Comment un homme quasiment inconnu il y a deux ans a-t-il pu devenir président de la République française en deux temps et trois mouvements? Avec une majorité absolue à l'assemblée nationale? Faut-il voir dans cette ascension une illustration de la propension des masses à chercher l' homme providentiel s'il s'en présente? A le porter au pinacle?
Il y a de cela: l'effondrement des vieux partis, de la droite républicaine comme de la gauche socialiste, témoigne d'un évanouissement de la démocratie bourgeoise classique: ils se sont par trop discrédités.
Le chef de l'Etat aurait pu s'appeler Fillon. Ce nom incarne précisément ces combines affairistes qui, en Belgique aussi, suscitent, les médias aidant, le rejet de la "classe politique" par la population. Il suffit alors qu'un bateleur se présente, s'affirmant "ni de gauche ni de droite". Un bateleur, parce qu' Emmanuel Macron pratique au plus haut degré la langue de bois. Les chroniqueurs politiques décrivent un homme épris du secret, qui veut tout contrôler, servi par un entourage dévoué servilement à son chef d'entreprise, ex-banquier et haut fonctionnaire.
Les chiffres rapetissent Macron
Mais la France, dans la vieille tradition bonapartiste, s'est-elle vraiment "donnée" à Macron? Les chiffres le démentent absolument. Il y a d'abord cette énorme masse d'absentions, près de la moitié des électeurs inscrits. Quelle démission, quel vide de la représentation!
Et puis les chiffres le rapetissent: au premier tour de l'élection présidentielle, il est arrivé en tête avec 23,86%, soit 2,43% de plus que Marine Le Pen, suivie de Fillon et de Mélenchon. Quatre blocs de l'ordre des vingt pour cent! Mais le système électoral majoritaire à deux tours opère des miracles. Au second tour, et contre Marine Le Pen, l'ovni Macron passait évidemment à 66%.
Dès lors, les jeux étant faits, et pour "être gouvernés", les électeurs ont envoyé une majorité LRM à la nouvelle assemblée nationale: soit 356 sièges (LRM et Modem) sur 577, contre 136 pour la droite classique, 38 pour le PS et 29 pour la gauche radicale. Le Front national a fait passer dix élus.
Un style monarchique
D'emblée, "la République en marche" est manifestement en marche vers un système hyper-présidentiel. On invoquera le général De Gaulle: mais il avait son domaine réservé, et laissait "l'intendance" à ses ministres. Avec Macron, il s'agit de pratiques nouvelles. Face au Parlement, il "bouscule les usages", titre "Le Monde" du 30 juin.
Par delà ces circonstances immédiates, c'est le fond de la politique présidentielle qui pose question. On le soupçonne de vouloir gouverner (surtout) par ordonnances. D'avoir en vue une réforme du code du travail qui serait tout bénéfice pour le patronat.
Accords d'entreprise ou accords de branche? Ce n'est pas une question technique. C'est au niveau de l'entreprise que la position des salariés et de leurs organisations syndicales est la plus faible.
Comme élément positif, on peut retenir la promotion de la parité hommes -femmes.
Un champion de l'Europe libérale
A ce niveau, Emmanuel Macron s'est affirmé d'emblée comme un "pro- européen ", certes, mais évidemment comme un champion de l'Europe libérale. Il sera jugé sur sa capacité à combattre le dumping social. E la fraude fiscale!
Robert Falony (2.7.2017)
Paru comme « La lettre socialiste - Numéro 92. Juin 2017).
Cette lettre mensuelle peut se retrouver sur le blog: http://osons.le.socialisme.over-blog.com.