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Cette fois-ci, les choses sont allées trop loin. On a tergiversé, temporisé, ergoté pendant des années pour éviter la rupture. On a avancé des demi-solutions basées sur des analyses faussées par le refus de constater la réalité sur le terrain. On s'aperçoit aujourd'hui qu'on ne peut plus reculer. La rupture est consommée.

 

Deux incidents ont provoqué le séisme tant redouté : une carte blanche sur le communautarisme de l'ancienne députée Ecolo et actuelle cheffe de groupe de ce parti dans l'opposition au conseil communal de Bruxelles-Ville, Marie Nagy et une déclaration à l'emporte-pièce sur les mosquées salafistes de la part du PS Yvan Mayeur, bourgmestre de la même Ville de Bruxelles.

 

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Marie Nagy a le courage et l'intelligence de défendre la laïcité même contre son propre parti qui se prétendlui aussi laïque.

 

Mayeur a déclaré que selon lui toutes les mosquées situées sur le territoire de la commune de Bruxelles-Ville sont salafistes. Le lendemain, il a quelque peu nuancé son propos en affirmant que tous les « musulmans ne sont pas salafistes. » Sur le fond, le premier magistrat de Bruxelles n'a pas tort : la plupart des mosquées sont salafistes, dont la première d'entre elles, celle du Cinquantenaire gérée par l'Arabie Saoudite. Mayeur propose que chaque mosquée soit gérée par une Fabrique d'Eglise comme les églises catholiques. Il s'agit d'un organisme réunissant des représentants de la commune concernée et les membres de la paroisse dont le rôle est d'assurer le financement de ce lieu de culte. Pour les mosquées, cela aurait un avantage, en ce sens que le représentant municipal pourrait contrôler ce qu'il se passe à la mosquée et le système de Fabrique d'Eglise assure la transparence dans la gestion financière.

 

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Yvan Mayeur est dans le collimateur des islamistes après ses déclarations sur les mosquées salafistes.

 

Cependant, Laurette Onkelinx, présidente de la Fédération bruxelloise du PS a fustigé les propos de Mayeur avec des mots très durs et il y risque d'y avoir un débat houleux à ce sujet qui pourrait déboucher sur une scission. De plus, le collectif contre l'islamophobie a déposé plainte contre le bourgmestre de Bruxelles pour propos islamophobes et a demandé au président Di Rupo de l'exclure du PS...

 

Du côté Ecolo, tout est parti d'une déclaration du député européen belge Ecolo Philippe Lamberts, par ailleurs un des meilleurs parlementaires de cette assemblée, qui proclama sa conviction religieuse et estimait dans une interview à l'hebdomadaire bruxellois Le Vif du 3 mars dernier qu'« En Europe, depuis les Lumières, le combat pour le libre-examen, pour la reconnaissance d'un être humain capable de penser par lui-même, a été un combat difficile contre le pouvoir des églises chrétiennes. Ce combat de la laïcité devait être mené. Mais je pense que c'est allé trop loin », sans par ailleurs préciser ce qu'il visait exactement. Il a ajouté qu'on ne pouvait cantonner la religion à la seule sphère privée.

 

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Philippe Lamberts, député européen écolo, excellent parlementaire, ne cache pas ses convictions religieuses et estime que le combat laïque a été trop loin !

 

Marie Nagy a réagi à cette déclaration dans une carte blanche au journal « Le Soir » daté du 21 mars, où elle fait part de son inquiétude devant l'évolution de son parti : « Cette tendance manifeste au retour du religieux dans l'espace public doit être confrontée à une approche qui cherche des solutions réelles aux défis de notre société. Veut-on faire d'Ecolo le nouveau porte-drapeau du « come back religieux » et, ce faisant, d'une approche communautariste, voire électoraliste de la politique ?

 

Dans le même ordre d'idées, l'évolution de mon groupe politique local m'inquiète. Sa position sur la neutralité et la laïcité dans les institutions prend une orientation qui ne me paraît pas être conforme aux valeurs défendues par Ecolo en vue de rendre possible le «vivre ensemble» dans le respect d'un socle commun. J'ai porté la question de la ligne politique d'Ecolo en la matière au niveau des instances fédérales sans obtenir à ce jour de réponse claire. Est-ce un débat qui fait peur ? »

 

« La neutralité et la laïcité visent à renforcer l'égalité... »

 

Rappelant son action : « La poursuite de l'égalité de traitement de tous les citoyens a toujours été l'un des piliers de mon action comme d'ailleurs des combats menés par Ecolo. En tant que parlementaire j'ai déposé ou cosigné des propositions de loi pour la régularisation des sans-papiers et pour le droit de vote des citoyens n'ayant pas la nationalité belge », Marie Nagy demande à son parti et aux autres formations démocratiques un débat pour clarifier les choses, car on n'hésite pas à affirmer que le combat laïque est discriminant à l'égard des musulmans. Et elle demande : « Ne devons-nous pas, au contraire, nous appliquer à faire de la pédagogie avec les citoyens et leur expliquer que la neutralité et la laïcité visent précisément à renforcer l'égalité et donner les mêmes chances à chacun ? Nous l'oublions trop souvent : c'est le fondement du principe de la séparation du religieux et de la gestion publique ! »

 

Horresco referens ! Après la publication de ce texte, la section locale de Bruxelles-Ville d'Ecolo se réunit d'urgence et les 12 membres présents (!) décident de retirer à Marie Nagy son mandat de cheffe de groupe et va jusqu'à demander son exclusion pure et simple du mouvement Ecolo !

 

Dans leur communiqué, les militants Ecolo parlent d'un conflit interne entre la locale et Marie Nagy et non d'un problème de fond sans préciser la nature dudit conflit qui aurait pour conséquence l'exclusion d'une militante historique de leur mouvement...

 

Sans prendre position sur ce fameux conflit, l'intellectuel bruxellois Henri Goldman, proche d'Ecolo, écrit sur son blog :

 

« Quand, en 1995, Marie Nagy a commencé sa carrière parlementaire ininterrompue depuis lors, la Région bruxelloise tardait à prendre corps et un mouvement urbain qui s'affirmait avait du mal à trouver des relais dans les assemblées. Sur ces deux terrains, elle fut créatrice et persévérante. Mais, au fil des années, une autre réalité a finit par émerger et par submerger tout le reste, et beaucoup ne l'ont pas vu venir. Cette ville, qui fut institutionnellement organisée sur base d'un mauvais compromis communautaire entre Flamands et francophones, dispose désormais d'une population qui n'a plus rien à voir avec ce schéma. En ce début de XXIe siècle, les deux « tribus belges » y sont devenues minoritaires tandis qu'une majorité de ses habitants est issue de l'immigration. Ceux-ci sont désormais des citoyens bruxellois à part entière qui souhaitent normalement peser sur l'organisation et l'image de leur cité, à égalité de droits et de devoirs. Beaucoup parmi eux se réclament de la religion musulmane. Dans une ville de vieille tradition libre-exaministe, cela n'est pas forcément facile à reconnaître et à accepter. Il y a du travail. »

 

La vieille tradition libre-exaministe

 

S'il est exact – et l'on s'en aperçoit quotidiennement – que les institutions régionales bruxelloises ne sont pas adaptées à la réalité sociologique de Bruxelles avec le poids de plus en plus important de sa population d'origine immigrée, ce n'est pas une raison pour renoncer aux principes fondamentaux que Goldman appelle la « vieille tradition libre-exaministe » !

 

Eh bien ! J'y tiens à la « vieille tradition libre-exaministe » et il y a des principes sur lesquels il n'est pas question de transiger : la liberté absolue de conscience et l'égalité hommes-femmes. Ces « fondamentaux » sont-ils incompatibles avec le fameux « Vivre ensemble » ? Non ! Bien au contraire. Ils en sont même la solution.

 

D'ailleurs, c'est précisément au nom de la liberté de conscience que je suis opposé à l'interdiction du foulard.

Quant à la religion et particulièrement la religion musulmane, parce que c'est bien sûr d'elle qu'il s'agit, Goldman écrit :

 

« La religion musulmane est un « fait culturel total » qui absorbe toutes les facettes de la vie sociale : se vêtir, se nourrir, se rencontrer. Bien malin qui pourrait, de l'extérieur, distinguer ce qui relève de la foi, de la tradition ou de normes sociales de comportement. Mais, « vu de l'intérieur », tout ceci est beaucoup plus fluide. Une sœur porte le foulard, l'autre pas et pourtant elles s'aiment, se comprennent et se soutiennent. »

 

Une fois de plus, c'est exact. Notons toutefois que les autres religions sont aussi un « fait culturel total ». Mais si ledit fait culturel impose de changer les règles de vie commune en société, il doit s'effacer devant la loi. Lorsque, par exemple, au nom de sa propre éthique, l'Eglise catholique en tant que telle fait pression sur le législateur pour qu'il n'adopte pas les projets de lois de dépénalisation de l'avortement, d'autorisation de l'euthanasie, du mariage homosexuel, etc., elle outrepasse son rôle. Lorsque la même Eglise ordonne via ses réseaux d'hôpitaux à des médecins de faire jouer la « clause de conscience » pour ne pas pratiquer l'IVG ou l'euthanasie, elle bafoue la loi au nom de ses propres règles. De même, quand certains imams prononcent dans les mosquées des prêches pour traquer les homosexuels, pour contraindre les femmes même non musulmanes à avoir une tenue « décente » dans l'espace public, pour interdire à des magasins d'alimentation de vendre des boissons alcoolisées, ils commettent de graves abus qui ne peuvent être tolérés.

 

La « question musulmane »

 

Mais où je ne suis plus Henri Goldman, c'est lorsqu'il écrit en conclusion de son article :

 

« Nous, Bruxellois, devrons tous apprendre à aborder la « question musulmane » de l'intérieur pour en saisir la finesse, sans trop se gargariser de quelques mots-valises mal définis, genre « neutralité » ou « laïcité ». Ceux qui resteront à distance, enfermés dans leur propre « entre-soi » et nourris de lectures parisiennes, auront forcément tout faux. Que cela nous plaise, nous déplaise ou nous indiffère, dans 20 ans, la moitié de la population bruxelloise aura quelque chose à voir avec l'islam par la généalogie, les références identitaires, la culture et/ou la religion... »

 

Il faut cesser de prendre la religion, qu'elle soit musulmane ou non, comme étant la principale dimension du problème et encore moins comme une solution. Le problème est avant tout la situation sociale de certaines communautés immigrées à Bruxelles. Cette situation sociale est due à plusieurs facteurs dont le premier est la crise qui a particulièrement frappé les couches les plus faibles de la société. Le second est politique : on a laissé ces communautés à l'abandon. On les a « ghettoïsées » dans certaines communes pour de sordides motifs électoraux et aussi parce qu'aucun politique à quelque niveau que ce soit ne savait quoi faire à ce sujet. Et c'est sur ce vide que l'islamisme s'est développé.

 

Il y eut à Molenbeek – la fameuse commune de Molenbeek ! – un bourgmestre qui a essayé : Philippe Moureaux que l'on accable aujourd'hui de tous les péchés, qu'on accuse même d'avoir été indirectement responsables des attentats terroristes de l'année dernière et de fin 2015.

 

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Philippe Moureaux, ancien bourgmestre de Molenbeek, a commis la grave erreur de s'appuyer sur les mosquées.

 

À la fois par conviction politique et par calcul politique, Moureaux qui était aussi président de la Fédération bruxelloise du PS, a favorisé l'intégration des communautés issues de l'immigration dans sa commune et dans l'ensemble de la région bruxelloise. Il a également fait en sorte qu'ils puissent jouer un rôle politique en militant – comme, par ailleurs, des Ecolos comme Marie Nagy ou Zoé Genot – pour le droit de vote aux étrangers. Et ce fut en partie une réussite : aujourd'hui, de nombreux mandataires publics sont d'origine immigrée. Il y a même des ministres et des parlementaires de haut niveau.

 

Mais, chaque médaille a son revers. La politique de Moureaux a aussi favorisé la ghettoïsation. Il commit la grave erreur de s'appuyer sur les mosquées qu'il considérait comme des éléments modérateurs. Et ce fut la porte ouverte au salafisme et à sa domination sur un quartier de Molenbeek qui fut la base d'où partirent les jeunes djihadistes (on dit aujourd'hui les « radicalisés »...) pour la Syrie et où furent formés les commandos terroristes qui ensanglantèrent Paris le 13 novembre 2015 et Bruxelles le 22 mars 2016.

 

Et c'est entre autres parce qu'on a oublié à Molenbeek la neutralité et les principes de laïcité que cette terrible dérive s'est produite. Force aurait dû rester à la loi par la prévention et la répression des agissements islamistes. C'était possible et cela n'a pas été fait. L'école aurait pu reprendre en main les jeunes-gens afin de les intégrer dans le circuit de l'enseignement où les « imams de garage » n'ont pas la place. Mais, il n'y eut ni la volonté, ni les moyens pour ce faire.

 

La laïcité : est-ce ringard ?

 

La laïcité, n'en déplaise à Henri Goldman, n'est pas un enfermement dans un « entre-soi », sans quoi elle n'aurait aucun sens. Elle permet au contraire une ouverture sur le monde qui n'interdit en rien de pratiquer sa religion, à condition qu'on laisse se développer l'enseignement et que l'on permette à chacune et à chacun de vivre comme il ou elle l'entend.

 

Ce n'est pas en laissant tout le terrain à la religion que la société évoluera, bien au contraire, car, ainsi, ce sera la seule loi dictée par les imams qui s'imposera, comme c'est d'ailleurs déjà le cas à Molenbeek. Si « aborder la « question musulmane » de l'intérieur » amène à abandonner les principes de base de la vie sociale au profit de la loi religieuse, cela ne semble pas être la bonne recette...

 

Il n'y a pas une « question musulmane ». Il y a une situation sociale dramatique et la détresse qui en résulte est exploitée par des imams qui ne sont que les zélateurs d'une doctrine politico-religieuse mortifère issue des monarchies pétrolières de la péninsule arabique par ailleurs minoritaire dans le monde musulman, mais dotée de moyens considérables.

 

Va-t-on être complice de cela ? Croit-on vraiment que le sort des communautés issues de l'immigration en sera amélioré ?

 

Aussi, les vieux principes libre-exaministes doivent-ils reprendre force et vigueur, mais pour cela, au risque de me répéter, il faut du courage et de l'intelligence.

 

Pierre Verhas

 

Bron: http://uranopole.over-blog.com/2017/03/laicite-et-communautarisme-rebelote.html