiscaliste allemand Hanno Berger), effrayés par la perspective d’une condamnation, ont tenté de fuir la justice. Ils sont placés sur la liste rouge d’Interpol. Autre preuve que la justice allemande prend ses responsabilités : par précaution, la banque néerlandaise ABN Amro a déjà provisionné 79 millions € pour un éventuel remboursement des taxes.

États-Unis. La SEC, gendarme de la Bourse, s’est également attaquée aux opérations « CumCum » et a infligé plus de 400 millions de dollars d’amendes à quinze établissements financiers entre 2017 et 2020, faisant rentrer dans les caisses américaines des impôts pour partie éludés en Europe.

France. Suite au scandale révélé pour la première fois en 2018, le Parlement français a voté un dispositif visant à mettre fin à ces pratiques. Celui est entré en vigueur en juillet 2019. Au prétexte d’un « nettoyage juridique », la majorité macroniste a cependant affaibli le dispositif en n’interdisant que les montages les plus simples, à savoir ceux où un contrat de cession est signé entre l’actionnaire étranger et une banque française. Sans surprise, les grandes banques n’ont eu aucun mal à contourner ce nouvel obstacle, notamment en utilisant l’instrument financier « total return swap », permettant aux complices (actionnaires et banque) de s’échanger des actions sans conclure formellement de contrats... Le Parquet national financier (PNF) et l’administration fiscale ont également ouvert des investigations, en particulier sur quatre grandes banques françaises qui seraient actives dans cette fraude : BNP Paribas, la Société générale, Natixis et le Crédit agricole. Mais ces enquêtes piétinent, en particulier sur les opérations « CumCum », car les banques se retranchent derrière l’argument de la légalité (prêter ou vendre des actions pour une très courte durée est légal). Le fisc doit donc prouver que l’ensemble de ces manœuvres ont un « motif principalement fiscal », ce qui est très difficile.

Au-delà du scandale, une taxe très mal perçue

Union européenne. Plusieurs décisions rendues par la Cour de justice de l’Union européenne (en 2019) en matière de droit fiscal pourraient empêcher les banques de prétendre à l’exonération de taxe sur les dividendes, puisqu’elles ne sont pas les véritables bénéficiaires de ces actions prêtées temporairement.

Belgique. En janvier 2019, la législation fiscale belge a été durcie pour lutter contre ces montages, tandis que le porte-parole du fisc, Francis Adyns, affirme que « l’administration fiscale est plus vigilante ». Cependant, tout comme en France, et selon le fisc lui-même, les opérations « CumCum » et « CumEx » restent toujours possibles.

5. La théorie : une taxe de 30 %

Lorsqu’on achète et détient une action d’une entreprise cotée en bourse, c’est un peu comme si on lui prêtait de l’argent. Comme pour un prêt (mais, à la différence du prêt, le capital n’est pas garanti lorsqu’on achète une action), il existe des intérêts, appelés dividendes, que l’entreprise verse une ou plusieurs fois par an aux détenteurs des actions (= les actionnaires).

Ces dividendes, qui peuvent être perçus par des personnes physiques (particuliers) ou morales (entreprises), rentrent dans la catégorie des revenus mobiliers. A ce titre, ils sont imposables en Belgique aux taux de 30 %. Le principe de base est le suivant :

  • D’une part, les dividendes versés par les sociétés belges sont taxables au taux de 30 %, qu’ils soient versés à des personnes (morales ou physiques) belges ou étrangères. Cette taxe de 30 % sur les dividendes est perçue via un précompte mobilier libératoire [5], retenu à la source par la société qui attribue ces dividendes. La société doit ensuite verser la somme retenue au SPF Finances ;
  • D’autre part, les dividendes versés par des sociétés étrangères à des personnes (morales ou physiques) belges sont également taxables à 30 %, y compris s’il y a eu une retenue à la source dans le pays étranger.

Afin d’éviter une imposition trop lourde, des conventions fiscales (conventions préventives de double imposition CPDI) sont conclues de manière bilatérale entre plusieurs pays. A titre d’exemple, la convention fiscale entre la Belgique et la France peut se résumer de la façon suivante : pour un dividende de 100 € brut versé par une société française à un actionnaire belge, la France prélève un impôt à la source de 12,8 %, soit 12,80 €. L’État belge prélève alors un précompte mobilier non pas de 30 % mais de 15 % sur le dividende « net frontière », à savoir 15 % sur 87,20 €, soit 13,08 €. Très récemment, cette convention fiscale vient d’être modifiée [6] (elle entrera en vigueur au plus tôt au 1er janvier 2023), supprimant la quotité forfaitaire d’impôt étranger (QFIE) disparait. Pour un dividende français de 100 €, la France prélèvera toujours sa part de 12,8 %, mais Sur les 87,2 € qui « passent la frontière », la Belgique prélèvera un précompte mobilier de 30 % (et non plus de 15 %), soit 26,16 €.

6. La réalité : les dividendes sont globalement taxés à 3 % en Belgique

Il est intéressant de regarder d’un peu plus près les dividendes versés par les sociétés belges et les recettes tirées de l’impôt sur les dividendes. Comme le montre le tableau suivant, malgré les demandes du gouvernement et les recommandations de la Banque nationale de Belgique (BNB) dans le cadre temporaire de la crise Covid, il apparait que les dividendes versés par les sociétés belges n’ont pas fortement diminué en 2020.

Dividendes versés par les sociétés belges (milliards €)
2018 2019 2020
Entreprises non financières 45 58 45
Sociétés financières 18 27 11
Total 63 85 56
Source : BNB

Voyons maintenant la taxe sur les dividendes a réellement rapporté aux finances publiques :

Recettes de la taxe sur les dividendes (milliards €)
2018 2019 2020
Dividendes 2,5 2,7 2,2
Source : SPF Finances [7]

La taxe sur les dividendes est donc de 4 % en 2018, 3,2 % en 2019 et de 4 % en 2020. En réalité, ce pourcentage est encore moins élevé car ce calcul ne prend pas en compte les dividendes versés par des sociétés étrangères à des actionnaires belges. Dans tous les cas, on est donc très très loin des 30 %…

Cela montre, une fois de plus, que les revenus du capital sont largement moins taxés que les revenus du travail, ce qui est totalement injuste et illégitime.

Que faire ?

Ce nouveau scandale montre une fois de plus que les grandes banques et les riches actionnaires continuent à utiliser toutes les failles du système pour éviter de payer l’impôt. Ils participent donc à l’aggravation des finances publiques. Cette situation est inacceptable et, à l’heure où les États s’apprêtent à nouveau (comme ils l’ont fait après la crise financière de 2008) à faire payer la crise aux citoyen.nes via des nouvelles mesures d’austérité, il est fondamental et urgent de mettre en œuvre plusieurs mesures.

7. Renforcer les moyens humains et financiers

L’État doit augmenter fortement les moyens financiers et humains des institutions compétentes en la matière ( SPF Finances, services judiciaires, autorités de régulation bancaire) afin que celles-ci puissent mettre tout en œuvre pour lutter efficacement contre ces opérations frauduleuses, et plus généralement contre la fraude fiscale, la criminalité financière et le blanchiment d’argent (le FMI et la Banque mondiale considèrent que la criminalité liée au blanchiment d’argent représente entre 6 et 7 % du PIB mondial !).

Les initiatives prises ces dernières années, telles que le C.R.S. (Common reporting standard, obligeant les États européens à communiquer aux autres Etats les avoirs détenus par les étrangers), l’AML (Anti money laundering, règles imposées aux banques pour lutter contre le blanchiment d’argent) ou encore la taxation minimum de 15 % des multinationales sont des avancées qui vont dans le bon sens mais restent largement insuffisantes.

Par contre, la décision récente de supprimer le secrétaire d’État chargé de la lutte contre la fraude fiscale et sociale, ou la décision de 2013, au nom de l’austérité budgétaire, de diminuer les moyens du SPF Finances, notamment en ne remplaçant qu’un fonctionnaire sur cinq partant à la retraite, sont des non-sens absolus. En effet, augmenter les moyens ne constituerait pas un coût mais bien un bénéfice pour les pouvoirs publics : la fraude fiscale provoque un manque à gagner pour les recettes publiques estimé entre 20 milliards et 30 milliards d’euros par an. Une politique forte en la matière pourrait rapporter plusieurs milliards d’euros chaque année et non quelques centaines de millions comme c’est le cas jusqu’à présent.

8. Concrétiser une réforme fiscale radicale

L’État doit mettre en œuvre une réforme fiscale visant à taxer correctement les revenus du capital, notamment en concrétisant une mesure simple et efficace : la globalisation des revenus, pouvant rapporter à la Belgique jusqu’à 8 milliards d’euros supplémentaires par an.


Taxer correctement les dividendes

Il est inacceptable que celles et ceux qui tirent des revenus du simple fait d’avoir des capitaux et des actions dans leur portefeuille, soient moins taxés que la grande majorité qui travaillent (dans des conditions difficiles pour la plupart) 40 heures par semaine. Le minimum syndical serait de mener une réflexion urgente pour que ces dividendes soient imposés à un niveau équivalent aux revenus du travail. Supprimer les exonérations, les niches fiscales, et bien sûr poursuivre tous ceux qui fraudent et/ou participent à cette fraude.

Mais, plutôt que d’envisager des réformes sur cette taxe de manière isolée, il s’agit avant tout d’intégrer ces revenus (de même que les autres revenus) dans l’ensemble des autres revenus, pour ensuite les imposer de manière globale et progressive.


Globaliser les revenus

La globalisation des revenus consiste à déterminer le revenu imposable et le taux d’imposition en fonction du revenu total, c’est-à-dire des revenus professionnels additionnés des autres types de revenus (immobiliers, financiers, plus-values des actions, etc.). Dans beaucoup de pays, si l’impôt se calcule de manière progressive sur les revenus du travail, il n’en est pas de même pour les autres revenus, qui sont imposés de manière séparée. Ce choix politique profite aux classes sociales les plus riches, bénéficiant de ces autres revenus, alors que la grande majorité des travailleurs/euses sur la planète tirent leurs revenus uniquement de la vente de leur force de travail. Cela aboutit à créer une injustice fiscale : plus on est riche, moins on paie proportionnellement d’impôts. La justice fiscale implique deux choses : d’une part que tous les revenus soient traités de manière identique, quelles que soient leurs origines (il n’est pas normal d’appliquer un impôt moindre sur le revenu du capital que sur celui du travail) et, d’autre part, que chaque citoyen-ne paie un impôt qui soit proportionnel à ses moyens.


Augmenter le nombre de tranches et relever les niveaux supérieurs

Plus il y a de tranches, plus la progressivité est lissée. Il est donc important de réinstaurer des ponctions de 55 %, 60 %, 65 %, 70 %, 75 %, etc., pouvant aller jusque 100 % pour des revenus dépassant un niveau qui serait défini collectivement. En 1986, il y avait encore treize tranches d’imposition en Belgique avec une dernière tranche imposée à 76 %. Aux États-Unis, pendant plus de trente ans, il existait quinze tranches dont la dernière était fixée à 90 %.

Dans beaucoup de pays, on fait exactement l’inverse ces dernières décennies (voir tableau ci-dessous). Dans sa réforme fiscale de 2001, l’ex-ministre des Finances belge, Didier Reynders, a supprimé les deux dernières tranches à 52,5 % et 55 % (pour des revenus de plus de 45.000 euros bruts par an) pour les réduire à un taux maximum de 50 %. Le projet de réforme fiscal qui est sur la table à l’heure actuelle vise à aller encore plus loin dans cette voie : Trois taux de taxation subsisteraient, contre quatre aujourd’hui (25, 40, 45 et 50  %).

C’est exactement l’inverse qu’il faut faire. Ces diminutions d’impôt n’ont évidemment pas profité à la majorité des citoyen-ne-s mais à quelques milliers d’individus très fortunés, tandis que la majorité des citoyen-ne-s a été négativement impactée par ces réformes fiscales : elles ont appauvri les États qui n’ont donc plus été capables d’assumer leurs obligations en matière de services publics et de services de proximité.


Taxer les plus-values boursières

Il est également fondamental et urgent d’instaurer une taxe sur les plus-values boursières. La Belgique est un des rares pays à ne pas appliquer cette taxe, même le Luxembourg en a instauré une. Cette taxe pourrait rapporter 5 milliards €/an. L’équité suppose que cette taxe (ainsi que celle sur les dividendes) soit globalisée avec les autres revenus.

9. Sanctionner lourdement les banques et les fraudeurs

Escroquerie en bande organisée, blanchiment de l’argent du crime, organisation systématique de la fraude fiscale à très grande échelle, manipulation des taux d’intérêt (Libor, Euribor...), manipulation des marchés de change, faux et usage de faux, délits d’initiés, destructions de preuves, enrichissement abusif, manipulation du marché des CDS, manipulation du marché physique des commodities, complicité dans des crimes de guerre... Et, bien sûr, l’arbitrage de dividendes …

Malgré la quantité et la gravité de ces crimes économiques et financiers, les banques ne sont pas inquiétées, sauf dans quelques cas exceptionnels, où des accords à l’amiable sont trouvés et où les banques, pour échapper à la justice, se contentent de payer des amendes, parfois élevées en valeur absolue mais très faibles par rapport à l’ampleur des crimes concernés. Cela doit cesser, et cela doit passer tant par des régulations strictes (voire des retraits de licence bancaire et de socialisations) que par des sanctions financières.


Imposer aux créanciers une annulation des intérêts de la dette

Face à ces comportements frauduleux et criminels, les États devrait arrêter de se soumettre aveuglément aux exigences de ses créanciers qui sont en grande partie constitués par ces mêmes grandes banques toutes impliquées d’une manière ou d’une autre dans les scandales récents, que ce soit le CumEx-Files ou les Pandora Papers, pour ne citer que les deux derniers, et affirmer qu’il est normal et légitime et que ces grandes banques contribuent également à l’effort collectif.

Une mesure (très modérée) consisterait à leur imposer une neutralisation des intérêts de la dette pendant une ou plusieurs années (9 milliards d’euros par an pour la Belgique et 600 millions d’euros par an pour la Région wallonne). Plutôt que d’enrichir encore un peu plus les banques et leurs actionnaires, cet argent devrait servir en priorité à financer la lutte contre la précarité, une transition juste et une relance durable.

Olivier Bonfond [8] – janvier 2021




Notes

[2Jérémie Baruch, Anne Michel et Maxime Vaudano : « CumEx Files » : quand Jérôme Kerviel alertait les sénateurs sur le scandale aux dividendes », Le Monde, le 18 octobre 2018.

[3Jugé en partie coupable d’avoir fait perdre 4,9 milliards € à la banque.

[4Source : Maxime Vaudano, Jérémie Baruch et Anne Michel, « CumEx Files : un pillage fiscal à 140 milliards d’euros, quatre banques françaises dans le viseur du fisc », Le Monde, 21 octobre 2021.

[5Le précompte mobilier est « libératoire » dans le sens où le contribuable ne doit pas déclarer dans sa déclaration d’impôt le revenu sur lequel le précompte a été retenu.

[6La pression fiscale sur les dividendes français va remonter en flèche, L’Echo, 11 novembre 2021.

[8Économiste, conseiller au CEPAG, membre du CADTM, coordinateur du site www.ilfauttuertina.net

Olivier Bonfond 

est économiste et conseiller au CEPAG (Centre d’Éducation populaire André Genot). Militant altermondialiste, membre du CADTM, de la plateforme d’audit citoyen de la dette en Belgique (ACiDe) et de la Commission pour la Vérité sur la dette publique de la Grèce créée le 4 avril 2015.
Il est l’auteur du livre Et si on arrêtait de payer ? 10 questions / réponses sur la dette publique belge et les alternatives à l’austérité (Aden, 2012) et Il faut tuer TINA. 200 propositions pour rompre avec le fatalisme et changer le monde (Le Cerisier, fev 2017).

Source: http://www.cadtm.org/Qui-vole-un-boeuf-rend-un-oeuf