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Le gang de la haute finance a une nouvelle fois frappé: il a braqué l’usine US de construction d’engins de chantier Caterpillar de Gosselies près de Charleroi. Le nombre de victimes est considérable : 2.200 travailleurs, avec en plus les 4.000 employés et ouvriers des sous-traitants qui vivent de la filiale carolo du géant de l’Illinois.Caterpillar Gosselies a été inauguré en 1965 en pleine période de croissance économique, de frénésie de constructions d’autoroutes, d’investissements dans les pays du Tiers-monde. L’avenir était donc radieux. À cette époque, il existait un réel rapport de forces capital-travail et les organisations syndicales avaient leur mot à dire.

Mais, petit à petit, les choses se sont dégradées. La crise des charbonnages qui a été suivie par celle de la sidérurgie, sans compter le déclin d’industries de pointe comme les ACEC et CDC ont assombri le ciel radieux du profit dans le Pays Noir.

Le chateau d'eau de Caterpillar Gosselies, symbole visible de l'entreprise

Le chateau d'eau de Caterpillar Gosselies, symbole visible de l'entreprise

Caterpillar a survécu à tout cela et a même dégagé des bénéfices. Elle reste la dernière grande entreprise industrielle de la région avec l’avionneur Sonaca. Néanmoins, le climat social fut tendu tout au long de son histoire. Licenciements, chômage économique, menaces de fermeture, mouvements sociaux ont émaillé son parcours.

Les choses ont commencé à se dégrader sérieusement en 2013.

La direction a imposé des « sacrifices » salariaux et en flexibilité aux travailleurs de l’entreprise pour la sauver. Ces énormes efforts furent consentis en échange du maintien de l’emploi. Cela n’a pas empêché, l’année suivante, 2014, le licenciement de 1.331 personnes sur les 3.687 travailleurs que comptait l’entreprise.

Et le gouvernement fédéral par les fameux intérêts notionnels ainsi que le gouvernement wallon par de substantielles subventions ont apporté une aide non négligeable à Caterpillar.

Tout cela n’empêcha pas le transfert progressif de l’outil vers d’autres cieux. Cependant, les choses semblaient se calmer et rien ne présageait une nouvelle catastrophe sociale. Jusqu’à la dernière semaine du mois d’août 2016…

Le déroulement du hold up

La direction donna des informations rassurantes à la délégation syndicale. Et puis, tout à coup, le jeudi 1er septembre, un Conseil d’entreprise extraordinaire est convoqué pour le lendemain, le vendredi 2 septembre. À ce Conseil étaient présents tous les représentants syndicaux, le directeur financier américain de Caterpillar, Mark Thompson, et quelques membres de la direction belge. Thompson annonça la fermeture définitive du site Caterpillar de Gosselies pour le mois d’avril prochain, sans autre forme de procès.

On a appris dans la journée de la bouche même de Thompson que la direction belge était informée de cette décision depuis une semaine. Cela explique sans doute la courageuse absence d’une partie de cette direction…

C’est évidemment un terrible choc ! Les 2.200 travailleurs du site de Gosselies et leurs familles se retrouvent en un seul instant sur le carreau, sans avenir, à la porte de la misère. Aucune négociation prévue, aucun plan social n’est annoncé, sinon un nouveau Conseil d'entreprise convoqué pour le 12 septembre en application de la loi Renault. C’est donc la bouteille à encre !

La seule information que Thompson a daigné donner, ce sont les raisons de cette décision. Il y a trois raisons pour lesquelles cette décision avait été prise au terme d'une étude globale approfondie, mais il a n’a fourni aucun chiffre : la taille importante du site, donc les coûts importants engendrés, sa surcapacité actuelle, et les possibilités de produire les mêmes équipements ailleurs à moindre coût et moindre investissement. Il a cité la Chine et… Grenoble.

Dans un communiqué, le groupe américain indique qu'il envisage «d'allouer les volumes produits dans l'usine de Gosselies à d'autres centres de production en France (Grenoble) et à d'autres usines en dehors de l'Europe ». Dans ce contexte, « une procédure d'information et de consultation a été entamée et pourrait aboutir à un licenciement collectif et à la fermeture du site de Gosselies ».

L’obsession des coûts

C’est la sempiternelle obsession des coûts qui guide les décisions de cette entreprise. Tout cela fait donc partie d’un plan mondial de restructuration des activités de Caterpillar décidé depuis septembre 2015. Donc, peu importe que Gosselies dégage du bénéfice, dans l’esprit de la multinationale, le coût est trop élevé.

Pourquoi ? Parce que l’actionnariat ne voit qu’un aspect : le rapport coût bénéfice. Si le coût est trop élevé malgré un bénéfice important, il faut encore « compresser ». C’est en effet ce rapport coût bénéfice qui fixe le montant des dividendes. Et là est tout le problème posé par les entreprises transnationales avec les conséquences catastrophiques qui s’ensuivent aussi bien sur le plan social qu’en matière d’environnement.

Quand on observe toutes les réformes économiques et sociales prises par les gouvernements et les instances internationales, elles sont toutes guidées par la question des coûts. Une organisation patronale comme la FEB en Belgique ou le MEDEF en France est obnubilée par la problématique du coût du travail. Les négociations sur le fameux TTIP sont elles aussi déterminées par le problème des coûts : les normes de protection sociale, environnementale doivent être abrogées via des traités de ce genre pour permettre aux entreprises transnationales de produire et de vendre au moindre coût.

Eh bien ! A leur échelle, les travailleurs de Gosselies sont victimes de cette « philosophie » des coûts. Ce qui prouve que les efforts consentis en matière de salaire et de flexibilité n’ont servi à rien, sauf à… diminuer les coûts au plus grand profit des actionnaires.

Les travailleurs de Gosselies victimes de la politique des coûts qui ne sert qu'à enrichir les actionnaires.

Les travailleurs de Gosselies victimes de la politique des coûts qui ne sert qu'à enrichir les actionnaires.

Et cela marche, même si le chiffre d’affaires de l’entreprise transnationale Caterpillar diminue. En 2014, 1, 635 milliards de dollars de dividendes ont été distribués aux actionnaires. Parmi eux, un petit actionnaire du nom de Bill Gates en a touché à lui tout seul la bagatelle de 30 millions de dollars. Et ce, malgré un scandale qui a éclaboussé la firme de l’Illinois : en 2013, Caterpillar avait falsifié les comptes d’une entreprise du nom de Siwei en Chine, ce qui a engendré une perte de plusieurs centaines de millions de dollars.

Le séisme social est donc là. 2.200 travailleurs sur le carreau et il faut compter également les nombreux sous-traitants. Les estimations les plus optimistes parlent de 4.000 emplois indirects menacés, le plus pessimistes 6.000.

C’est du jamais vu depuis les « dégraissages » dans la sidérurgie à Liège comme à Charleroi des années 1990.

Le fatalisme se répand.

Il y a aussi une sorte de fatalisme qui s’installe. Un de mes correspondants raconte : « Dans les années 80, j'avais un copain syndicaliste de chez Caterpillar, qui me racontait que lorsque cela débrayait dans cette entreprise, à quel point le travail syndical était de retenir les mecs pour qu'ils ne prennent pas les grues pour démonter l'usine et foncer sur Bruxelles! Il s'est passé quelque chose, nom de dieu! ... pour que cela soit devenu si calme aujourd'hui, alors que la situation est plus grave que dans les années 80. »

Ici, alors que pour préserver l’outil, en vue de constituer un éventuel trésor de guerre, les syndicalistes n’ont pas décrété l’occupation de l’usine. Ainsi, la direction pourrait en catimini emporter les outils indispensables vers d’autres lieux et ainsi les travailleurs n’auraient plus aucun moyen de pression. Juste un bruit a couru comme quoi aucune machine produite ne sortirait de l’entreprise.

Cette résignation est probablement le fruit de la propagande ultralibérale qui envahit les médias depuis des années. On culpabilise le travailleur. On a même lu dans la presse qu’une des causes de la fermeture était les départs trop « faciles » en grève. Oui, le climat social était tendu. Oui, il y a eu 16 jours d’arrêts de travail dits « sauvages » et 12 jours de grève en 2015, mais on oublie d’en préciser les motifs : une gestion agressive de la direction qui veut toujours plus de flexibilité. Le but étant évidemment qu’un maximum de travailleurs dégoûtés s’en aillent, car, bien entendu, quand il y a grève, c’est par définition la faute des travailleurs.

Il y a là une réflexion fondamentale à faire.

Quant aux politiques, malgré le cinéma de vendredi dernier qui a vu le Premier ministre libéral Charles Michel et le ministre de l’emploi Kris Peeters – celui qui voudrait faire appliquer la loi « travail » en Belgique - se rendre à une réunion du gouvernement wallon à Namur sous la présidence du socialiste et aussi bourgmestre de Charleroi, Paul Magnette.

Le Premier ministre libéral Charles Michel et le Ministre président socialiste wallon Paul Magnette ne peuvent que constater leur impuissance.

Le Premier ministre libéral Charles Michel et le Ministre président socialiste wallon Paul Magnette ne peuvent que constater leur impuissance.

Quelles décisions pouvaient-ils prendre ? Demander à Caterpillar de rembourser les subsides et les avantages fiscaux reçus ? Personne ne croit à cette plaisanterie. Le board étatsunien de Caterpillar a toute latitude. Tout dépendra de sa décision.

Une brèche dans la forteresse ordolibérale européenne

La seule qui a eu une réaction sérieuse fut la Commissaire européenne belge aux affaires sociales, Marianne Tyssen. Elle a déclaré d’abord :

« Le Fonds d’ajustement à la Mondialisation créé il y a quelques années par la Commission européenne avait contribué avec 3 millions d’euros en 2015 et 2016 aux victimes des précédentes restructurations de Caterpillar. Je m’attends à ce que les autorités belges réintroduisent une demande cette fois-ci. Je ferai tout pour que les nouvelles aides puissent être payées au plus vite. »

Marianne Tyssen, Commissaire européenne belge des Affaires sociales, a ouvert une brèche dans l'orthodoxie budgétaire européenne.

Marianne Tyssen, Commissaire européenne belge des Affaires sociales, a ouvert une brèche dans l'orthodoxie budgétaire européenne.

Ensuite, Madame Tyssen a été plus loin. Elle déplore la faiblesse des investissements publics qui a pour conséquence la destruction du tissu industriel européen depuis plusieurs années.

Elle a ajouté :

« À titre personnel, je pense qu’il est temps de faire une évaluation du Pacte de stabilité et de croissance, et des conséquences de notre politique. »

Tout en rappelant qu’elle est partisane d’une « approche ferme » en matière de politique budgétaire. Cependant, Marianne Tyssen observe :

« Mais cinq ou six ans après [l’adoption de ces dispositifs], les circonstances économiques ont changé, les taux sont bas. On pourrait voir s’il n’y a pas quelque chose à faire. »

Cette déclaration est très importante. C’est la première fois qu’il y a une brèche dans le dogmatisme ordolibéral de la Commission européenne. Pourra-t-on l’élargir ?

Joan Condyts, rédacteur en chef de l'Echo, a le mérite d'être clair.

Joan Condyts, rédacteur en chef de l'Echo, a le mérite d'être clair.

Un débat s’est ouvert.

Joan Condyts, l’éditorialiste du journal financier belge « l’Echo » écrit dans la livraison du 3 septembre :

« La Belgique, et particulièrement la Wallonie, ne doivent pas se contenter d’attirer des entreprises, elles doivent en créer. Davantage. »

Bien sûr, et c’est ce que de nombreux militants syndicalistes et responsables de gauche, disaient il y a cinquante ans lorsque Caterpillar s’installa à Gosselies.

Mais, dans une interview dans la même livraison de « l’Echo », le Premier ministre libéral Charles Michel répond :

« … tous les gouvernements européens, la Belgique aussi, se battent pour attirer de grandes entreprises qui créent de l’emploi. »

Autrement dit, laissez venir à moi les entreprises transnationales qui donneront l’illusion de créer des emplois et qui continueront à piller le peu qu’il reste.

Au moins, c’est clair : on sait dans quel camp se trouve Charles Michel.

Mais tout cela vient trop tard pour les Caterpillar de Gosselies.

La lutte ne fait donc que commencer.

Pierre Verhas - 3 septembre 2016