Migration: les «hébergeurs» de migrants sont acquittés
La cour d’appel de Bruxelles acquitte les quatre « hébergeurs » de migrants qui étaient poursuivis pour trafic d’êtres humains. Les migrants, condamnés en première instance, voient quant à eux leurs peines allégées. La cour reconnaissant au passage leur position « en première ordre » de victimes dans cette affaire.
Le soulagement était palpable à la sortie de la salle où la 14e chambre de la cour d’appel de Bruxelles rendait ce mercredi matin son jugement dans le très médiatique procès dit « des hébergeurs » – ou « de la solidarité ».
Sur le banc des prévenus, ils étaient pour rappel 11. Sept migrants ainsi que quatre « hébergeurs » ayant accueilli chez eux des personnes en situation de migration dans le courant de l’année 2017. À l’issue du procès en appel, ces derniers (à savoir les journalistes Anouk Van Gestel et Myriam Berghe, ainsi que Zakia S., assistante sociale, et Walid C., un Tunisien résidant en Belgique) ont tous été acquittés. La cour allant jusqu’à déclarer « sans objet » les appels formulés contre trois prévenus, dont deux « hébergeurs », pour lesquels le ministère public avait lui-même requis l’acquittement en première instance. « Quel camouflet pour le procureur général qui avait donné instruction au procureur du Roi d’interjeter appel contre tout le monde et qui reçoit aujourd’hui une véritable claque de la cour ! » a tenu à souligner, une fois la décision tombée, Alexis Deswaef, l’avocat d’Anouk Van Gestel dans cette affaire.
Au soulagement s’ajoute, pour ces personnes, l’épuisement d’une longue procédure dont certains ne sont pas sortis indemnes. Déjà acquitté en première instance, Walid C. rappelle avoir dû passer par « 8 mois et demi de préventive, parce que j’ai hébergé quelqu’un qui n’avait nulle part où dormir ou pour se doucher, et qui n’avait rien à manger. Huit mois et demi, ce n’est pas rien. Ça a chamboulé ma vie. Jusqu’à maintenant, je ne me suis pas encore remis de cette affaire. » Il demandera prochainement une indemnisation pour le préjudice causé.
Des migrants reconnus « victimes »
Mais ce n’est pas tout. L’arrêt de la cour d’appel a également consacré l’allégement des peines établies en première instance à l’encontre des 7 migrants accusés de trafic d’être humain, pour avoir aidé contre rémunération d’autres migrants à passer en Grande-Bretagne en les faisant monter dans des camions. Les peines de prison auxquelles ils avaient été initialement condamnés ont été réduites – la plus lourde s’élevant désormais à 20 mois, contre 40 mois en première instance – et assorties de sursis. Et ce alors que le ministère public avait demandé cette fois des condamnations allant cette fois d’un à cinq de prison avec sursis. Les lourdes amendes de plusieurs dizaines de milliers d’euros qui pesaient sur leurs épaules feront elles aussi l’objet d’un sursis.
A noter que dans son arrêt, la cour d’appel a été jusqu’à reconnaître que « tous les prévenus sont eux aussi, et en première ordre, des victimes des passeurs ». Pour les avocats de la défense, mais aussi pour les hébergeurs, c’est une nuance bienvenue et plus qu’importante. « On ne se faisait pas tellement de soucis pour nous, mais pour les garçons, oui », pointe Myriam Berghe. « Je ne m’attendais pas du tout à un allégement des peines. J’ai trouvé que la Justice a été plus respectueuse dans l’appel qu’elle a donné. »
Par A.Se avec Belga (publié le 26/05/2021)
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