Le Conseil d’administration de l’Organisation internationale du Travail (OIT) a approuvé les conclusions du Comité de la liberté syndicale (CLS) au sujet de la plainte introduite contre la loi sur la norme salariale à l’initiative de la CSC avec le concours des deux autres syndicats belges. Le CLS a conclu que la loi sur la norme salariale est incompatible avec la liberté de négociation collective (convention 98 de l’OIT). Fort de ces constats, le CLS a enjoint le gouvernement à « prendre les mesures nécessaires pour assurer que les partenaires sociaux peuvent décider librement des critères sur lesquels baser leurs négociations sur les évolutions de salaires au niveau intersectoriel et des résultats desdites négociations ». C’est une bombe déposée sous la loi sur la norme salariale.
Le CLS est l’un des organes de contrôle de l’OIT. Sa composition est tripartite puisqu’y siègent des représentants des travailleurs, des employeurs et des gouvernements. Ce Comité est en charge du contrôle du respect de la liberté d’association et de la liberté de négociation collective.
Bien que les conclusions du CLS ne soient pas juridiquement contraignantes, la composition tripartite de cet organe de contrôle et l’adoption subséquente des conclusions par le Conseil d’administration de l’OIT – au sein duquel siège actuellement le gouvernement belge – donnent un poids considérable aux conclusions adoptées. Le gouvernement belge se doit d’y donner suite. Comme l’indiquait d’ailleurs récemment la ministre des Affaires étrangères en commission du Parlement fédéral, « la Belgique est parmi les 9 membres fondateurs de l’OIT et siège, pour un mandat de trois ans, au conseil d’administration de l’organisation. Elle a toujours soutenu l’OIT et son système normatif ». Le temps est donc aujourd’hui venu pour le gouvernement de joindre la parole aux actes et de donner suite aux conclusions dressées par le CLS en mettant fin à la restriction significative de la capacité des partenaires sociaux à négocier de manière autonome l’évolution du niveau des salaires du secteur privé en procédant à la révision de la loi de 1996.
Il est inconcevable que le gouvernement belge se retranche derrière le refus des organisations patronales belges pour s’opposer à toute modification de la loi de 1996. Le gouvernement belge se doit de respecter la Convention 98 de l’OIT et les conclusions du CLS qu’il a lui-même adoptées au Conseil d’administration de l’OIT. Il ne peut se retrancher derrière la position des organisations patronales belges ; position qui n’est, au demeurant, pas partagée par les représentants des employeurs siégeant au sein du CLS et du Conseil d’administration de l’OIT.
A défaut d’action décisive de la part du gouvernement, les syndicats continueront à dénoncer la violation de la Convention 98 par le gouvernement belge tant que la loi de 1996 ne sera pas modifiée. Les juges nationaux devront tenir compte des constats dressés par le CLS quant à la non-conformité de la loi de 1996 au regard de la Convention 98.
Eléments les plus importants des conclusions de l’OIT (https://www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/---ed_norm/---relconf/documents/meetingdocument/wcms_860243.pdf)
Cette liberté fondamentale de négocier collectivement est consacrée par la Convention n° 98 de l’OIT sur le droit d'organisation et de négociation collective (1949). Il s’agit d’une convention fondamentale de l’OIT que tous les Etats membres se doivent de respecter, même s’ils ne l’ont pas ratifiée. La Belgique a toutefois ratifié cette convention dès le 10 décembre 1953.
Le gouvernement Michel a toutefois perdu de vue les principes fondamentaux contenus dans cette convention de l’OIT en cadenassant la négociation collective en matière salariale. C’est pourquoi les syndicats se sont tournés en décembre 2021 vers le CLS en y introduisant une plainte contre le gouvernement belge qui maintient ce dispositif légal malgré son incompatibilité manifeste avec les principes de la liberté de négociation collective.
Le CLS estime que « les éléments décrits indiquent l’existence d’une restriction significative de la capacité des partenaires sociaux à négocier de manière autonome l’évolution du niveau des salaires du secteur privé ».
Or, comme le rappelle le CLS, « il revient aux parties de déterminer les questions à négocier et […] [les] critères à prendre en compte par les parties pour fixer les salaires (hausse du coût de la vie, productivité, etc.) est matière à négociation entre celles-ci ». Le CLS a en effet considéré que « des mesures prises unilatéralement par les autorités pour restreindre l’étendue des sujets négociables sont souvent incompatibles avec la convention no 98 ».
Le CLS rappelle également que « si, au nom d’une politique de stabilisation, un gouvernement considère que le taux des salaires ne peut pas être fixé librement par voie de négociations collectives, une telle restriction devrait être appliquée comme une mesure d’exception, limitée à l’indispensable, elle ne devrait pas excéder une période raisonnable et elle devrait être accompagnée de garanties appropriées en vue de protéger le niveau de vie des travailleurs ».
Le CLS constate que « si la norme salariale adoptée tous les deux ans n’a, par définition, pas de caractère permanent, le mécanisme qui permet de l’établir et qui fait l’objet de la présente plainte est en revanche d’application continue dans le temps dans la mesure où, en vertu de la législation en vigueur, il régit pour une durée indéterminée les exercices successifs de fixation de la marge maximale d’évolution des coûts salariaux ».
Suite à ces constats, le CLS invite le gouvernement à « prendre les mesures nécessaires pour assurer que les partenaires sociaux peuvent décider librement des critères sur lesquels baser leurs négociations sur les évolutions de salaires au niveau intersectoriel et des résultats desdites négociations ».