Pour une trêve sur les projets de densification le long du Canal à Molenbeek
Canal, Molenbeek · Photo : Franck Dhooge
La pandémie du Covid-19 souligne le besoin urgent d’un nouveau paradigme de développement urbain, respectueux des mesures de distanciation physique, répondant aux nombreux besoins de la population actuelle de nos quartiers, généreux en espaces verts qualitatifs pour permettre la rencontre et la flânerie sans risque, s’attelant à régler les problèmes urgents de surpeuplement des logements et de leur insalubrité.
La crise sanitaire que nous traversons actuellement dévoile et renforce les inégalités d’aménagement du territoire. Certaines Communes prennent des initiatives pour rendre plus d’espace public aux cyclistes et aux piétons (Ixelles, Woluwe, Ville de Bruxelles, Anderlecht), mais les quartiers situés de part et d’autre du Canal sont quant à eux soumis à une pression immobilière démesurée. Des projets de constructions de grande envergure (de la Porte de Ninove aux bureaux de KBC, en passant par les projets de Dépôt Design ou encore la Tour Sainctelette) sont prévus, en opposition à toutes les recommandations sanitaires et aux besoins en espaces de respiration, et contre l’avis des habitants et associations locales qui appellent à un arrêt de la sur-densification spéculative.
Les développements actuels autour du Canal ont en commun de sur-densifier fortement nos quartiers, d’ouvrir la porte à une gentrification agressive, à la spéculation immobilière et à la disparition progressive d’emplois locaux. Or, les quartiers jouxtant le canal sont déjà parmi les plus précarisés, les plus denses et les moins verts de Bruxelles. D’après les statistiques de la Région bruxelloise, la densité de la population, dans le Molenbeek « historique », est de 24.897 habitants par km². D’autres quartiers de la commune ont atteint une densité allant jusqu’à 36.000 habitants par km² suite à la construction de bâtiments semblables. A titre de comparaison, sur l’ensemble des 19 communes bruxelloises, la densité moyenne s’élève à 7.440 habitants par km².
Par ailleurs, l’âge moyen de la population molenbeekoise est l’un des plus bas de la Région bruxelloise (les enfants de moins de trois ans y représentent 7%, les moins de 18 ans presque 40% et les moins de 30 ans non loin de 60%), il faudrait donc placer les besoins de la jeunesse et des familles au cœur du développement urbain : logements adaptés favorisant un bon développement personnel, services, équipements publics accessibles, espaces verts, formation.
Molenbeek se distingue malheureusement par l’un des taux de mortalité les plus élevés à Bruxelles. Le Monitoring des Quartiers de la Région de Bruxelles-Capitale indique que la mortalité infantile dans nos quartiers atteint 6,1 pour 1000 enfants sur la période 2003-2007. Là encore, la moyenne régionale est bien plus basse : 4,3 pour 1000 enfants. L’une des causes principales étant les maladies respiratoires.
La recherche « Parhealth » met en lumière que les pics de pollution dépassant plus de 50 microgrammes par m³ entraînent une mortalité des nouveau-nés 11% supérieure à la normale. Les dernières mesures ont montré que la qualité de l’air dans nos quartiers est aussi l’une des plus médiocres de la Région, avec un taux de 51 µg de dioxyde d’azote par m³ et par année, faisant de cette zone de la ville l’une des plus polluées et dangereuses en terme de santé publique à Bruxelles. Avec un taux de maladies chroniques des voies respiratoires supérieur de 42% à la moyenne régionale (IBSA) entre 2009 et 2013, Molenbeek était déjà fortement touché par les mauvais indicateurs sanitaires.
Ces indicateurs préexistants ne viennent que renforcer la crise actuelle pour les molenbeekois. Les quartiers populaires sont les plus touchés par le Covid-19 et ses conséquences sanitaires et socio-économiques sont d’ores et déjà terribles.
C’est pourquoi nous demandons une trêve sur les projets immobiliers soumis à des procédures d’approbation régionale pour pouvoir prendre le temps de réaliser les études indispensables en vue de réviser les critères d’évaluation de projet et mettre en lumière par la crise sanitaire actuelle. Afin également de consulter les habitants et acteurs locaux sur les conséquences du Covid-19 sur leur vie et leur quartier :
Nous demandons de mettre en place un cadre politique volontariste en terme de participation citoyenne, afin de la rendre effective, proactive et constructive pour le développement urbain, avec les experts du quotidien que sont les habitants actuels de nos quartiers. Pour les projets immobiliers à partir de 2 500 m², nous demandons qu’une concertation obligatoire avec les riverains et les usagers de la ville soit organisée avant le dépôt de la demande de permis d’urbanisme.
Nous demandons de définir une vision de mobilité durable pour les quartiers, en mettant les modes doux au cœur de la stratégie.
Nous demandons de mettre en œuvre une vision claire de préservation et renforcement des espaces verts et de biodiversité, en imposant que chaque nouveau projet immobilier fasse augmenter le ratio d’espace vert par habitant.
Nous demandons de définir une production de logements réaliste, tenant compte des densités et des besoins en logements publics (principalement sociaux).
Le rôle des représentants politiques, élus par les citoyens, est de permettre des projets qui correspondent aux besoins des habitants et de leur assurer la meilleure protection sanitaire possible, et non pas de servir des intérêts financiers spéculatifs.
Cette demande de moratoire doit être vue comme la manifestation de la volonté des citoyens d’utiliser tous les moyens démocratiques et légaux pour faire entendre leurs voix et défendre leurs intérêts, ceux des habitants.
▪ Contacts : Maison de Quartier Bonne vie , Periferia , Mohamed Benzaouia , Bruxelles Fabriques , BRAL , Atelier de Recherche et d’Action Urbaines (ARAU) , Inter-Environnement Bruxelles (IEB) , La Rue asbl , Le Foyer asbl , C.R.U. , Union des Locataires d’Anderlecht Cureghem (ULAC) , Comité Porte de Ninove