Un homme de bien – Si Ali El Hili – vient de nous quitter.
Si Ali El Hili, vous connaissez ? Non, évidemment. Nous sommes par trop européo centrés pour savoir qui est cette personnalité tunisienne qui vient de disparaître. Madame Faouzia Charfi, physicienne tunisienne, professeur à l’Université de Tunis et auteure du remarquable ouvrage « La Science voilée », éd. Odile Jacob, Paris, 2016, vient de lui rendre un dernier hommage. M. Si Ali El Hili, était physicien aussi et Doyen de la Faculté des sciences de la même Université sans oublier qu’il était une personnalité engagée connue de tous les Tunisiens.
Si Ali El Hili, Doyen de la Faculté des Sciences de l'Université de Tunis et militant de la démocratie vient de nous quitter.
M. Si Ali faisait partie de ces personnalités qui sont en première ligne pour défendre les valeurs universelles et que nous négligeons ici en Europe. Madame Charfi rapporte cet épisode qu’elle a vécu avec lui. C’est une démonstration de courage et de respect des principes fondamentaux qui devraient guider nos sociétés déboussolées. Cet épisode se déroula en 1982 lorsque les étudiants islamistes occupèrent l’université.
Faouzia Charfi, professeur de Physique à l'Université de Tunis et profondément attachée à la pensée libre
« J'étais à mon labo de recherches au département de physique et dès que j'ai appris que son bureau était occupé par les étudiants islamistes, j'y suis allée et n'en suis sorti que lorsque les étudiants ont fini par quitter le bureau.
Les étudiants étaient cagoulés mais ayant passé quelques heures à les observer j'ai eu le temps d'en reconnaître deux qui étaient mes étudiants. Quelques temps après cette terrible journée, des responsables du ministère de l'intérieur chargé de l'enquête ont contacté si Ali. Si Ali me téléphone à mon bureau et m'informe que les autorités demandent des informations sur les étudiants coupables de cette séquestration. J'ai répondu à Si Ali que je n'étais ni policier ni juge. Je n'ai pas donné les noms des deux étudiants que j'ai reconnus et que j'ai par ailleurs retrouvé fin juin pour leur faire passer l'oral, avec la neutralité que je considère incontournable. Leurs regards m'avaient confirmée que je ne m'étais pas trompée.
J'avais reparlé de cela avec Si Ali qui a refusé aussi pour les mêmes raisons que moi de donner des renseignements précis aux autorités. Si c'était à refaire je le referais et je pense que c'est important de rétablir les faits tels qu'ils se sont passés. La police n'est pas intervenue pendant de longues heures alors que les étudiants menaçaient le Doyen Ali el Hili. A la fin de l'après-midi, un bus de la SNT a été envoyé pour que les étudiants quittent le campus...
Pour terminer, il faut savoir que feu Ali el Hili gênait beaucoup les autorités, il faisait la guerre à ceux qui venaient des pays du Golfe pour chasser l'outarde. Il était un homme de conviction, Qu'il repose en paix. »
En effet, Ali El Hili protégeait activement la faune du Sud tunisien. Un de ses anciens étudiants, Moncef Bouchara rappelle : « Au milieu des années 80, Monsieur Gaston Defferre, ancien Maire de Marseille et plusieurs fois Ministre de La République Française, était venu chasser près du Lac Ichkeul, avec l'assentiment implicite, sans doute de certaines autorités locales. Si Ali El Hili en fit un tel scandale, national et international, que Monsieur Defferre s'est senti obligé de plier bagage illico presto, après avoir été averti que des journaux en France allaient fuiter l’information… Plus tard, il continuera en se battant contre les émirs du Golfe qui venaient décimer nos réserves de gazelles, outardes et autres espèces sauvages du Sud Tunisien. »
Julian Assange : sa vie est en danger !
Quand il était confiné à l’ambassade d’Equateur à Londres – il s’agit d’un confinement d’une toute autre nature que celui que nous impose le coronavirus –, Julian Assange a eu une relation intime avec son avocate Stella Morris, liaison qui a donné deux enfants. Stella Morris d’origine sud-africaine, qui parle couramment le suédois, a défendu Assange dans le dossier des fausses accusations de viol lancées par le Parquet de Stockholm.
Julian Assange et son avocate Stella Morris à l'ambassade d'Equateur à Londres à l'époque où il était encore un véritable réfugié politique
Dans les commentaires accompagnant un article du Daily Mail, l’avocate d’origine sud-africaine a expliqué qu’elle s’exprimait publiquement pour la première fois, car "il y a un danger imminent pour sa vie". Elle a averti que « la mauvaise santé physique de Julian le met en grave danger, comme beaucoup d’autres personnes vulnérables, et je ne pense pas qu’il survivra à une infection par le coronavirus ».
« Au cours des cinq dernières années, j’ai découvert que l’amour rend les circonstances les plus intolérables supportables, mais là c’est différent, je suis maintenant terrifiée à l’idée de ne plus le revoir vivant », a-t-elle ajouté.
Morris avait déposé le mois dernier une déclaration à l’appui d’une demande de libération sous caution d’Assange. Cette demande n’a pas été acceptée par l’impitoyable juge Vanessa Baraitser. Or, Julian Assange souffre d’une maladie pulmonaire chronique, ce qui le rend vulnérable au COVID-19. Et 150 membres du personnel de la prison de Belmarsh où Assange est incarcéré sont infectés par le virus ou en confinement. Il y a eu deux décès connus de détenus, mais Assange a dit à un ami la semaine dernière qu’il y en avait d’autres.
Baraitser a également décrété que les audiences du tribunal de mai pour l’extradition d’Assange vers les États-Unis se poursuivront, même si la Grande-Bretagne est en état de confinement national, qu’il y a des décès massifs de coronavirus et que le fondateur de WikiLeaks n’a aucune possibilité de consulter ses avocats. Cela signifie d’après le site « Le Grand Soir » qui diffuse les informations dans le monde francophone sur le sort du grand journaliste qu’est Julian Assange, que Baraitser agit selon un plan prédéterminé dicté par ceux qui orchestrent l’envoi d’Assange aux États-Unis, où il risque la prison à vie pour avoir dénoncé les crimes de guerre américains.
Et ce n’est pas tout. Dans un geste particulièrement odieux, Baraitser a rejeté une demande des avocats d’Assange pour que l’identité de Stella Morris et de ses enfants soit protégée. Ils avaient prévenu qu’elle avait déjà été harcelée en raison de sa relation avec Assange. Les appels lancés par de hauts responsables politiques et des agents des services de renseignement américains pour qu’Assange soit réduit au silence, voire tué, la mettent clairement en danger.
Stella Morris et Julian Assange ont eu deux enfants. Durant son exil à l'ambassade équatorienne, c'est volontairement que Julian Assange a voulu fonder un foyer avec Stella Morris.
Ainsi, sa compagne et ses enfants sont en danger ! Les droits humains les plus fondamentaux sont bafoués par un Etat profond à la puissance inégalée. Julian Assange les a dérangés. Il doit payer et il faut que cela se sache, il faut répandre la terreur afin que l’exercice de l’information soit définitivement muselé !
Baraitser est resté impassible, déclarant qu’il était dans « l’intérêt public » de pays révéler l’identité des membres vulnérables de la famille d’Assange. Cette abomination se passe dans le fondateur de la démocratie parlementaire, dans le pays de l’habeas corpus devenu le valet de l’Etat profond US bien servi par le pantin Donald Trump ! Sir Winston, help !
L’avocat a déclaré qu’ils avaient pris une « décision délibérée » de former une famille, alors qu’Assange était un réfugié politique dans le bâtiment de l’ambassade. Ils avaient voulu « abattre les murs autour de lui, voir une vie, imaginer une vie au-delà de cette prison ». Pour beaucoup de gens, il serait fou de fonder une famille dans ces circonstances, mais pour nous, c’était la chose la plus censée à faire. C’est ce qui fait que les choses restent réelles... Quand il voit les enfants, cela lui apporte beaucoup de paix, d’attention et de soutien.
Tout comme à la guerre
Stella Morris a expliqué plus en détail : « Tout comme à la guerre, lorsque les gens tombent amoureux et décident de vivre leur vie, dans un acte de rébellion, je pense que tomber amoureux est une sorte d’acte de rébellion dans un contexte où il y a beaucoup de tentatives de détruire votre vie et la raison de faire ce que vous faites. »
Wikileaks a diffusé une vidéo où Stella Morris s’exprime devant ses enfants. Il y a manifestement un petit air de famille avec Julian Assange !
Vidéo diffusée par Wikileaks présentant la compagne de Julian Assange, mère de ses deux garçons. Elle raconte leur calvaire.
Voici grâce au site « Le Grand Soir » la transcription en français d’une partie de la vidéo où Stella Morris raconte l’histoire de son couple.
« (Stella, s’adressant à l’un de ses fils : "Bonjour mon cœur...")
Bonjour, je m’appelle Stella Morris, je suis la partenaire de Julian Assange, je l’ai rencontré en 201, nous nous sommes mis ensemble en 2015 et nous avons deux enfants, Max et Gabriel.
J’avais reçu un e-mail de Jennifer Robinson qui a envoyé une demande via son réseau d’Oxford lui disant que l’affaire dans laquelle elle était impliquée, impliquant Julian Assange, avait besoin de plus de personnes.
Notre première rencontre a eu lieu à Paddington, au Frontline Club. Je devais assister à un entretien, mais je ne savais pas qui j’allais rencontrer. J’ai sonné à la porte et j’ai monté les escaliers.
Il était assis seul à une table, ce qui m’a vraiment surpris, parce qu’à l’époque, il était déjà une figure célèbre dans le monde entier et il m’a demandé qui j’étais, et j’ai dit que j’étais venu pour une interview. Il pensait que j’étais une journaliste américaine qui était là pour l’interviewer.
Alors il a tout de suite été très prudent et il m’a demandé qui était cette femme qui venait d’entrer dans la pièce et je lui ai répondu : "Non, je suis ici pour être interviewée", ce qui l’a immédiatement détendu et il m’a offert le thé.
Il buvait et ensuite, d’autres personnes sont entrées et j’ai parlé de mon passé, du fait que je parlais couramment suédois, du fait que j’avais étudié le droit et commencé à travailler avec Baltasar Garzón, qui était le coordinateur international de l’équipe juridique internationale de Julian en 2012.
Il a demandé l’asile politique à l’ambassade de l’Équateur, tout comme mes compétences linguistiques en suédois avaient été pertinentes pour le cas suédois, et mes compétences linguistiques en espagnol - parlant couramment l’espagnol - sont devenues importantes pour le contexte de l’asile politique.
J’étais à l’ambassade presque tous les jours et j’ai très bien connu Julian, et en 2015 nous nous sommes réunis.
Oui, je veux dire, nous sommes tombés amoureux, c’est une personne que je connaissais bien à l’époque, la personne que je connaissais le plus au monde, il est extraordinaire, généreux, très tendre et aimant.
Former une famille a été une décision délibérée pour faire tomber ces murs autour de lui, et voir la vie, imaginer une vie au-delà de cette prison. Pour beaucoup de gens, il semblerait fou de fonder une famille dans ce contexte ; pour nous, c’était la meilleure chose à faire.
C’est moi qui ai fait en sorte que les choses deviennent réelles et c’est ce qui me motive. Et quand Julian voit les enfants, cela lui apporte beaucoup de paix, d’attention et de soutien, et c’est bien. Et ils sont très heureux.
Je me sens la plus traumatisée par ce qui s’est passé pour eux, ces dernières années. En fait, je compare cela au fait d’être dans une zone de guerre, avec des attaques incessantes, vous savez, avec des opérations en cours, et ce n’est pas une théorie de conspiration folle, cela fait partie de la réalité du contexte dans lequel tout ce qui concerne Julian existe et, comme dans une guerre, les gens tombent amoureux et décident de vivre leur vie dans une rébellion active.
Je pense que tomber amoureux est une sorte d’acte de rébellion dans un contexte où il y a beaucoup de tentatives pour détruire votre vie et votre raisonnement pour faire ce que vous faites.
(Stella nous montant les photos...)
Voici le plus jeune, Max, avec le chat, et oui, c’est le petit. Et le grand, le plus ancien, ressemble en fait à Julian. Il ressemble beaucoup à Julian, en particulier autour des yeux, ce genre de sourcils, et le regard est très semblable à celui de Julian.
Le petit me ressemble plus, mais il a les oreilles et la taille de Julian, car il est très grand. Et il ressemble à son frère mais de tous les deux, l’aîné, c’est vraiment Julian.
J’ai eu du mal à leur expliquer pourquoi (leur père) était là et ainsi de suite ... parce que vous ne voulez pas non plus, vous savez, vous voulez qu’ils ressentent également un sentiment positif à l’idée d’aller là-bas, (à la prison) alors c’est un peu une mascarade.
Je ne pense pas que les gens comprennent la situation extrême et la pression que nous subissons parce que Julian est une personnalité publique, parce que tout ce qui le concerne est digne d’intérêt.
Tout peut être utilisé contre lui et a été utilisé contre lui et donc, c’était un vrai dilemme.
Avoir une relation dans ces circonstances signifie que vous essayez de l’isoler et de la protéger aussi farouchement que possible, et c’est ce que j’ai fait parce que c’est une sorte de havre, une oasis, dans ce contexte fou.
On a pris l’ADN de son enfant !
Je savais qu’il y avait un peu d’espionnage en cours quand j’ai découvert que mon bébé était ciblé, car un gardien s’est approché de moi et m’a dit qu’ils essayaient de prélever son ADN.
J’ai réalisé que je ne pouvais pas vraiment protéger ma famille même si je prenais toutes ces mesures. Vous savez, plus que la plupart des gens, pour essayer de préserver notre vie privée en sécurité et celle de Julian.
En fin de compte, c’était hors de mon contrôle, c’était très difficile à réaliser. J’ai compris que les pouvoirs qui étaient contre Julian étaient impitoyables, et qu’il n’y avait pas de limites à cela, car il y a une illégalité autour de lui.
Et vous savez, ils étaient après l’ADN de mon bébé, et c’est en partie pourquoi je sens maintenant que je dois le faire (parler), parce que j’ai pris tant de mesures, pendant tant d’années, et J’ai l’impression que la vie de Julian touche à sa fin.
Ça fait dix ans, neuf ans, non, dix ans qu’ils essaient de le briser, de détruire sa vie. C’est une manière de faire bien connue, vous savez, les lanceurs d’alerte, ceux qui exposent les points forts, ils les détruisent, et nous savons que c’est ce qui est en train de se passer.
Quoi qu’il en soit, tout le monde a laissé tomber Julian. Ils ont tous laissé tomber Julian.
Cela a pris une tournure très négative : ils ont été capables de le laisser tomber. De toute façon, vous pouvez détruire n’importe qui de cette manière. Et c’est ce qu’ils ont fait. »
Notre avenir et celui de celles et de ceux qui nous suivent est en jeu !
Leur premier enfant, Gabriel, qui a maintenant deux ans, est né en 2017. Son frère, Max, a un an.
L’amour sera-t-il assez fort pour sauver un des meilleurs d’entre nous ? Luttons pour qu’il en soit ainsi. Car c’est aussi notre avenir et surtout celui de celles et de ceux qui nous suivent !
Pierre Verhas
Source:http://uranopole.over-blog.com/2020/04/morceaux-d-humeur-du-16-avril-2020.html