Je ne m’attendais pas après mes derniers articles postés sur la question des relations entre l’Islam et la société européenne à une fois de plus discuter de la question du voile. Voici que cette controverse malsaine a resurgi cette fois-ci avec de sérieuses conséquences. Quand cela ? Le 31 août. Où cela ? Au conseil communal de Molenbeek, la commune belge la plus mondialement connue avec Waterloo, pour reprendre les paroles de Merry Hermanus sur Facebook.
Le voile s'est répandu pratiquement partout dans les pays occidentaux (ici au Québec). L'interdire d'une manière ou d'une autre est une grossière erreur.
À l’ordre du jour de ce conseil figurait une proposition de modification du règlement de travail des employés communaux portant sur l’autorisation du port des « signes convictionnels » sur les lieux de travail, en clair le port du voile musulman. L’affaire était mal emmanchée. La bourgmestre socialiste Catherine Moureaux était opposée à cette proposition contrairement à d’autres membres du Collège qu’elle préside et aussi à plusieurs membres du groupe socialiste du Conseil. La majorité molenbeekoise est une tripartite composée des socialistes francophones (PS), des socialistes flamands (SPa) et du MR (libéral de droite). Le PS et le SPa se sont divisés sur ce dossier. Et cette division est apparue au conseil communal, au sein même du groupe PS. En effet, c’est à la fin de la séance du conseil communal, vers 2 h du matin, que le conseiller communal PS Jamal Ikazban qui est aussi chef de groupe socialiste au sein du Parlement régional bruxellois, a déposé une motion demandant l’application de la « neutralité inclusive » à la commune de Molenbeek. En clair, permettre le port des signes religieux aux fonctionnaires communaux. Cette motion a été adoptée. Seuls les libéraux ont voté contre. Les Ecolos dans l’opposition ont voté pour à une exception près, les deux autres partis d’opposition, le CDH (chrétiens) et le PTB (gauche radicale) ont également voté pour. Ainsi, la bourgmestre Catherine Moureaux est mise en minorité.
Lorsqu'elle fut triomphalement élue bourgmestre de Molenbeek; Catherine Moureaux ne mesura sans doute pas les énormes difficultés avec lesquelles elle sera confrontée, notamment avec la communauté musulmane de Molenbeek gangrenée par l'islamisme.
« Neutralité inclusive » : une manipulation sémantique de plus
Remarquons que l’on se trouve une fois de plus devant le cas d’une manipulation sémantique du type de celles que dénonçait George Orwell dans son dernier roman « 1984 » par sa description de la « novlangue ». On adjoint un qualificatif à un substantif qui exprime un concept clair, ce qui a pour effet de lui donner une autre définition. Ainsi, rappelons-nous la « laïcité positive » prônée par Nicolas Sarkozy lors de son discours de Latran en 2007 où il prétendit attacher plus d’importance au curé qu’à l’instituteur. La laïcité tout court est donc implicitement négative ! Aujourd’hui, il est question de « neutralité inclusive ». Cela implique donc que la neutralité tout court est donc exclusive.
On ne mesure pas les conséquences de ces pratiques sémantiques. Elles ouvrent la porte au totalitarisme tout comme les tenants du « politiquement correct » qui, dans les relations intercommunautaires, imposent aussi une nouvelle sémantique depuis les drames de Minneapolis et du Wisconsin, comme l’interdiction de prononcer certains mots comme « Noirs » qui sont remplacés par « Afro-descendants ». Un éditeur n’a pas hésité à changer le titre d’un roman d’Agata Christie – cela ne date pas d’hier ! – « Les dix petits nègres ». Cela a l’air drolatique, mais c’est avant tout inquiétant : une fois de plus Orwell. On appauvrit la langue pour qu’elle soit conforme à une idéologie. L’étape suivante sera-t-elle de supprimer ou de modifier des mots « inconvenants » dans les textes des œuvres littéraires ?
La gauche bruxelloise : le schisme est bien là !
Revenons à notre controverse politique. Le vote de la motion à Molenbeek a provoqué d’autres remous.
La commune voisine, Bruxelles-ville, qui est dirigée par une majorité PS - Ecolo a une tout autre approche : elle interdit le port du voile et de tous signes religieux dans les écoles supérieures de son ressort. À la suite d’une plainte introduite par une étudiante de la haute école Francisco Ferrer dépendant de la Ville de Bruxelles contre son règlement d’ordre intérieur, la Cour constitutionnelle a avalisé ce règlement au nom du principe de neutralité. Voilà donc les deux partis de la gauche bruxelloise qui sont divisés. Et il ne faut surtout pas penser que le clivage est entre militants « issus de l’immigration » et militants « belgo-belges ». Ainsi, l’échevine socialiste de l’Instruction publique – quelle splendide expression ! – de la Ville de Bruxelles, Faouzia Hariche, s’est réjouie de l’arrêt de la Cour constitutionnelle : « La Cour garantit la validité du projet pédagogique de la Ville visant à instituer un environnement éducatif totalement neutre. »
Faouzia Hariche, échevine socialiste de l'Instruction publique de Bruxelles-Ville : une femme courageuse qui ne déroge pas à ses principes.
D’un côté, une partie des socialistes de Molenbeek s’expriment pour le port du voile, de l’autre, les socialistes de la Ville y sont opposés. Cette question va donc bien au-delà d’une querelle locale.
On le constate aussi bien chez les socialistes que chez les écolos. Il y a eu aussi une rupture dans la section Ecolo de Molenbeek. Rajae Maouane, conseillère communale a voulu imposer aux autres conseillers de son groupe le vote de la motion déposée par Ikazban. Un seul conseiller, par ailleurs chef de groupe des Verts molenbeekois, Karim Majoros, s’est abstenu et a aussitôt démissionné de son mandat ! C’est assez rare pour être noté : M. Majoros démissionne de son mandat alors qu’en général, c’est l’inverse. On démissionne de son parti et on garde son mandat… et ses avantages ! Bravo Monsieur Majoros, vous honorez l’éthique démocratique !
Le conseiller communal Ecolo de Molenbeek, Karim Majoros, a fait preuve de courage et de sens de l'éthique politique.
Mme Maouane n’est pas n’importe qui : elle est co-présidente nationale du parti Ecolo. Ikazban, quant à lui, est député régional et chef du groupe PS au Parlement bruxellois. Avec en plus, les divergences avec les socialistes et écologistes de Bruxelles-Ville, l’affaire dépasse de loin le cadre local et concerne la Région bruxelloise, sinon le pays tout entier. Rajae Maouane a beau dire : « Nous considérons que la neutralité concerne les actes posés par les agents et non l’apparence » (L’Echo, 3 septembre 2020), le schisme est bien là !
Rajae Maouane, conseillère communale Ecolo à Molenbeek et co-présidente du parti Ecolo a choisi la voie communautariste.
De même, Jamal Ikazban est connu pour être un militant islamiste. On le dit proche des Frères musulmans. On l’a surpris faire le signe des Frères lors d’une manifestation propalestinienne. Il ne cache pas son soutien au Hamas et soutient systématiquement le port du voile, voire de la burka. Et, bien entendu, il n’a jamais expliqué clairement sa position.
Jamal Ikazban, conseiller communal PS à Molenbeek, député régional bruxellois et chef de groupe PS au Parlement régional fait ici le signe des Frères musulmans lors d'une manifestation de solidarité avec la Paslestine à laquelle j'ai participé.
Au niveau de la Fédération régionale du PS, son président Ahmed Laaouej et chef de groupe socialiste à la Chambre des représentants, n’a jamais explicité sa position en la matière. Lorsqu’il fit campagne pour la présidence de la Fédération, il promit un débat sur la laïcité. Il a été élu avec 52 % des votes exprimés, ce qui est loin d’être un plébiscite. Aussi, même s’il mène une opposition rude au Parlement fédéral, il se tait dans toutes les langues au sujet des questions relatives à la laïcité. Sur le plan fédéral, on n’a jamais rien entendu de précis de la part du président du PS Paul Magnette. Il est vrai qu’il est fort occupé par les négociations pour la formation d’un éventuel gouvernement fédéral…Ahmed Laaouej, député bourgmestre de la commune bruxelloise de Koekelbergh, chef du groupe PS au Parlement fédéral et Président de la Fédération bruxelloise du PS ne s'est toujours pas exprimé sur la question du communautarisme.
Au niveau du parti Ecolo, les deux co-présidents, le wallon Jean-Marc Nollet et la bruxelloise Rajae Maouane ne se sont toujours pas exprimé sur le sujet. L’Echo rapporte : « Concernant les pressions exercées par la co-présidente bruxelloise, la porte-parole bruxelloise du parti Lauriane Deschamps dément. ‘Il y a effectivement eu un débat sur le positionnement à adopter sur ce vote et il a été décidé que Karim Majoros s’exprimerait à titre individuel en raison de sa position différente, affirme-t-elle. Et d’ajouter que les propos de Rajae Maouane collent totalement avec le programme. ‘Elle ne fait pas mention des fonctions d’autorité car on parle d’un règlement de travail pour le personnel de l’administration et non de la police par exemple. La portée limitée du texte ne nécessitait pas de détailler la position d’Ecolo. »
Cette déclaration mérite de figurer en bonne place dans l’anthologie de la langue de bois !
Aujourd’hui, c’est trop tard !
Ces prises de position ambiguës des leaders écologistes et socialistes cachent mal un schisme qui est sans doute consommé de facto avant de l’être de jure.
Ma position a toujours été très claire et je l’ai écrit à plusieurs reprises : la querelle sur le voile déclenchée il y a plus de trente ans est malsaine, inefficace et dangereuse. Elle est malsaine en ce sens que l’on s’attaque à un droit individuel des femmes musulmanes, celui de s’habiller librement. Elle est inefficace parce qu’il est quasi impossible d’interdire de porter un signe quelconque s’il ne porte atteinte à l’ordre public. Elle est dangereuse, car elle sert de prétexte aux islamistes à déclencher un rapport de forces qui tournera en leur faveur. On vient de le voir avec la controverse de Molenbeek. Avant que le voile ne devienne le porte-étendard du fanatisme à cause de la mauvaise stratégie des mouvements laïques qui ont préféré l'interdiction à la controverse, il aurait fallu au contraire faire preuve de tolérance et ne pas mettre de l'huile sur le feu d'une guerre perdue d’avance. Aujourd’hui, c’est trop tard !
La pratique politicienne actuelle est de systématiquement différer les questions qui fâchent. L’affaire du voile cache mal les relations tendues entre les communautés de confession musulmane et les tenants d’un système de libre pensée, qu’ils soient « blancs bleus belges » ou issus de l’immigration. Aujourd’hui, c’est une source de conflit majeur !
Au niveau de la Région bruxelloise, il sera quasi impossible de trouver un modus vivendi avec, selon des statistiques publiées par l’hebdomadaire « Le Vif », 49,5 % d’électeurs considérés comme musulmans. On paie à la fois le laxisme et l’aveuglement. C’est une honte de la part de plusieurs municipalistes et de responsables politiques régionaux d’avoir laissé pour compte de nombreux quartiers qui sont devenus le domaine des dealers et des imams de garage qui répandent la peste islamiste. Aujourd’hui, il n’est plus possible de réparer !
Quant à la gauche, elle est déchirée et donc inefficace et donc en voie de disparition.
Alors, posons-nous la seule question : Que faire ?
Pierre Verhas
Post-scriptum
Au terme de chaque article, « Uranopole » posera dorénavant un post-scriptum avec des infos qui ne concernent pas nécessairement le sujet traité.
Exit Jacques Carmeliet
Mon camarade Jacques Carmeliet vient de disparaître à l’âge de 85 ans. Il fut un compagnon de combat et un joyeux compagnon de vie. D’abord communiste, puis socialiste, il fut un infatigable syndicaliste représentant le PATO (Personnel Administratif Technique Ouvrier) à l’ULB. Il milita après sa prise de pension au PS à Uccle où il joua un rôle important, à la fois ferme et modérateur. Il est toujours resté fidèle aux principes de base de Justice et de Solidarité.
R.I.P. Jacques !
Jacques Carmeliet, joyeux compagnon et camarade avisé, n'est plus !
Lundi 7 septembre 17 h 00 : devant l’ambassade du Royaume Uni à Bruxelles, manifestation en solidarité avec Julian Assange
Ambassade du Royaume-Uni 10 avenue d'Auderghem (Rond-point Schuman) (Métro : Schuman)
Le 7 septembre, le procès de Julian Assange continuera à Londres et devrait durer 3 semaines.
Julian Assange est menacé d'extradition vers les Etats-Unis où il risquerait jusqu'à 175 années de prison.
Ce jour-là, marquons notre soutien à Julian Assange, soyons nombreux devant l'ambassade du Royaume-Uni à dire non à son extradition.
La décision dépend aussi de nous !
Source: http://uranopole.over-blog.com/2020/09/la-gauche-a-bruxelles-dechiree-par-le-voile.html