Nul n’ignore que la Justice belge fonctionne mal. Manque de magistrats, manque de personnel aux greffes, manque de locaux adéquat, sous-investissement en matière d’informatique, prisons vétustes et insalubres, personnel pénitentiaire sous-payé et j’en passe et des meilleures.
Mais, ainsi l’a décidé le gouvernement ultralibéral – extrême-droite flamande de Charles Michel: Il faut-faire-des-économies partout en sans discernement!
Ainsi, en octobre 2014, il a été décidé en Conseil des ministres que tous les départements sans exception doivent économiser 4% en frais de personnel, 20% en frais de fonctionnement et 22% en crédits d’investissement.
Les « hauts » fonctionnaires de l’Inspection des finances ont remis une note cinglante aux ministres de la Justice Koen Geens (CD&V – chrétiens flamands) et du Budget Hervé Jamar (MR – libéraux francophones), où compare la gestion du département de la Justice à la Grèce ! Les méchants fonctionnaires tentent d'échapper aux mesures d'économies décidées par le gouvernement ! C’est ce que rapporte la Libre Belgique de mercredi 11 mars.
Dans sa note, l'Inspection des finances relève que le cabinet de la Justice a déposé sa « copie » en retard : après le 13 février. Oh ! Les vilains ! Et horresco referens, le projet déposé suppose une augmentation du budget de la Justice de 9,6%.
Alors, il faut se débarrasser de membres de personnels, fermer des services, fermer une prison – alors qu’on est en surpopulation financière –, ne pas payer les arriérés aux avocats pro deo, etc.
En clair, on voit où conduit l’orthodoxie budgétaire : à une Justice à deux vitesses, car non seulement les pro deo ne fonctionneront plus, mais l’Inspection des Finances suggère une augmentation des frais de Justice. Autrement dit, les laissés pour compte ne seront plus défendus et seuls les riches pourront ester !
Le journalisme cireur de pompes
Le quotidien de « référence » bruxellois « Le Soir » fait fort ces temps-ci. Mardi 10 mars, suite au refus du gouvernement de suivre l’accord dit « des dix » (représentants des organisations syndicales et du patronat) sur les prépensions, un certain Bernard Demonty signe l’éditorial du quotidien (anciennement) vespéral du titre : « Prépensions : une réforme équilibrée ». Il commence fort. Il écrit : « Le gouvernement a démontré qu’il pouvait entendre les objections émises par les patrons et les syndicats et en tenir compte. » Ensuite, M. Demonty décrit l’accord des « dix » qui remet en question l’obligation pour les prépensionnés de rechercher un emploi. Et il ajoute : « Le gouvernement, et la NV-A (nationalistes d’extrême-droite) en particulier aurait pu rejeter cet accord d’un revers de la main. Ce n’est pas le cas. » Ah bon ! Première nouvelle ! Mais si, selon le beau Bernard : « Et pour l’avenir, elle (la « suédoise », le surnom donné au gouvernement Michel) met en place un accompagnement personnalisé des prépensionnés ».
Cela signifie que le gouvernement n’a rien changé du tout. Il a ajouté une mesure qui ne signifie rien, c’est-à-dire de la poudre aux yeux. Et fort de son enthousiasme, M. Demonty n’a pas noté un élément essentiel : c’est la première fois dans l’histoire sociale de la Belgique qu’un gouvernement réforme un accord patrons – syndicats. C’est une grave atteinte à l’Etat social qui est justement basé sur la concertation entre le travail et le capital.
La CIA parle au « Soir ».
Mais non, nous n’en voulons pas au « Soir » ! Qu’allez-vous penser là ? Toujours est-il que dans sa livraison de vendredi 13 mars, on y lit l’interview de l’ancien patron de la CIA, David Petraeus qui défend bec et ongle la thèse des va-t-en-guerre néoconservateurs américains : le danger n’est pas Daesh que l’on finira par vaincre ; le danger c’est l’Iran et les milices chiites. Oh ! Il ne souhaite pas attaquer Téhéran tout de suite, mais il faudra un jour résoudre le problème.
près la visite de Netanyahou au Congrès américain où il était aussi question de l’Iran, voici que Petraeus qui, bien que retraité, reste influent, met son grain de sel.
Si ce n’est pas affaiblir l’actuel président US en fin de mandat, Barack Obama, qui souhaite un accord avec l’Iran sur le nucléaire, c’est en tout cas bien essayé. Et il est dommage qu’un quotidien comme « Le Soir » qui s’est montré plus avisé dans le temps, participe, sans qu’il ne publie la moindre critique, à cette campagne.
Ils n’étaient pas « tous pourris », mais « tous » étaient atteints.
Les scandales qui touchent les deux plus grandes formations francophones belges, le MR (libéraux francophones au gouvernement) et le PS (socialistes francophones dans l’opposition) ont fait renaître dans la population, d’après « Le Soir » du 12 mars et la « Libre » du 13, le sentiment des politiciens « tous pourris ». Un peu facile !
On se retrouve dans la bien-pensance : culpabiliser la population qui considère - trop souvent à juste titre - que la classe politique est largement corrompue. Cela ressemble très fort à la phrase malheureuse de François Hollande qui attribue le succès du Front national à un « échec collectif ».
Autrement dit, la classe politique refuse de se remettre en question. Elle est trop souvent liée à de grands intérêts financiers, voire à des tentatives d’escroqueries. Une analyse rigoureuse est à faire : les liens entre le capital et le politique. L’affaire n’est pas seulement juridique, elle est essentiellement politique, en ce sens qu’il faut absolument changer le rapport de forces et rétablir l’indépendance du monde politique par rapport à celui du capital.
C’est une question fondamentale pour l’avenir de la démocratie et il est inutile de culpabiliser l’un ou l’autre. Mais, certes, comme disait de Gaulle : « Vaste programme ! ».
Une montre qui ne donne pas l’heure.
Notre ami Robert Falony dénonçait récemment la création par le capitalisme de besoins inutiles. En voici un : l’Apple watch, la nouvelle montre du géant informatique américain. Une montre, direz-vous ? Il n’y a rien de plus utile !
Le problème est que cette nouvelle montre donne tout sauf l’heure. Elle permet de se géolocaliser (bonjour la NSA), d’écouter de la musique, elle contient un ordinateur Apple, de photographier, etc. Bref, toutes les fonctions sauf la mesure du temps !
Et elle vaut 15.000 dollars. Du genre : « Si vous n’avez pas une Apple watch à 25 ans, vous avez raté votre vie ! ».
Le néolibéralisme n’est vraiment plus de notre temps !
Pierre Verhas - 13 mars 2015