Les choses tournent mal pour Julian Assange et ce n’est pas une surprise.
Rappelons que le fondateur de Wikileaks fut violemment expulsé de l’ambassade d’Equateur à Londres où il s’était réfugié le 16 août 2012 pour échapper à une extradition vers les Etats-Unis où il risque 175 ans de prison. Le 12 avril 2019, sur plainte de l’ambassadeur d’Equateur, la police londonienne a exfiltré violemment le journaliste réfugié à la légation. Il a été presqu’aussitôt condamné à 50 semaines de prison pour avoir échappé à la Justice britannique et aussitôt enfermé à la prison de haute sécurité de Belmarsch réputée pour être une des plus dures du Royaume Uni et en même temps, le gouvernement de Londres a accepté la demande d’extradition d’Assange vers le Etats-Unis. Cependant, l’affaire reste pendante devant la Justice britannique. En février 2020, ont eu lieu quatre audiences du tribunal de Westminster en vue de l’extradition du journaliste australien vers les USA. Assange était enfermé dans une cage de verre blindé et tout était fait pour l’empêcher d’avoir contact avec ses avocats. L’affaire a été reportée au 14 août 2020 à cause de tergiversations de la partie américaine.
Julian Assange enfermé dans une cage de verre lors des première audiences du procès en extradition.
Cette dernière audience qui devait débuter dans la matinée a été suspendue pour qu’Assange puisse pour la première fois s’entretenir avec ses conseils ! Elle a donc débuté au début de l’après-midi. Assange était resté à la prison de Belmarsch et il ne pouvait répondre qu’en visioconférence. Seuls 5 journalistes ont été autorisés à suivre les débats.
On a pu à nouveau constater l’attitude partisane de la juge Vanessa Baraister. Elle donna de faux numéros de téléphone aux journalistes qui souhaitaient assister à l’audience en visioconférence. Elle a fait obstruction sur plusieurs demandes de la défense. Bref, la routine ! Cependant, la surprise vint des Américains demandeurs de l’extradition : ils ont légèrement modifié leur acte d’accusation ce qui désarçonna la défense qui avait déposé ses conclusions sur l’acte d’accusation initial. Et cela retarde une fois de plus la procédure.
D’après les responsables de Wikileaks, le motif de ces manœuvres de retardement serait… les élections présidentielles américaines du 3 novembre prochain ! En effet, si l’extradition d’Assange a lieu avant novembre, cela risque d’être un boulet de plus dans la campagne de Trump et même sans doute de Biden, car n’oublions pas que c’est sous la présidence d’Obama que les USA ont demandé l’extradition du journaliste australien. Cela laisserait-il un répit ? On verra. En tout cas, la prochaine audience reste fixée au 7 septembre prochain jusqu’à nouvel ordre. Signalons au passage que les partisans d’Assange appellent à une grande manifestation internationale devant le tribunal de Westminster ce jour-là.
Ni Joe Biden, ni Donald Trump ne souhaitent voir Julian Assange arriver sur le territoire étatsunien avant les élections du 3 novembre prochain.
On ne peut rien envisager à ce stade. Néanmoins, un élément jouera sans doute. Des juristes du monde entier se regroupant sous le nom de « Lawiers for Assange » ont adressé au gouvernement britannique une longue lettre ouverte dans laquelle ils disent d’emblée :
« Nous vous écrivons en tant que juristes professionnels et universitaires pour exprimer nos préoccupations collectives concernant les violations des droits humains, civils et politiques fondamentaux de M. Julian Assange et le précédent créé par sa persécution. Nous vous demandons d’agir dans le respect du droit national et international, des droits de l’homme et de l’État de droit en mettant un terme à la procédure d’extradition en cours et en accordant à M. Assange la liberté qui lui est due de longue date, à savoir le droit de ne pas être soumis à la torture, à la détention arbitraire et à la privation de liberté, ainsi qu’à la persécution politique. »
Ils y dénoncent l’illégalité de l’extradition d’Assange, avec le risque de ne pas avoir un procès équitable et d’être soumis à la torture. Sur le fond, les juristes dénoncent la violation de la liberté de la presse en assimilant les informations diffusées par Wikileaks à de l’espionnage. Les conclusions du commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe sont d’ailleurs très claires :
« La nature large et vague des allégations contre Julian Assange, et des infractions énumérées dans l’acte d’accusation, est troublante car beaucoup d’entre elles concernent des activités qui sont au cœur du journalisme d’investigation en Europe et au-delà »
Ainsi, au-delà du cas Assange, c’est la liberté de la presse qui est en jeu. Nous l’avions déjà signalé ( http://uranopole.over-blog.com/2019/08/qui-est-big-brother-ii.html) :
David McCraw, avocat du New York Times a averti une salle pleine de juges que la poursuite de Julian Assange pour les publications de Wikileaks créerait un précédent très dangereux qui finirait par nuire aux principaux médias d’information comme NYT, le Washington Post et les autres médias qui publient des documents gouvernementaux secrets.
Le célèbre avocat new-yorkais David Mc Craw a dénoncé le danger mortel de l'extradition de Julian Assange pour la liberté de la presse.
"Je pense que la poursuite contre lui constituerait un très, très mauvais précédent pour les éditeurs", a déclaré M. McCraw. "Dans cette affaire, d’après ce que je sais, il se trouve dans la position d’un éditeur classique et je pense que la loi aurait beaucoup de mal à faire la distinction entre le New York Times et Wikileaks. »
On observe que ces deux célèbres et puissants organes de la presse mainstream ne sont guère conscients de ce danger mortel ou ne désirent pas l’être… Ils sont en effet étrangement silencieux sur cette affaire.
Nous conseillons aux lecteurs d’Uranopole de lire en entier la lettre ouverte des « Lawiers for Assange ». Elle est longue, certes. Elle constitue cependant une référence pour la défense de nos libertés fondamentales. Ce sont évidemment nos amis du « Grand Soir » qui en ont publié la version française :
https://www.legrandsoir.info/lettre-ouverte-au-gouvernement-britannique.html
Il va de soi que la presse mainstream n’en a guère fait allusion, malgré le nombre important de signataires parmi lesquelles figurent d’importantes personnalités du monde juridique et universitaire.
Ce silence est un inquiétant indice.
Pierre Verhas
La prochaine et sans doute ultime audience du procès d’extradition de Julian Assange est fixée au 7 septembre prochain. Il est probable qu’elle soit reportée à novembre. Cependant, une manifestation est prévue à Londres devant le tribunal afin de protester contre cette extradition. Les lecteurs d’Uranopole seront informés en temps voulu afin qu’ils puissent éventuellement s’y rendre, tenant compte des contraintes dues au Covid 19.
Des pétitions demandant de ne pas extrader Julian Assange circulent, dont une d’Amnesty International qui a enfin décidé de se réveiller !
Source: http://uranopole.over-blog.com/2020/08/julian-assange-la-derniere-ligne-tordue.html