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Dans les années 1980 – 1990, Philippe Moureaux, le politique, l’idéologue, le mécano de la réforme de l’Etat, le chef incontesté de la Fédération bruxelloise du PS, le mythique bourgmestre de Molenbeek et, surtout, le grand combattant de l’antiracisme a incontestablement dominé le paysage socialiste bruxellois.

Mais aujourd’hui, après que l’on ait découvert les liens entre des groupes d’islamistes habitant à Molenbeek et les attentats de Paris, Philippe Moureaux, bien qu’il ne soit plus bourgmestre, fait la une de la presse belge et internationale.

Philippe Moureaux, l'homme qui a marqué le PS à Bruxelles pendant vingt années.

Philippe Moureaux, l'homme qui a marqué le PS à Bruxelles pendant vingt années.

Pourquoi ce fils de la grande bourgeoisie laïque de Bruxelles s’est retrouvé dans la commune populaire de Molenbeek ? L’ancien bourgmestre Edmond Machtens décéda en 1978 et sa succession fut difficile, au point que la situation politique de la commune devint chaotique. La direction du PS s’en inquiéta et André Cools, alors président du Parti, convainquit Philippe Moureaux, alors ministre de la Justice, de prendre Molenbeek en main. Il y arriva en 1981 et prit langue, par calcul politique, avec l’ancienne équipe de Machtens qui traînait des casseroles de grande taille, au lieu de s’associer avec la frange des Socialistes qui souhaitait un renouveau. Les élections législatives furent catastrophiques et les Socialistes rejetés dans l’opposition sur le plan national. À Molenbeek, le PS fut aussi écarté du pouvoir après les élections communales de 1982. Dès lors, Moureaux devint le chef de l’opposition locale où il fit son école.

L’homme de Molenbeek

Philippe Moureaux s’impliqua à fond dans « sa » commune de Molenbeek. Il vit sans doute là un territoire où il pouvait mettre en pratique ses idées antiracistes en vue de créer l’harmonie entre communautés différentes, entre les « blancs bleus belges » et les immigrés maghrébins. Comme toujours, avec Moureaux, bien qu’il s’en défende, cette action n’était pas dénuée de calcul : les Maghrébins représentaient à Molenbeek la classe ouvrière d’antan qui avait fait le succès du Parti socialiste. Comme parlementaire et aussi comme ministre, Philippe Moureaux mit tout en œuvre pour que les étrangers hors Union européenne bénéficient du droit de vote et aussi pour faciliter les naturalisations.

Incontestablement, cette stratégie a payé : le PS qui avait été balayé dans les années 1970 par le parti francophone bruxellois, FDF, et qui avait difficile à se hisser au-dessus du parti libéral (l’actuel MR), redevint la première formation politique à Bruxelles.

Cependant, le bourgmestre de Molenbeek fut accusé de favoriser le communautarisme et d’avoir une trop grande indulgence à l’égard de l’Islam et de l’islamisme en particulier. Même au sein de sa propre formation politique, les critiques fusèrent – mais timidement. En effet, Philippe Moureaux dirigeait la fédération bruxelloise du PS d’une main de fer. Et gare à celui qui aurait osé le contester !

En 2012, il a dû céder son poste à sa rivale, Françoise Schepmans, leader du MR local et fille de feu Jacques Schepmans, un journaliste de droite viscéralement antisocialiste. Moureaux prit sa retraite, mais cela ne l’empêcha pas d’intervenir régulièrement dans le débat politique local et régional. Il défendit bec et ongle sa politique d’ouverture envers les Musulmans et fit ainsi l’objet de controverses de plus en plus dures. En plus, la crise et les tensions au Moyen Orient attisaient ces polémiques.

Françoise Schepmans a succédé à Philippe Moureaux en 2012 et supporte mal le poids de son héritage.

Françoise Schepmans a succédé à Philippe Moureaux en 2012 et supporte mal le poids de son héritage.

Le summum fut atteint avec les attaques du vendredi 13 novembre à Paris. Lorsqu’on a appris que la plupart des membres du commando auteur des attentats provenaient de Molenbeek, de nombreuses voix s’élevèrent pour faire porter le chapeau à Philippe Moureaux qui, par son laxisme, lorsqu’il était bourgmestre, aurait laissé faire, sinon favorisé les islamistes dans sa commune. Pour d’aucuns, même au sein du PS, il portait une lourde responsabilité en cette tragédie. Même si on peut reprocher à Moureaux une trop grande indulgence à l’égard de l’islam radical, ces accusations sont odieuses et totalement dénuées de fondement.

Après Paris, une communication désastreuse

En réaction, la communication de l’ancien bourgmestre de Molenbeek fut catastrophique. Il se contenta d’accuser sa successeur, Mme Schepmans. Un peu court et aussi sans fondement. Cela se dégrada pour Moureaux, au point qu’il fut même lâché par l’actuelle présidente de la Fédération bruxelloise du PS, celle qu’il avait placée, Laurette Onkelinx. Tu quoque fili mi ! Il se décida, pour pouvoir avancer ses arguments, d’écrire un livre qu’il intitula « La vérité sur Molenbeek » (éditions La Boîte à Pandore, ISBN 978-2-87557-253-0, 17,90 €). Remarquons qu’il aurait pu choisir un autre titre, comme s’il était le seul détenteur de la vérité ! Néanmoins, l’ouvrage est paru à l’ouverture de la Foire du Livre de Bruxelles. Joli coup de marketing !

Fac similé de la couverture de "La vérité sur Molenbeek"

Fac similé de la couverture de "La vérité sur Molenbeek"

Tout de suite, les réactions furent virulentes. Françoise Schepmans l’accusa de « déni » et le compara à un « patriarche ». L’échevine (équivalent maire adjointe) Ecolo Sarah Turine qui avoue n’avoir lu que quelques pages et qui oublie que Philippe Moureaux l’a appuyée, prétend qu’il ne parle que de lui-même. Curieux ces gens qui vouent un écrit aux gémonies alors qu’ils ne l’ont pas lu !

L’ouvrage commence par la description de ce qu’il a vécu dès qu’il a appris les attentats de Paris dans la nuit du 13 au 14 novembre. Le 15, les médias révèlent que des membres du commando sont originaires de Molenbeek. Aussitôt, il est harcelé par les médias de toute sorte. Une angoisse l’étreint : il apprend qu’un jeune homme qui a travaillé dans son secrétariat de bourgmestre a été arrêtée lors de la perquisition chez les frères Abdeslam. Moureaux se pose des questions : il aurait manqué de vigilance face à des gens au comportement ordinaire mais pas toujours licite et qui ont versé dans le djihadisme. Mais comment pouvait-il le savoir ?

Sarah Turine, actuelle échevine Ecolo, avait été encouragée par Philippe Moureaux. Elle n'a pas la reconnaissance du ventre !

Sarah Turine, actuelle échevine Ecolo, avait été encouragée par Philippe Moureaux. Elle n'a pas la reconnaissance du ventre !

La liste

L’auteur relate un épisode assez curieux. Le 26 novembre, une journaliste russe lui demande une interview. Moureaux la reçoit à son domicile. Elle lui révèle l’existence d’une liste se trouvant chez la bourgmestre Schepmans où figurent les noms de tueurs de Paris. À ce moment, il n’attache guère d’importance à cette histoire. Mais on va très vite entrer dans un roman policier.

Plus loin dans l’ouvrage, l’auteur tente de savoir ce qu’il s’est passé avec cette fameuse liste qui n’existait pas lorsqu’il était encore bourgmestre. Mais, intrigué par les révélations de cette journaliste, Philippe Moureaux a cherché à savoir ce qu’il en était. « Une liste où se trouvaient les noms des protagonistes était entre les mains de la bourgmestre de cette commune. Oui, entre les mains d’une autorité municipale ! Cette liste n’était pas tombée du ciel. Elle avait été établie par les services dépendant du ministre de l’Intérieur. » La bourgmestre, c’est Françoise Schepmans, MR, le ministre, c’est Jan Jambon, le vice-premier NV-A (nationalistes flamands) du gouvernement Charles Michel, MR…

Et cela se corse : « L’existence de cette liste sera tenue secrète pendant environ une semaine [après les attentats, NDLR]. Elle sera, d’ailleurs, révélée par une voie inattendue, un média américain. » Alors là, c’est James Bond 007 ! Une journaliste russe révèle à l’ancien bourgmestre l’existence de ladite liste et c’est un média américain qui rend publique son existence. Qu’il y ait eu intox entre les services russes et américains comme au bon vieux temps de la guerre froide, il n’y a qu’un pas…

Philippe Moureaux s’étonne d’ailleurs de la passivité du ministre de l’Intérieur. Il révèle que Salah Abdeslam, dit « le déménageur », un des membres du commando, toujours recherché, tenait avec son frère un café où ils se livraient au trafic de drogue. Ce café a été fermé et Moureaux déplore que les policiers n’aient pas été mis au courant des soupçons de djihadisme qui pesaient sur les frangins.

Philippe Moureaux à Molenbeek

Le deuxième chapitre, très intéressant, donne une description sociologique, économique et politique de la commune de Molenbeek Saint-Jean. La construction du canal Charleroi Anvers passant par Bruxelles et la démolition des remparts de Bruxelles au XIXe siècle bouleversèrent la vie de cette petite commune à l’époque rurale. Des industries furent construites le long du canal et le besoin de main d’œuvre provoqua une immigration intérieure et il a fallu construire des logements. Un premier clivage social eut lieu : une bourgeoisie cossue dans les hôtels de maîtres de la chaussée de Gand et une population miséreuse le long du canal. Sur le plan politique, le POB (Parti Ouvrier Belge, ancêtre de l’actuel PS) devint le premier parti. Après la Seconde guerre mondiale, le Parti Socialiste Belge qui succéda au POB domina longtemps la commune de Molenbeek sous la férule d’une forte personnalité, Edmond Machtens. Il mène, en collaboration avec des entrepreneurs, une dynamique politique de logement (qui n’était pas dénuée de « copinage » avec les entrepreneurs et de favoritisme politique avec les nouveaux locataires. Cela, Moureaux ne l’évoque pas…) en construisant des buildings dans la partie restée rurale de la commune.

La Belgique avait besoin de main d’œuvre dans les années soixante et, par des accords avec le Maroc et la Turquie, une nouvelle immigration a lieu. Les Marocains s’installent dans les logements à bon marché à Molenbeek. Les Turcs plutôt du côté de Saint-Josse ten Noode et de Schaerbeek.

Lorsqu’il devint enfin bourgmestre en 1992, Moureaux écrit – et c’est fort peu connu - que sa première préoccupation fut de moderniser et renforcer la police locale qui allait à vau l’eau. Il remplaça l’ancien commissaire en chef par un jeune officier de police dynamique. En tant qu’homme de gauche, il explique quelle est sa conception du maintien de l’ordre. « Dans les pays où le discrédit de l’autorité publique a conduit à diminuer les efforts pour maintenir un corps de police puissant, contrôlé par l’Etat, la privatisation a fait florès et les quartiers habités par des gens aisés ont bénéficié d’une police financée par des contributions privées. En revanche, les quartiers populaires ont vu leur niveau de sécurité s’écrouler, la police officielle peu nombreuse, ne pouvant assurer convenablement la tâche qui lui était normalement dévolue. »

Sa deuxième priorité fut de rénover les quartiers populaires en déliquescence depuis les années 60. Moureaux joua de son influence politique pour obtenir un maximum de subventions et entreprit de vastes opérations de réhabilitation.

Sur le plan du logement, sa politique a consisté à éviter dans la mesure du possible les ghettos en mêlant logements moyens et logements sociaux dans un même quartier par des contrats de quartier. Et cette fois-là, c’est la gauche qui l’accuse de « gentrification »…

Son troisième chantier fut le dossier social et surtout celui de la jeunesse à l’abandon. Il fit des efforts considérables pour sortir les jeunes de leur situation de repli sur soi et il obtint des résultats spectaculaires qui ne plurent pas à tout le monde. Comme ces jeunes étaient pour la plupart arabo-musulmans, la droite libérale ne tarda pas à accuser le leader socialiste bruxellois de faire de « l’islamosocialisme » !

Philippe Moureaux s’explique sur sa relation avec la religion et l’Islam en particulier. Issu d’un milieu laïque – son père était ministre libéral et fut le créateur du Pacte scolaire – sans doute en réaction et du fait qu’il a été à ses débuts au sein du PS en relation avec le mouvement ouvrier chrétien de François Martou, il a eu une vision plus tolérante de la religion catholique. Quant au monde musulman, Moureaux avoue mal le connaître quand il arrive à Molenbeek. Il cafouille en prenant des décisions contradictoires.

Il comprend qu’il doit prendre contact avec les représentants du culte musulman pour se rapprocher de la population. Il se rend compte des problèmes que connaissent les musulmans en Belgique. Ainsi, la dépendance des imams d’ambassades étrangères dont celle de l’Arabie Saoudite est très mal perçue. Aussi, Moureaux milita pour l’instauration d’un Islam « pluriel ». D’autre part, il s’oppose à l’intégration à tout prix : « La démarche qui consiste à laisser pour seul choix aux musulmans vivant chez nous de s’aligner complètement sur notre mode de vie ou d’être relégués en marge de la société n’est pas acceptable. »

Il entretint des relations régulières avec les imams des différentes mosquées et organisa une rencontre annuelle afin de voir comment éviter des heurts pendant la période du ramadan.

Tariq Ramadan

Il assiste un jour à une conférence de l’islamologue suisse d’origine égyptienne et petit fils du fondateur des Frères musulmans, Tariq Ramadan. Moureaux ne cache pas une grande estime pour Tariq Ramadan. Il fustige ceux qui l’accusent de pratiquer le double langage en arguant qu’ils l’accusent sans avoir lu ses discours. Il a collaboré avec l’islamologue suisse et a pu, écrit-il, grâce à lui, empêcher des mariages forcés.

Philippe Moureaux manifeste une grande admiration pour Tariq Ramadan.

Philippe Moureaux manifeste une grande admiration pour Tariq Ramadan.

Sans doute, mais il passe sous silence l’ambigüité du discours de Ramadan entre autres sur un principe intangible pour des Socialistes, soixante ans après la grève des femmes de la FN de Herstal, et des Humanistes qui est celui de l’égalité hommes-femmes.

On se doute que cette vision des choses et son attitude sont fort mal vues des milieux laïques qui y voient une entorse à la sacro-sainte séparation de l’Eglise et de l’Etat et un ralliement de Philippe Moureaux au communautarisme. Au sein du PS bruxellois, pourtant réputé pour être très attaché à la laïcité, Moureaux en tant que président de la Fédération parvint par son autoritarisme à empêcher toute contestation à ce sujet.

Après le 13 novembre, l’ex-bourgmestre de Molenbeek fut accusé de laxisme à l’égard des islamistes. Moureaux s’en défend bec et ongle en montrant qu’au contraire, il a été particulièrement sévère à l’égard de certaines pratiques illicites comme le harcèlement des femmes, qu’il fut le premier bourgmestre à interdire le port du voile intégral, etc. Sur le plan culturel, il a créé des maisons de la culture et de la cohésion sociale avec priorité pour les quartiers sud de Molenbeek qui étaient devenus un véritable « ghetto culturel ». L’auteur reproche à la presse si prompte à l’accuser de laxisme de ne jamais avoir rapporté les mesures sévères qu’il a prises pour assurer le maintien de l’ordre dans la commune.

La politique d’ouverture

Philippe Moureaux assume le fait d’avoir ouvert les listes électorales socialistes à des personnes d’origine étrangère ne partageant pas les convictions laïques propres au PS. En outre, il se défend d’avoir voulu instaurer les accommodements raisonnables à la québécoise. Ici, Moureaux est très clair : autant il estime que des accommodements relèvent de la simple courtoisie comme ôter ses chaussures dans une mosquée, ne pas servir de porc à un Juif ou à un Musulman, etc., autant il s’oppose aux accommodements à la mode québécoise du philosophe Charles Taylor : « Je suis abasourdi lorsque je prends connaissance d’un jugement de la Cour suprême du Canada qui proclame que dans le cadre de ces accommodements raisonnables, le magistrat doit tenir compte uniquement de la sincérité du demandeur (…) Clairement, je pense que la loi doit être la même pour tous et, dans le mesure du possible, appliquée de façon uniforme en fonction de la jurisprudence. »

Moureaux a-t-il ou non appliqué lesdits accommodements raisonnables, il s’en défend. A ce stade, rappelons-nous la sévère critique de Merry Hermanus (http://uranopole.over-blog.com/2015/12/un-adieu-aux-armes-de-merry-hermanus.html ). Dans une missive publique, il écrit : « … le pire serait la trahison de nos valeurs, l’abandon progressif, hypocrite de ce qui fût notre apport essentiel à notre culture, à notre mode de vie. Je ne vois que des avantages à la présence dans notre région de cultures multiples, c’est une richesse indéniable mais je ne vois que des dangers si l’une de ces cultures veut imposer ses normes, revenir sur nos acquis sociétaux ou politiques, imposer ses normes alimentaires, revenir sur l’absolue égalité homme-femme, revenir sur l’impact du religieux dans la sphère politique etc. En d’autres termes, pourquoi pas le remplacement d’une part de notre population ! Substitution de nos droits, de nos valeurs non ! Jamais ! A Bruxelles, c’est ce qui est en train de se jouer. C’est cela l’enjeu essentiel. »

Philippe Moureaux a-t-il agi ainsi ? Il faut bien reconnaître qu’il y a eu trop d’incidents qui démontrent que l’on a cédé aux militants musulmans les plus intégristes. Moureaux réplique que cela s’est passé dans d’autres communes, pas à Molenbeek. Pas toujours vrai et un peu court ! Rappelons-nous, par exemple, l’affiche antisémite du PAC de Molenbeek qui a soulevé un tollé, à juste titre. (voir Uranopole : http://uranopole.over-blog.com/article-antisemitisme-au-ps-bruxellois-hermanus-a-raison-116243878.html%20%20%29">http://uranopole.over-blog.com/article-antisemitisme-au-ps-bruxellois-hermanus-a-raison-116243878.html )

La fréquentation des mosquées est dangereuse pour un responsable politique. L’auteur explique que c’est par ce biais qu’il pouvait entrer en contact avec la population arabo-musulmane de Molenbeek. A-t-il été dépassé par les événements ? On peut le penser. Ce danger a été dénoncé par le même Hermanus : « Ainsi la fédération s’est de plus en plus appuyée sur les mosquées et donc forcément sur les milieux musulmans les plus rétrogrades. Cela explique la disparition d’un certain nombre d’élues féminines d’origine maghrébine, ces femmes les premières élues de ce milieu, étaient toutes des femmes libérées des contraintes religieuses, ayant un langage direct, ferme à l’égard du poids du religieux. Aujourd’hui, elles sont remplacées par des élues beaucoup plus « lisses, soumises » On sait qu’elles ne causeront aucun problème avec leur communauté ou avec ceux qui s’y arrogent le rôle de représentant desdites communautés. »

Quoiqu’il en dise, c’est un échec, mais les choses semblent évoluer. Bien des jeunes d’origine maghrébines s’éloignent non pas de leur foi religieuse, mais de l’extrémisme archaïque alimenté par les nervis du radicalisme islamiste.

Le radicalisme religieux

Dans la deuxième partie de l’ouvrage, Philippe Moureaux se penche sur la montée du radicalisme religieux. Il raconte qu’il en a pris conscience très tôt. Il dénonce entre autres le comportement d’un personnage plus que douteux et haut en couleur, le prédicateur musulman d’origine belge qui se fait appeler cheikh Bassam. Il raconte également le rôle très dangereux joué à Molenbeek par le groupe anversois « Sharia4 Belgium » dont les membres ont été sévèrement condamnés par les tribunaux. L’auteur se penche sur le contexte international et sur la manière dont les jeunes sont recrutés pour rejoindre Daesh en Syrie. Il affirme même qu’à un certain moment, en « haut lieu », on autorisait les jeunes à partir dans le cynique espoir qu’ils ne reviennent pas !

Enfin, il analyse le développement du radicalisme religieux dans sa commune. Il tente d’en établir les raisons. Pour l’auteur, limiter l’analyse à la situation sociale comme le fait le PTB, est réducteur. C’est bien plus complexe. Il consacre de longues pages à ce sujet.

Moureaux connaît les personnages d’Abaaoud et d’Abdeslam et leurs parcours. Il est conscient, quand il est encore bourgmestre, du développement d’un foyer de violences dans un quartier donné. On ne peut donc le rendre responsable de « laxisme » en la matière.

En définitive, dans des circonstances tragiques, deux visions contradictoires se heurtent dans le fameux « vivre-ensemble ». Philippe Moureaux considère qu’il faut dépasser la laïcité et admettre le droit à la différence, tout en ne dérogeant pas à nos lois. D’autres pensent qu’en pratiquant le multiculturalisme, nous menaçons les fondements de notre vie commune.

Dès lors, sommes-nous assez forts pour conserver l’édifice immuable issu des Lumières, ou bien, faudra-t-il admettre que les brassages de populations mènent fatalement à un mélange des cultures ? Bref : qu’entendons-nous par universel ?

Pierre Verhas - (publié antérieurement sur uranopole.over-blog.com le) 22 février 2016