LE MÉTRO 3, UNE HISTOIRE DE NOMBRES…
20. En minutes. C’est le temps que devrait mettre le futur métro 3 pour relier la station Bordet à Evere à la station Albert à Forest. Présent dans toutes les communications de la STIB et Beliris sur le projet, ce chiffre démontre que le principal argument de vente du métro réside dans sa vitesse commerciale, avec laquelle aucun autre mode de transport ne saurait rivaliser (à l’exception du train, alternative trop peu étudiée). Ce qui n’est jamais précisé en revanche, c’est la part des usagers en transport en commun qui effectueront un tel trajet à l’ouverture de la ligne, pas plus que la part des automobilistes qui parcourent quotidiennement ce trajet et qui pourraient délaisser leur voiture pour emprunter le métro. L’argument de la vitesse commerciale semble se suffire à lui-même.
Cette vitesse ne sera, en réalité, avantageuse que pour les longs trajets. La suppression du tram 55, qui compte sept arrêts de plus que le futur métro, et la profondeur des futures stations (entre 25 et 30 mètres, soit au minimum 4 mètres de plus que la station Botanique) engendreront des temps de marche plus élevés jusqu’au transport public auquel il faudra ajouter un temps de descente de 2 à 3 minutes, voire 3 à 4 minutes pour les personnes à mobilité réduite, pour rejoindre les quais. En conséquence, vitesse commerciale imbattable ou non, les temps de parcours au sein des communes de Schaerbeek et d’Evere se verront rallongés par rapport à la situation actuelle. Une réalité sur laquelle les porteurs de projet se gardent bien de communiquer, d’autant que ces « petits trajets » constituent la majorité de ceux effectués sur le tronçon Bordet-Liedts.
2,3. En milliards d’euros, c’est le montant actualisé du coût du projet. Approuvé en 2009 pour un montant de 900 millions d’euros, ce budget n’a cessé d’être revu à la hausse au fil des années. Et ce n’est pas fini, car tous les exemples nationaux et étrangers montrent que la construction de telles infrastructures engendre des surcoûts lorsque les chantiers sont lancés. Surcoûts qui seront à la charge de la Région. Entre-temps, la pandémie du Covid-19 a laissé les budgets régionaux dans le rouge tandis que les modalités de financement du projet à partir de 2024 ne sont, à ce stade, pas connues. Une piste, avancée par le ministre du Budget Sven Gatz, serait de réquisitionner l’ensemble de l’enveloppe Beliris, soit 125 millions d’euros par an, pour l’investir dans le projet de métro 3. Une enveloppe qui sert pourtant à financer d’autres projets bruxellois essentiels (dont la rénovation de logements sociaux, parcs et espaces publics).
Mais cette solution, du propre aveu du ministre, s’avérera dans tous les cas insuffisante, le financement du métro laissant donc craindre des coupes budgétaires dans les futurs investissements liés à la mobilité, voire dans certaines politiques environnementales et sociales.
Les possibilités d’investissements d’une telle somme, vertigineuse, sont pourtant multiples : à titre d’exemple, avec 2,3 milliards d’euros, on pourrait créer 200 kilomètres de ligne de tram sur tout le territoire régional, rénover l’équivalent de 3 fois le parc de logement social bruxellois ou multiplier par 30 le réseau cyclable bruxellois…
1. En mois. C’est la durée de l’enquête publique sur le tronçon Liedts-Bordet, les sept nouvelles stations et le dépôt à Haren. Soit plus de 7 000 pages de documents à consulter, une mission impossible autant pour les habitant·es que pour les conseils d’avis ou les associations. Bien que la durée soit légale [1], elle nuit à la participation effective du public. Ce déficit de participation est une constante depuis le début de ce dossier. Il aurait pu être atténué si l’étude d’incidences environnementales avait été rendue disponible en amont. Au mois d’août dernier, la STIB et Beliris fêtaient la clôture de cette étude en communiquant très largement dans la presse sur ses conclusions (le métro est nécessaire) mais… sans en révéler le moindre contenu. En guise de participation, les habitant·es des communes concernées n’auront eu droit qu’à une exposition itinérante tenue deux semaines avant le début de l’enquête publique…
- 0,6. en pour cent. C’est le chiffre estimé de la diminution des kilomètres parcourus en voiture sur le tronçon Liedts-Bordet à la mise en service de la ligne de métro 3, soit au plus tôt en 2032. Un chiffre mis en évidence lors de l’étude sur la modification du PRAS, base légale du projet sur laquelle un recours au Conseil d’État introduit par IEB, l’ARAU et deux habitant·es est toujours pendant. Une diminution ridicule de la circulation automobile permettant non seulement de démentir la justification du métro 3 comme instrument du report modal mais démontrant également l’incapacité à compenser dans un avenir proche les émissions de gaz à effet de serre générées par la bétonisation de 4,5 kilomètres de tunnel et la création de sept stations démesurées. Le métro 3 étant donc tout sauf écologique, il n’est pas étonnant que ce chiffre soit totalement absent de l’étude d’incidences qui vient d’être mise à l’enquête publique, le chargé d’étude justifiant cette absence comme suit : « L’évaluation du transfert modal vers le métro n’est pas réalisée, étant donné que le métro, comme toute infrastructure de transport, ne constitue pas à lui seul un levier d’action engendrant un transfert modal. » [2]
+ 40. En pour cent. C’est l’augmentation de capacité que pourrait permettre une mise en site propre de la ligne de tram 55 exploitée avec des trams 4000 (contre des T3000 actuellement). Une alternative qui permettrait de répondre au constat fait par la STIB de la saturation actuelle de la ligne. Une alternative infiniment moins coûteuse, plus écologique, plus rapide à mettre en œuvre, n’hypothéquant pas les futures capacités d’investissement de la Région. Mais une alternative écartée sous prétexte que l’objectif premier recherché par la STIB est en réalité d’augmenter la vitesse commerciale de ses lignes de transport, ce qu’un tracé sinueux en milieu urbain ne permet que modérément. Le métro 3, lui, vous permettra par contre de relier Bordet à Albert, en seulement vingt minutes !
[1] Arrêté du 25 avril 2019 relatif aux enquêtes publiques.
[2] Étude d’incidences Métro Nord – Lot 2 : Ligne Liedts – Bordet, Livre VI – Bilan carbone, p. 19.
Source: https://ieb.be/Le-metro-3-une-histoire-de-nombres?suivi=2022-04-06&noix=46283