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Il est de bon ton d'affirmer après les résultats catastrophiques des élections présidentielles françaises pour le PS et pour LR que « droite et gauche » c'est fini.

 

Posons-nous d'abord une question : ces deux formations politiques qui gouvernaient en alternance sont-elles de « droite » pour le LR et de « gauche » pour le PS ? Elles ont mené la même politique depuis le virage de la rigueur de Mitterrand en 1982, leurs dirigeants naviguent à courte vue, elles sont gangrénées par l'usure du pouvoir. Bref, l'électeur français a sifflé la fin de cette période où le néolibéralisme s'est installé détruisant progressivement la société française et l'Etat social.

 

Les alertes diverses, les cris d'alarme lancés par des analystes de droite comme de gauche et par quelques rares hommes et femmes politiques un peu plus lucide que les autres ont été vains. Nul ne les a entendus. Les nuages se sont accumulés : le chômage endémique, la précarité se répandant un peu partout, la montée du racisme et des différentes formes de rejet de « l'autre », le multiculturalisme terreau d'une guerre civile larvée, les délocalisations, une situation internationale de plus en plus dangereuse et surtout la très nette impression que la classe dirigeante n'est plus en mesure de répondre à ces multiples défis.

 

Sur le plan politique, les deux principaux partis se sont présentés divisés à l'électeur. Les « primaires » de droite et de gauche en sont la preuve. Le candidat de la droite a été emberlificoté dans d'inextricables scandales qui ont opportunément éclaté dès le début de sa campagne, le candidat de gauche qui, certes, manquait de charisme a été lâché par son propre camp.

 

Mélenchon qui représentait un espoir pour la gauche avec un très bon programme s'est avéré incapable de rassembler tant est énorme son ego.

 

Et KriegsMarine s'est lamentablement plantée. Les causes : sa déplorable prestation lors du débat télévisé avec Macron, son « Front » divisé entre une tendance ultra réactionnaire représentée par sa nièce, Marion Maréchal nous voilà ! qui s'est volontairement mise en « réserve de la République » et une tendance libérale droitière menée par l'énarque Philippot.

 

Le Front national est une espèce de fourre-tout allant de l'extrême-droite identitaire à l'ultradroite « gestionnaire » en passant par les intégristes cathos. Ainsi, et c'est heureux, avec un tel méli mélo, il a très peu de chances d'arriver au pouvoir.

 

Et, bien entendu, le grand vainqueur : Emmanuel Macron. Sa campagne a été – il faut le reconnaître – une géniale opération de marketing. Il n'avait plus qu'à ramasser les morceaux laissés par ses adversaires. À l'exception de la gauche – Mélenchon aussi bien que Hamon – personne n'avait un programme, ni même Macron. Aussi, on n'a jamais assisté à une joute électorale aussi folle et le « banquier » a pu manipuler tout le monde sans difficulté. Il avait tout simplement changé les codes ! Et cela a marché !

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L'ancien et le nouveau : Emmanuel Macron salue son prédécesseur François Hollande : la continuité ?

 

La seconde phase de l'opération Macron, ce sont évidemment les législatives. Et là, cela risque d'être plus difficile. Mais, ses adversaires sont groggys pour un bout de temps et auront de la peine à se redresser d'ici là.

 

L'équipe Macron tente de disposer de la majorité absolue avec un cheptel de parlementaires issus de la « société civile » inexpérimentés et donc malléables à souhait avec en plus quelques vieux chevaux de retour de « droite » comme de « gauche » qui veulent sauver à tout prix leur siège et qui rêvent d'obtenir un juteux poste au gouvernement ou comme « chargés de mission ».

 

Ainsi, l'Assemblée nationale sera entièrement entre les mains du nouveau président.

 

Qu'y aura-t-il comme opposition ? Les débris du PS et des LR quelques « mélanchonistes » et communistes et sans doute – mais ce n'est pas encore fait – un important groupe du Front national qui pourrait devenir la principale force d'opposition. Et l'affaire semble bien emmanchée : les premiers sondages donnent des prévisions conformes à ce scénario.

 

Avec le contrôle sur sa majorité et une opposition morcelée avec le Front national comme « meneur », Macron sera sans doute le premier président de la Ve République à disposer d'une telle marge de manœuvre.

 

 

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Emmanuel Macron : le continuateur ? A première vue, cela ne semble pas être le cas.

 

Il disposerait ainsi comme son lointain prédécesseur Adolphe Thiers, l'homme qui a écrasé la Commune de Paris, d'une majorité « bleu horizon »... qui lui a permis d'installer durablement le pouvoir de la bourgeoisie. A la différence que la Commune n'est pas encore passée...

 

Bien sûr, rien n'est encore fait. Attendons le 18 juin, car entre temps il pourrait y avoir des surprises...

 

 

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Adolphe Thiers qui a installé la bourgeoisie au pouvoir en 1871 après avoir écrasé la Commune de Paris.

 

Gauche, droite... est-ce donc vraiment fini ?

 

Certains rêvent donc d'une classe politique qui ne soit plus de gauche ni de droite. D'autres disent que droite et gauche, c'est dépassé. C'est un vieux discours ressassé depuis les débuts de la démocratie parlementaire, essentiellement par des gens... de droite. En réalité, c'est la fin du politique qui est le programme. Et elle s'inscrit dans le projet libéral qui veut tout le pouvoir à l'économie.

 

Notons qu'il y en a de plus lucides : ils considèrent que si le clivage gauche - droite est dépassé, le clivage d'une société du haut et d'une société du bas est, lui, bien réel. En d'autres termes, c'est la société duale où le « bas » est mal représenté ou ne l'est plus du tout.

 

Philippe Frémeaux, l'éditorialiste de la revue en ligne « Alternative économique », écrit :

 

« Une vision assez réductrice qui peut être qualifiée de populiste, au sens où Emmanuel Macron s'adresse au peuple entendu comme un tout qui partage les mêmes intérêts, un peuple invité à renverser la table. De fait, Emmanuel Macron partage avec ses rivaux Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon le même « dégagisme » radical, dirigé contre les appareils politiques issus de l'opposition droite-gauche ancienne. Marine Le Pen entend balayer l'UMPS, en unifiant un peuple mythifié de Français de souche, indépendamment de leur position sociale, tout en désignant comme bouc émissaire l'étranger, qu'il soit immigré, issu de l'immigration, ou banquier cosmopolite et donc, antinational. Pour Jean-Luc Mélenchon, il s'agit de reconstruire une « nouvelle gauche », en unifiant le peuple tout entier à l'exclusion d'une petite oligarchie au service de la finance, elle aussi largement cosmopolite, voire au service d'intérêts étrangers, notamment allemands. Il a depuis l'origine pour objectif de tuer le PS – qui y arrive très bien tout seul reconnaissons-le –, d'achever le PC et de siphonner EELV via l'adoption d'une large partie de son programme (Alain Lipietz avait inventé la planification écologique et le green new deal bien avant Jean-Luc Mélenchon).

 

Le populisme d'extrême-centre d'Emmanuel Macron, lui aussi, se propose de faire table rase des vieux partis. Il porte la vision d'un peuple unifié autour de valeurs de progrès, invité à gagner tous ensemble la bataille de la mondialisation dans une Europe relancée. Il exalte la réussite individuelle dans un monde de liberté mais, à la différence du néolibéralisme inégalitaire d'un Fillon, il promet d'offrir les mêmes opportunités à tous (d'où une mesure symbolique forte sur la taille des classes en zone prioritaire – associée à un retour en arrière sur les rythmes scolaires générateurs d'inégalités entre enfants –, la réforme de Pôle emploi dans un sens plus flexisécuritaire, une volonté de casser les rentes afin de rendre la société plus mobile, voire « liquide », y compris celles qui seraient induites par un code du Travail qui privilégierait les insiders au profit des outsiders et limiterait donc l'embauche). »

 

Plus loin, il ajoute :

 

« Au-delà, si la lutte de classes n'est plus ce qu'elle était, il est clair que certains profitent plus que d'autres du « système » et pas seulement une petite oligarchie. Certains détruisent plus la planète que d'autres, du fait de leurs modes de consommation. Les intérêts des cadres supérieurs ne sont pas alignés sur ceux des salariés précaires, les parents d'élèves des classes moyennes aisés ne sont pas forcément les premiers à militer pour une école qui profiterait à tous les enfants (à tort d'ailleurs). Si la lutte des classes a disparu, les intérêts sont loin d'être alignés entre les 20 % les plus riches et les autres, entre les hommes et les femmes, entre les territoires qui vont bien et ceux qui souffrent, etc. Bref, si l'art de la politique est de transcender les intérêts particuliers pour bâtir une vision partagée de l'intérêt général, et ce n'est pas céder au populisme que de tenter d'y parvenir pour remporter une élection, cela n'interdit pas non plus de penser la/les divisions du social. »

 

Bon. En clair, trois populismes (extrême gauche, extrême droite et extrême centre) d'après Frémeaux ont eu raison du vieux clivage gauche – droite. Bien, mais l'auteur doit bien reconnaître que la lutte des classes est toujours là, même si elle a changé de nature. Et il oublie que des ouvriers se battent encore en France pour sauver leurs emplois menacés par des fermetures et des délocalisations.

 

Le barbu Rhénan prénommé Karl avait bien dit en 1848 que l'histoire de toute société est celle de la lutte des classes. Et il savait très bien que cet éternel combat changeait de nature en fonction des époques.

Aussi, peu importe le clivage – gauche-droite ou haut-bas – la lutte des classes, elle, est constante même si elle change de nature. Et le Président Macron est bien celui de la bourgeoisie et non de l'ensemble du peuple français.

 

Dans une interview à « l'Humanité » du 15 mai, le politologue Jérôme Sainte-Marie dit clairement : en réunifiant le libéralisme culturel promu par la gauche et le libéralisme économique de la droite, Macron a réussi à renforcer le pouvoir déjà très grand de la bourgeoisie.

 

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Le politologue Jérôme Sainte-Marie ne pense pas que la lutte des classes soit terminée.

 

« Commençons par le contenu idéologique de l'offre d'Emmanuel Macron, qui est très clair : il s'agit de la réunification de tous les libéralismes, le libéralisme économique et le libéralisme culturel. L'illusion que la gauche pouvait promouvoir le libéralisme culturel sans en tirer de conséquences quant au libéralisme économique – et inversement pour la droite – vole en éclats. Hamon et Mélenchon figurent le renouvellement du libéralisme culturel sans le libéralisme économique. Fillon, c'est le contraire. Cette réconciliation des deux libéralismes est également inscrite dans les traités commerciaux internationaux, comme le Tafta. Elle est portée sur le plan international par des chefs d'État comme Justin Trudeau.

 

Les élites des deux bords se retrouvent idéologiquement. Cela correspondant aussi à une pratique politique des gouvernements de droite ou de gauche, dont la convergence, quinquennat après quinquennat, était toujours plus éclatante. Mais les alternances divisaient de plus en plus artificiellement le bloc élitaire, que l'on peut appeler plus clairement la bourgeoisie. Cette dernière s'est rendu compte que ses divisions historiques étaient fatales à la mise en œuvre de son projet commun de réformes. Elle s'est donc réunifiée sous la forme du bloc élitaire. Cette réunification aurait pu se produire entre les deux tours. Cela s'est fait de manière plus brutale et plus rapide, avant même le premier tour, avec la création du mouvement En marche ! d'Emmanuel Macron. Ce dernier incarne parfaitement cette réunification idéologique et sociale de la bourgeoisie française pour donner aux réformes la plus grande force propulsive possible. »

 

Sainte-Marie pense aussi que les clivages classiques ont été bouleversés.

 

« De manière très schématique, la vie politique française a été longtemps structurée par deux grands blocs, la gauche et la droite, subdivisés en leur sein par deux forces. C'était le clivage politique qui était essentiel. Aujourd'hui, c'est le clivage sociologique qui est primordial, en ce sens qu'il détermine les opinions des électeurs et le comportement des élus. À l'intérieur de ce clivage, les cultures politiques servent de nuancier. »

 

Cependant, il avertit : de grandes tensions se font jour.

 

« Le premier facteur de tension est donc l'estompement du clivage gauche-droite au profit d'un choc entre libéralisme élitaire et souverainisme populaire. Intérêt social et valeurs politiques coïncident. Le premier tour a ainsi permis une forme de décantation sociologique, facilitée par l'affaissement du PS, qui était devenu un parti interclassiste.

 

Le second facteur est que les Français ont de plus en plus conscience que cette opposition sociale est fondamentale. Les études montrent que leur explication de vote renvoie très souvent à des considérations très matérielles, et antagonistes.

 

J'ajoute un troisième élément : si nous allons vers des solutions à la Blair ou à la Schröder, même si la situation générale du pays devait s'améliorer, dans ce modèle l'accroissement du bien-être de certains pourrait s'accompagner d'une plus forte précarisation ou paupérisation pour d'autres. Dans un pays de culture égalitariste comme la France, cela générerait des tensions très fortes, qui trouveraient dans le nouvel ordre démocratique une traduction politique directe. C'est tout le paradoxe de la « grande réconciliation » qu'incarne Emmanuel Macron. »

 

Ainsi, le modèle Macron, la réunification de la bourgeoisie ne seront pas un facteur d'apaisement. Bien au contraire, la précarité se répand et pourrait générer des révoltes de grande ampleur et sans doute générer un nouvel ordre démocratique.

C'est autant à redouter qu'à espérer.

 

Pierre Verhas

 

Bron: http://uranopole.over-blog.com/2017/05/gauche-droite-en-marche-macron.html