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« Les Fossoyeurs »

Le livre « Les Fossoyeurs », qui vient de paraître, confirme ce que le Gang des Vieux en Colère dénonce depuis des années : la maltraitance qui sévit dans beaucoup de maisons de repos commerciales, notamment gérées par la société Orpea, bien présente en Belgique.

Mais avec la sortie du livre, le scandale est cette fois devenu énorme ! Et les témoignages passent en boucle sur les ondes en France comme en Belgique

Les établissements privatisés se font des marges faramineuses, avec des restrictions jusqu’à l’os sur le personnel et les résidents.

S’y ajoutent la participation de l’État dans les frais de soins et des rétro-commissions exigées des fournisseurs. Tout est bon à prendre.

La rentabilité financière du secteur prime, au détriment des soins. C’est le fil rouge reconnaissable partout dans ce type d’établissements.

Des parlementaires français exigent d’aller eux-mêmes inspecter les lieux, comme ils le font pour les prisons : que se passe-t-il derrière les murs des maisons de repos ? qu’y cache-t-on encore ?

La population âgée est vendue à des groupes dont on connaît parfaitement et depuis longtemps la manière de faire.

En 2018 on allait réformer le secteur mais dans les faits il ne s’est rien passé du tout.

Après des années de dénonciations, c’est la première fois que la vague est aussi forte. Est-ce le tsunami qu’on attend depuis longtemps, ou de nouveau une tempête dans un verre d’eau ?

On attend la suite…

Un nouveau scandale !

Le journal français Le Monde daté du 25 janvier a publié en première page de larges extraits du livre « Les Fossoyeurs » du journaliste indépendant Victor Castanet, paru ce mercredi chez Fayard.

« Les Fossoyeurs » s’appuie sur une enquête de trois ans, concernant particulièrement le groupe français Orpea. Orpea est le numéro un mondial de ce secteur juteux, qui spécule sur la détresse des plus âgés : 65 000 employés à travers le monde, 1156 établissements en Europe et en Amérique latine, dont 220 Ehpad (Établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) en France et 61 MR et MRS (Maisons de repos et Maisons de repos et de soins) en Belgique. Chiffre d’affaires de 4,3 milliards d’euros en 2021 (+ 9%).

Le livre s’appuie notamment sur les très nombreux témoignages (plus de 200) de membres du personnel, directeurs, cadres de la société, personnels des services de contrôle., dont beaucoup ont accepté de témoigner à visage découvert, sous leur vrai nom.

La situation décrite dans « Les Fossoyeurs » est révoltante – mais elle n’est évidemment pas inédite !

Dans Le petit livre noir [1], le GANG dénonçait le martyr des vieilles et des vieux en maison de repos au temps du Covid. De même Amnesty International a publié un rapport détaillé et accablant sur la maltraitance [2], et la LUSS (Ligue des usagers des services de santé) a publié un « plaidoyer »[3] tout aussi accablant.

Rappelons aussi la descente, pour la fête des rois-mages de 2020, d’une centaine de Vieilles et Vieux Gangsters en Colère dans une maison de repos bruxelloise pour dénoncer toute l’horreur des maltraitances infligées à nos aînés.

Tout est bon pour le profit !

Ce qui sidère dans « Les Fossoyeurs », c’est comment tout est bon pour faire de l’argent dans les établissements privés capitalistes comme Orpea : restrictions sur l’hygiène, restrictions sur les soins médicaux, restrictions sur la nourriture (« pas plus de deux biscottes au petit-déjeuner »), restrictions sur le personnel, pensions à des prix exorbitants, duperies sur les fournitures.

« Cette terrible odeur de pisse »

L’auteur rapporte son enquête au sein de la résidence de luxe Les Bords de Seine, à Neuilly, où les tarifs d’hébergement vont de 6500 à 12000 €.

Saïda Boulayane, l’une des auxiliaires de vie qui y a travaillé, raconte.

« Dès que je suis arrivée dans cette unité, dès que l’ascenseur s’est ouvert, j’ai compris que quelque chose n’allait pas. Déjà il y avait cette odeur terrible de pisse, dès l’entrée. Et je savais que c’est parce que [les résidents] n’étaient pas changés assez régulièrement. (…) Ça s’est révélé être le cas (…). Je ne vous dis pas à quel point il fallait se battre pour obtenir des protections pour nos résidents. Nous étions rationnés : c’était trois couches par jour maximum. Et pas une de plus. Peu importe que le résident soit malade, qu’il ait une gastro, qu’il y ait une épidémie. Personne ne voulait rien savoir. »

Elle explique que « si l’un de ses protégés faisait sur lui dans l’après-midi, elle était contrainte de le laisser dans ses excréments pendant plusieurs heures. »

Comme le résume Le Monde : « D’après l’auteur, ces dysfonctionnements sont avant tout le reflet de la stratégie globale de l’état-major du groupe, soucieux de rentabiliser au mieux ses établissements en contraignant les équipes à limiter les frais. »

Mais les spéculateurs sont punis par là où ils ont péché. Le Monde rapporte que le 24 janvier le titre Orpea a chuté en Bourse de 16%, avant que sa cotation ne soit arrêtée. De même, Korian, numéro un européen a perdu 14%, et LNA Santé plus de 5%.

Le martyre des résidents, les souffrances des personnels

Même le coût faramineux demandé pour l’hébergement n’y change rien. L’auteur relate le récit pathétique du martyre de Françoise Dorin, comédienne et écrivaine (1928-2018), décédée d’une septicémie suite à une escarre mal / pas soignée dans l’établissement de Neuilly. Il rapporte l’avis laissé par l’un des petits-fils.

« Si vous voulez vous débarrasser… »

« Si vous voulez vous débarrasser des gens que vous aimez, à moindre frais, il y a une place de libre désormais au deuxième étage, à gauche, en sortant de l’ascenseur… Madame Françoise Dorin, écrivain de renom, est rentrée dans cet établissement il y a moins de trois mois. C’est le temps qu’il a fallu pour lui faire perdre 20 kilos, et l’usage de la parole. C’est le temps qu’il leur a fallu pour laisser une escarre dégénérer et finir par faire la taille de mon poing. C’est le temps qu’il a fallu pour la mener à un état irréversible. (…) On vous fera des courbettes et des grands sourires. On vous fera croire que tout est sous contrôle… La vérité c’est que cet établissement à plus de 7000 euros le mois n’est pas un organisme de santé, mais une entreprise à but lucratif. (…) ». S’ensuit la description des détails sordides de l’abandon de Mme Dorin.

Il faut souligner avec Le Monde que « les « fossoyeurs » que [l’auteur] présente ne sont pas les « petites mains » de ce monde si particulier (auxiliaires de vie, employés, soignants…) mais plutôt certains décideurs pour lesquels la vieillesse est devenue, d’après lui, un filon lucratif ».

D’ailleurs, sur France-Inter ce mardi 25 janvier, l’auteur insistait sur le fait que les personnels sont eux-mêmes les victimes de cette quête effrénée du profit – non seulement par les souffrances morales qu’ils ressentent face au malheur des résidents et au rôle qu’on leur fait jouer, mais aussi, très matériellement, par leurs propres conditions de travail dégradées : insuffisance de personnel, manque de formation, bas salaires, successions de contrats de courte durée.

Déjà en 2013, dans un article paru dans Mediapart intitulé « L’or gris, le marché des vieux, et l’exemple d’Orpea »[4] était posée tout de go la question : « En attendant de mourir, à quoi peuvent servir nos vieux ? », avec pour conclusion argumentée : « Si vous avez quelques économies à placer en bourse, Orpea est l’entreprise idéale : profit important, visibilité de la croissance… Bref de l’argent à se faire. »

Connivences politiques et manœuvres

Ce qui fait particulièrement le buzz en France, c’est la dénonciation des connivences politiques dont a joui la direction d’Orpea. Ainsi, l’ex-directeur médical de la branche « clinique » du groupe témoigne des relations intimes entre la haute direction du groupe et Xavier Bertrand, actuel président de la région Hauts de France, ancien candidat à la présidence de la République, et surtout ancien ministre de la santé (2005-07 et 2010-12), en charge des octrois des autorisations de création d’Ehpad. À son propos, le patron du groupe disait, afin de débloquer l’un ou l’autre dossier : « J’appelle qui il faut » …

Les témoignages révèlent aussi les connivences administratives dont jouit le groupe, en particulier l’information préalable sur la date des contrôles, ou la complaisance quant au remboursement des frais soi-disant engagés pour les résidents.

Sans compter les multiples manœuvres pour tromper les familles, les rassurer mensongèrement, récuser leurs témoignages, dissimuler leurs plaintes et éviter les contrôles. De même, les médecins traitants des résidents sont tenus dans l’ignorance de leur état de santé ou écartés

Le scandale est tel en France que le ministre de la santé actuel a fait convoquer le président d’Orpea, et que des députés réclament le droit de visite inopiné dans les Ehpad, comme dans les prisons. Le parallèle dit tout !

Et en Belgique ?

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En Belgique, les MR/MRS sont massivement privatisées en Wallonie et surtout à Bruxelles, où les institutions commerciales dominent largement (voir figure [5]). En Flandre, où le secteur associatif domine, la privatisation est moins catastrophique, mais une offensive est à l’œuvre pour la faciliter [6]. Ici aussi, les connivences politiques sont à l’œuvre !

Quant au vécu des résidents et à l’extrême faiblesse des contrôles, le bilan est tristement le même que ce qui est dénoncé en France : économies sur le confort, sur les soins, sur l’encadrement, sur la formation du personnel.

Et, de même, insuffisance criante des contrôles : malgré les demandes répétées du GANG, les contrôles ne se font toujours pas systématiquement à l’improviste. Pourquoi ?

Le Gang des Vieux en Colère exige [7]

  • Plafonner le prix d’une place dans une Maison de Retraite (MR) et/ou une Maison de Retraite et de Soins (MRS) à un prix 10% inférieur au «minimum universel de pension décente » revendiqué par le GANG [8]. Les Vieux aussi ont droit à un minimum d’argent de poche.  
  • Création d’un « délégué aux droits des seniors » (ombudsman), chargé du contrôle de la qualité de vie dans les MR/MRS tant publiques que privées, de la gestion des plaintes y afférentes et de lutter contre toute violation des droits humains entraînant l’infliction intentionnelle ou non d’une douleur ou de souffrances aigües notamment à des fins de châtiment ou d’intimidation et contre toute forme d’abus commercial des Vieux.
  • Libérer le personnel soignant des tâches administratives et relever les normes de l’INAMI (Institut national d’assurance maladie-invalidité) en terme d’effectifs numériques minimaux du personnel dans les MR et les MRS.
  • L’instauration de critères de qualité obligatoires en MR et MRS (propreté, hygiène, soins, alimentation, sécurité, animation, bien-être).
  • La valorisation des métiers de soignant en milieu gériatrique, et un enseignement des métiers de soignants en gériatrie qui inculque de réelles connaissances (hygiène, nutrition, troubles neurologiques) liées à l’âge.

Le GANG insiste aussi sur l’importance de contrôles inopinés et répétés dans les MR et MRS, exercés par des spécialistes indépendants des pouvoirs organisateurs.

Le Gang des Vieux en Colère refuse

  • Tous mauvais traitements infligés aux Vieilles et Vieux dépendants, quel que soit le secteur gériatrique
  • Toute discrimination (activité, soins, remboursement de médicament, prothèses) en fonction de l’âge.
  • Toute exploitation commerciale abusive de l’état de « VIEUX » en milieux gériatriques.

M.-F. D., P. M.
Pour le Gang des Vieux en Colère

Source: https://gangdesvieuxencolere.be/2022/01/les-fossoyeurs-de-doodgravers/