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Le 27 janvier 2020, c’est le 75e anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz par l’Armée rouge qui avançait vers Berlin. Auschwitz se situait dans la partie occidentale de la Pologne attribuée à l’Allemagne par le Pacte germano-soviétique de 1939.

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L'Armée rouge libère les détenues du camp d'extermination d'Auschwitz Birkenau. Mais si cette libération est une réalité incontestable, cette image n'est -elle pas un élément de propagande ?

Le 27 janvier 2020, c’est à Auschwitz même l’apothéose des commémorations qui ont commencé à Jérusalem sous les auspices du gouvernement israélien, en présence de nombreux chefs d’Etat et de gouvernement. Aujourd’hui, les mêmes chefs d’Etat et de gouvernement sont invités, à l’exception de celui du pays libérateur : la Russie.

Le militant progressiste Henri Goldman a récemment rouvert son blog ( https://leblogcosmopolite.blogspot.com/). Son dernier article est consacré à Auschwitz. Sa famille y fut décimée. Seul son père est revenu et il épousa peu après la mère d'Henri, Sonia, elle aussi rescapée. Henri Goldman écrit :

« Ma mère, Szajndla dite Sonia, y fut déportée de Malines en janvier 1944, avec le 23e convoi. Peu de temps après, elle donna naissance à une petite fille qui fut doucement euthanasiée pour éviter pire. Mon père, Yisroël dit Charles, arriva un peu plus tard, avec le 24e convoi, l’avant-dernier, accompagné de sa femme et du plus jeune de ses trois enfants. À l’arrivée, ils furent séparés sur la rampe. Mon père rentra dans le camp. Sa femme et son fils furent poussés dans l’autre file. Ils allaient prendre une douche. On ne devait plus les revoir. Leurs noms sont gravés sur les murs du mémorial juif d’Anderlecht, parmi plus de 25 000 autres noms. »

Ensuite, Henri Goldman dénonce avec virulence la récupération à des fins uniquement politiques de l’horreur des massacres de masse des Juifs allemands et des pays occupés perpétrés par les nazis.

« En 1960, le criminel nazi Adolf Eichmann fut exfiltré d’Argentine par des agents israéliens. Il fut exécuté au terme d’un procès qui s’acheva deux ans plus tard. C’est à partir de ce moment-là qu’Israël élabora une véritable stratégie autour de « la Shoah », un mot que, dans ma famille qui l’avait pourtant vécue, on n’avait jamais prononcé ni même entendu. Cette stratégie quelque peu anachronique – on est alors plus de quinze ans après la Libération – visait à faire d’Israël le légataire universel de tous les Juifs exterminés entre 1942 et 1945 afin d’en récolter les dividendes politiques auprès d’une opinion occidentale travaillée par la culpabilité. Tout une mythologie fut élaborée pour faire de l’État d’Israël la revanche rédemptrice des Juifs massacrés.

Mais de quel droit ? Mes grands-parents, gazés à Treblinka avec neuf de leurs dix enfants – ma mère était la dixième – n’étaient pas sionistes. Quand, lors de la fête de Pâque, ils se souhaitaient « l’an prochain à Jérusalem », il s’agissait de la Jérusalem céleste qui nous serait ouverte à l’arrivée du Messie, pas d’une ville physique. Ils n’ont donné mandat à personne pour parler en leur nom. Et moi, leur héritier, non plus. »

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Henri Goldman dans ce livre nous parle de sa mère, Sonia, rescapée des marches de la mort après Auschwitz.

La confusion entre le politique et le religieux

Le mot « Shoah » a été utilisé pour la première fois par Menahem Begin, alors chef de l’opposition en Israël. Il a été largement répandu par le film de Claude Lanzmann paru en 1985, d’une durée de 582 minutes et diffusé en feuilletons à la télévision. Ce documentaire eut le mérite de faire prendre conscience de l’holocauste nazi par un large public. Depuis lors, c’est le mot « Shoah » qui est le plus usité.

Notons que « Shoah » est une expression religieuse. Il y a donc un mélange entre une abomination concrète, œuvre d’êtres humains avec une foi. Comme le dénonce Henri Goldman : la fameuse prière « l’an prochain à Jérusalem » prononcée par ses parents concerne la « Jérusalem céleste », est donc purement spirituelle et ne consiste en rien à une adhésion inconditionnelle au projet sioniste. C’est cette confusion entre le religieux et le politique qui est abominable !

Il est clair que de nombreux descendants des victimes de l’horreur absolue des camps d’extermination n’acceptent pas cette récupération, ou plutôt cette appropriation par l’Etat d’Israël de l’extermination des Juifs à des fins purement politiques. Tout cela s’inscrit dans la logique de la fameuse loi « Etat nation » qui dispose qu’Israël est l’Etat du seul peuple juif. Donc, dans cet état d’esprit, Israël est l’unique représentant du peuple juif et les Occidentaux semblent accepter cela sans broncher. Le plus zélé d’entre eux, le président Macron, va même jusqu’à défendre un projet de loi assimilant l’antisionisme à l’antisémitisme. Donc, une opinion politique par définition critiquable, mais légitime puisqu’elle n’incite pas à la haine, est assimilée au pire des racismes. Après la récente adoption de loi dite Avia par l’Assemblée nationale française réprimant « les expressions de haine » sur les réseaux sociaux, voici une nouvelle disposition limitant la liberté d’opinion qui est en gestation !

Une politique bien pensée

En outre, tout cela s’inscrit dans une politique bien pensée. Israël est devenu selon le vieux rêve des néoconservateurs étatsuniens la pointe avancée de l’Occident dans le monde arabe dans l’optique du fameux « choc des civilisations ». Et ces commémorations faisant appel à l’émotion tout à fait légitime des peuples ont en réalité un objectif géopolitique : justifier une éventuelle guerre contre l’Iran qui est assimilé au nouveau « Satan ». D’ailleurs, le « plan de paix » de Trump s’inscrit dans la ligne de la politique du gouvernement de Benjamin Netanyahou.

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Le plan de paix signé entre le Président US Trump et le Premier ministre israélien Netanyahou fait partie d'une politique bien pensée qui s'est appropriée la mémoire d'Auschwitz.

Henri Goldman ajoute :

« L’appropriation par Israël de ce qu’il convient désormais d’appeler « la mémoire de la Shoah » est pour moi une vraie souffrance. Les derniers grands prêtres autoproclamés de cette nouvelle religion civile, les Sharon, Netanyahou et autres Liebermann, ont beaucoup plus de sang sur les mains que nos petits fascistes locaux. Aujourd’hui, le gouvernement d’Israël compte en son sein des ministres qui développent exactement la même idéologie suprémaciste que le Vlaams Belang, le MHP turc ou le Ku Klux Klan. Dans leur chef, c’est même plus qu’une idéologie. C’est une pratique. »

Et puis, on oublie le libérateur aujourd’hui considéré comme ennemi depuis que des apprentis sorciers de l’Occident « atlantiste » ont relancé la guerre froide, sanctionnant et isolant la Russie. C’est cependant, qu’on le veuille ou non, l’Union Soviétique qui a payé le plus lourd tribut à la lutte contre l’Allemagne nazie. Jean Lévy sur son blog ( http://canempechepasnicolas.over-blog.com/) exprime son avis :

« A entendre les médias, on pourrait penser que ce sont les Israéliens qui ont libéré Auschwitz. Et quand l'un de leurs journalistes se veut plus précis, il évoque" les Russes". Et bien non, ce sont les Soviétiques et les soldats de leur Armée rouge, composée de Russes, bien sûr, mais aussi venus de Sibérie, du Caucase, d'Ukraine, de Biélorussie, de toutes les Républiques qui alors fédéraient l'URSS. Ces forces, qui ont écrasé l'Allemand à Stalingrad, planteront le drapeau rouge sur les ruines de Berlin.

A cette époque, la propagande officielle de Berlin, et celle de leurs valets parisiens, n'évoquait le pouvoir soviétique que sous le terme de "judéo-bolchevique" et les consignes données à la Wehrmacht étaient alors de massacrer systématiquement "les commissaires politiques communistes et les juifs".

Cette assimilation, thème de la propagande nazie, n'est plus de mise aujourd'hui. L'Etat d'Israël fait partie aujourd'hui du dispositif militaire occidental.

L'ennemi, ce sont les Russes, ceux d'hier comme ceux d'aujourd’hui, coupables de ne pas laisser piller les richesses de leur pays, en clair, de ne pas livrer celui-ci aux intérêts étrangers.

Crime, aux yeux du capital international.

C'est ce qui conduit les instances de l'Union européenne, sous la direction de l’Allemagne, à considérer Moscou comme l'ennemi. Et d'assimiler Poutine à Hitler ! La goujaterie occidentale va même jusqu'à ne pas inviter les dirigeants russes à Auschwitz, que leurs troupes ont libéré, lors de la commémoration officielle de cet événement ...alors que les responsables de Berlin sont conviés à visiter les bunkers nazis des plages normandes, lors des anniversaires du débarquement de juin 44 ! »

Certes, ces propos sont excessifs, mais ils ont le mérite de bien cerner la question. Alors que l’on commémore la pire des abominations, il est intolérable que l’extermination des Juifs et aussi des Tziganes et des Soviétiques soit exploitée, deux tiers de siècle après, à des fins géopolitiques qui n’ont historiquement rien à voir avec cette horreur. Ce n’est rien d’autre que flétrir la mémoire des millions de morts des camps nazis – parce qu’il n’y a pas que Auschwitz – et mépriser le calvaire des rescapés.

Les marches de la mort

Et puis, il faut savoir que le plus grand nombre de prisonniers d’Auschwitz présents en janvier 1945 n’ont pas été libérés par l’Armée rouge le 27. On « oublie » dans ces cérémonies officielles un autre aspect aussi abominable : les marches de la mort. L’historienne belge Claire Pahaut vient de le rappeler sur les réseaux sociaux :

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Madame Claire Pahaut, historienne spécialiste de la déportation rappelle utilement l'horreur des "marches de la mort".

« Oui, le camp d'Auschwitz est libéré par les Russes, Alliés de l'Est, comme les Anglais, les Américains, les Canadiens ... étaient ceux de l'Ouest. Mais que trouvent les Russes en entrant sans doute par le camp de Birkenau ?

Des hectares de baraques vides devant eux. Et tout dans le fond ? Les restes des chambres à gaz que les nazis ont fait sauter avant leur départ. Comme si l'Histoire ne pourrait y découvrir leur usage. Des survivants ? Peu. Pour la plupart, grabataires. Abandonnés à leur agonie.

Et les centaines de milliers d’autres ? Évacués sur les routes d'Europe. Des "marches de la mort" en langage de camps. 10.000 femmes sont menées à Ravensbrück et y arrivent autour du 23 janvier. Environ 7.000 survivantes. Ravensbrück est déjà en surpeuplement. Épidémies, faim, épuisement ... Un camp de déportées politiques, qui se doublent maintenant de déportées raciales. Survivre est le mot d'ordre qui se glisse de bouches à oreilles. Trois mois s'écouleront avant "leur" libération. Il en est de même dans tous les camps d'hommes. Dora, Buchenwald, Flossenburg, Dachau, ... La liste est si longue. Qui dans les médias d'aujourd'hui dressent le vrai décor de l'Europe du IIIe Reich de janvier à avril 1945 ? J'en connais un, dans le Soir, Marc Metdepenningen pour ne pas le citer. Oui, Auschwitz commémore sa libération. Et le monde s'en souvient avec lui. »

Eh oui, chère Claire Pahaut, la mémoire officielle a des lacunes ! Les marches de la mort qui ont pourtant été évoquées par le général de Gaulle lui-même dans ses « Mémoires de guerre », n’ont guère été retenues – ou très peu – dans les discours officiels. Or, il suffit de lire les témoignages des rescapés. Ces marches furent le paroxysme de l’horreur, les SS étant en panique et donc encore plus cruels. Dans son témoignage interview, Sam Braun, rescapé du camp d’Auschwitz, victime avec sa famille de la rafle du Vel d’Hiv, fut le seul à survivre. Sa carrure d’athlète lui évita la « douche » à la sélection à Birkenau et il fut transféré à Monowitz, l’usine du camp Auschwitz III qui exploita les esclaves à la fabrication de caoutchouc dans une énorme usine de la tristement célèbre compagnie IG Farben. (Voir Sam Braun, Personne ne m’aurait cru, alors je me suis tu, Albin Michel, 2008, réédité en édition de poche). Il raconte « sa » marche de la mort.

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Feu le Docteur Sam Braun, victime de la rafle du Vel d'Hiv, rescapé d'Auschwitz a voulu perpétuer la mémoire de l'horreur de ce camp. Il fonda et dirigea jusqu'à sa disparition le Cercle Mémoire & Vigilance à Paris. Il décrit "sa" marche de la mort...

Le 17 janvier 1945, les SS et les kapos firent sortir brutalement les détenus, d’abord en rang, ensuite, la file s’étirait et ils avaient comme chaussures des galoches à semelles de bois. Ils marchèrent sans savoir leur destination, gardés par de nombreux SS nerveux et féroces. Sam Braun dit :

« Les longues colonnes de déportés en habits de bagnards, fuyant la progression de l’avance alliée, avançaient dans des directions diverses, le but étant de s’éloigner du front. Les SS nous menaient comme ils auraient mené des troupeaux (…) Très peu de déportés se sont retrouvés comme moi à Prague. La grande majorité des colonnes a été dirigée vers des camps comme Bergen-Belsen ou Buchenwald… ».

Sam Braun quant à lui, a rejoint durant cette marche qui a duré quatre mois, quatre camps de taille moyenne, puis les déportés de son groupe ont été mis sur des wagons plats de chemin de fer sur la ligne de Prague. Ils servaient de boucliers humains pour que l’aviation alliée ne bombarde pas cette ligne. Le convoi s’arrêta dans une gare. Là, la population locale a vu ces bagnards affamés, malades, certains étaient mourants. Le train reparti, des passerelles qui étaient au-dessus de la ligne de chemin de fer, des hommes jetaient du pain aux prisonniers. Les SS furieux leur tiraient dessus, mais ce dérisoire « ravitaillement » se poursuivait. Des hommes avaient fait leur devoir d’être humain au péril de leur vie.

Ainsi donc, le 27 janvier 1945, tout Auschwitz était loin d’être libéré. Il ne restait sur place que des malades, quelques centaines de femmes et d’hommes valides qui n’avaient pas été emmenés vers la marche de la mort. Ils étaient environ 7 000. Mais le calvaire de des dizaines de milliers d’autres se poursuivit jusqu’à la mort pour bon nombre d’entre eux et les autres furent libérés par les Américains en mai 1945.

Alors, dans les commémorations, les déportés des marches de la mort ont été oubliés.

Ces commémorations ont fait appel à l’émotion suscitée par cette horreur. Mais elles avaient un objectif politique : assurer la suprématie de l’Occident. Les puissants de ce monde réunis en une sorte de communion médiatisée pour pleurer un passé qu’ils n’ont pas connu n’ont rien suscité au fond de nous-même, sinon un manque de sincérité. Faire appel uniquement à l’émotion est effacer la lucidité. Or, si on veut que le « Plus jamais ça » tant proclamé ne soit plus le « Toujours ça », la lucidité est indispensable.

Et la lucidité montre que ses commémorations sont incomplètes – volontairement ou par ignorance ? Nul ne le sait.

Laissons la conclusion à Alain Garrigou, historien, professeur des universités à Paris-Sorbonne qui écrit dans un article paru dans le « Monde diplomatique » de janvier 2020 :

« Ce ne sont pas les raisons politiques anachroniques contemporaines — ménager les susceptibilités des Alliés d’aujourd’hui, faire du passé table rase pour un futur meilleur, ou bien seulement faire le malin — qui doivent guider nos appréciations du passé. Ce serait un bien mauvais calcul que de croire aider à la paix en ménageant les susceptibilités individuelles ou collectives d’aujourd’hui au prix de l’oubli des crimes individuels et collectifs d’hier. Sur un sujet aussi grave, il n’y a aucune place pour les accommodements mais seulement pour la vérité. Aussi dérangeante et accablante soit-elle. »

Oui, l’émotion toute légitime qu’elle soit doit laisser la place à la lucidité et à la raison pour que « Plus jamais ça ! » soit une réalité.

Pierre Verhas

Source: http://uranopole.over-blog.com/2020/01/auschwitz-les-enjeux-geopolitiques-des-commemorations.html