Koopkrachtplakkaat

EnergieplakkaatC

173646265 10222054268599783 1356797931624160070 n

Delen van artikels

"Quand il n’y a plus d’eau, nous ne buvons plus de soupe ni de café non plus, les animaux aussi se mettent à pleurer. Nous devons faire des kilomètres pour chercher de l’eau potable." Nous sommes dans la sierra surplombant Cajamarca au Pérou, partenaire commercial privilégié vers lequel a décollé samedi une mission économique présidée par la princesse Astrid. 

Il n’y a presque plus d’eau potable dans ce haut bassin séculairement riche en lacs, rivières et sources multiples car les mines à ciel ouvert se sont installées, et l’eau a inévitablement été contaminée. Plomb, cyanure, mercure, arsenic, tous de violents poisons qui provoquent différents types d’affections graves, depuis les cancers jusqu’aux malformations fœtales. La liste est impressionnante !

Toute la faune et la flore paient du reste le prix fort car, au Pérou, les réglementations en matière de respect de l’environnement sont quasi inexistantes en comparaison à l’Europe où ces mines à ciel ouvert auraient depuis longtemps été classées « Seveso » avec les mesures de précaution et protection qui y sont associées !

À Cajamarca et dans plusieurs autres zones du pays affectées par les impacts socio-environnementaux néfastes de l’extraction minière, les populations non consultées n’ont plus d’autre possibilité que de descendre dans la rue. Elles réclament pacifiquement le respect de leurs droits fondamentaux et s’entendent répondre avec violence qu’elles nuisent au bon développement du pays. En 2013, on recensait ainsi 216 conflits sociaux au Pérou dont 104 étaient liés à des projets miniers.

Il faut dire que le Pérou est un acteur important sur les marchés internationaux des métaux (cuivre, or, argent,..). Et cela se reflète également dans ses relations commerciales avec la Belgique, dont les importations en provenance du Pérou en 2013 étaient composées à plus de 50 % de « produits minéraux » et de « métaux communs ». À côté des mines, l’agriculture familiale reste une des activités économiques principales des communautés locales et la menace que représentent les entreprises minières à la responsabilité relative met directement en jeu la survie des populations.

De même, l’Union européenne a signé en 2012 un accord de commerce avec le Pérou (les Etats membres doivent encore le ratifier) qui accentue la dépendance de ce dernier envers le commerce de matières premières. Cet accord ne bénéficiera que très peu aux populations locales, mais risque d’affecter fortement l’agriculture familiale et d’amplifier l’accaparement des terres. La mainmise des entreprises minières sur les sols, l’eau et les infrastructures sera renforcée et légitimée par cet accord ; les populations locales perdront encore de leurs possibilités d’être consultées et écoutées dans les conflits sociaux qui risquent de s’intensifier.

Ces dernières années, la demande mondiale en matières premières a fortement augmenté, poussée notamment par le boom économique des pays émergents. La concurrence est aigue et la pression sur le Pérou est devenue plus forte. Le Pérou lui-même parie sur l’attrait d’investisseurs étrangers comme vecteur de croissance et leur ouvre grand ses portes au moyen d’une législation souple. Afin d’assurer son approvisionnement, l’UE a mis en place des stratégies qui visent à lui assurer un libre accès aux ressources naturelles et à protéger ses investissements dans ce secteur. En atteste l’accord commercial qui permet, entre autres, à des entreprises européennes de faire condamner le Pérou par une cour d’arbitrage internationale en cas d’expropriation indirecte. Les investissements belges ou étrangers pourraient donc se faire au détriment des autorités péruviennes et des besoins de populations locales.

Alors, à quel jeu jouons-nous avec cette mission économique belge ? Les rendez-vous d’affaires avec les acteurs du secteur des mines, de l’énergie et de l’agro-industrie peuvent-ils faire l’impasse sur conflits sociaux en cours ?

Nos responsables politiques seront-ils prêts à parler de responsabilité sociale des entreprises ?

Ne fermons pas les yeux, une fois sur place ; donnons-nous la peine de visiter ces concessions minières bien surveillées par les forces de police engagées comme milices privées par les entreprises, de voir les montagnes saccagées, les lagunes desséchées, les déchets toxiques amoncelés. Allons à la rencontre des communautés affectées et des organisations de défense des droits humains criminalisées et menacées. Ecoutons les propositions alternatives des autorités locales et soyons solidaires des populations locales durement réprimées lorsqu’elles revendiquent de façon non-violente, elles, leur droit à être consultées. Bref, la prise en compte de ces réalités conflictuelles n’est-elle pas un préalable aux investissements belges ?

Agnès Durt, Géraldine Duquenne (Commission Justice et Paix Belgique francophone), Stéphane Compère (CNCD-11.11.11)