Koopkrachtplakkaat

EnergieplakkaatC

173646265 10222054268599783 1356797931624160070 n

Delen van artikels

Le jugement tout à fait inattendu de ce 4 janvier 2021 prononcé par la juge Vanessa Baraister a surpris tout le monde. Voilà donc l’extradition de Julian Assange refusée après des semaines d’audiences où l’accusation a eu la part belle face à la défense, où tout était permis, même de changer l’acte d’accusation en cours de procès, de limiter au strict minimum le contact entre l’accusé et ses défenseurs, de l’enfermer dans une cellule non chauffée de la prison de haute sécurité de Belmarsh, maison de détention surpeuplée, foyer de Covid 19, de l’amener quotidiennement à la Cour criminelle centrale près de Old Bailey à Londres dans un fourgon roulant plus d’une heure dans les embouteillages où il peut à peine se tenir debout. Après ce calvaire et ce procès inéquitable, la juge Baraitser refuse l’extradition pour le motif de la détérioration de la santé mentale de l’accusé qui pourrait entraîner son suicide. D’ailleurs, on aurait trouvé une demi-lame de rasoir dans sa cellule…

image 0933244 20210105 ob 45eab7 assange manif bruxelles01Manifestation pour la libération d'Assange et la liberté de la presse ce lundi 4 janvier 2021 devant l'ambassade de Grande Bretagne

« La condition mentale de Julian Assange est telle qu’il serait abusif de l’extrader vers les États-Unis » Rappelons-nous les propos de Nils Melzer, rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture qui a fait examiner Assange lors de sa visite à Belmarsh : Julian Assange présentait « tous les symptômes typiques d’une exposition prolongée à la torture psychologique ». ( http://uranopole.over-blog.com/2020/04/j-accuse.html) Cet argument, ou plutôt ces faits avérés ont manifestement joué dans la décision de la juge Baraitser.

Suite : un précédent très dangereux !

Par contre, il ne serait pas abusif de l’extrader pour les autres motifs avancés par les Etatsuniens ! Et cela constitue un précédent très dangereux d’autant plus que les Etats-Unis ont fait appel de ce jugement.

Baraitser a en premier lieu refusé de reconnaître le caractère journalistique des activités de Julian Assange, les estimant potentiellement « criminelles ». Reprenant quasiment mot pour mot les arguments de l’acte d’accusation américain, elle a lui a reproché d’avoir proposé à Chelsea Manning de l’aider à casser un mot de passe et d’avoir discuté « durant des mois » avec elle pour l’inciter à lui procurer des nouveaux documents.

Or, il s’agit là d’une prise de position très dangereuse. Le journaliste anglais Jonathan Cook écrit : « Baraitser a accepté la nouvelle définition dangereuse du gouvernement américain du journalisme d’investigation comme "espionnage", et a laissé entendre qu’Assange avait également enfreint la draconienne loi britannique sur les secrets officiels en exposant les crimes de guerre du gouvernement. » (voir « Le Grand Soir.info » https://www.legrandsoir.info/assange-gagne-le-cout-la-liberte-de-la-presse-est-ecrasee-et-la-dissidence-qualifiee-de-maladie-mentale.html)

image 0933244 20210105 ob 02b5ce jonathan cookJonathan Cook est un journaliste britannique spécialiste du Proche Orient et aussi attaché à la liberté de la presse.

Elle a convenu en outre que le traité d’extradition de 2007 s’applique dans le cas d’Assange, ignorant les termes mêmes du traité qui exemptent les cas politiques comme le sien, ce qu’avait déjà dénoncé Nils Melzer. Elle a ainsi ouvert la porte à la détention d’autres journalistes dans leur pays d’origine et à leur remise aux États-Unis pour avoir mis Washington dans l’embarras.

Baraitser a estimé que la protection des sources à l’ère numérique - comme l’a fait Assange pour la dénonciatrice Chelsea Manning, une obligation essentielle des journalistes dans une société libre - équivaut désormais à du "piratage" criminel. Elle a dénigré les droits à la liberté d’expression et de la presse, affirmant qu’ils n’offraient pas « une discrétion sans entrave à M. Assange pour décider de ce qu’il va publier ».

image 0933244 20210105 ob 820182 chelsea manning fist 2100Chelsea Manning aurait été manipulée par Assange. Condamnée, libérée, à nouveau détenue. De quoi les tenants de l'Etat profond ont peur ?

Référons-nous aux propos de la compagne de Julian Assange, Stella Moris-Smith Robinson. Elle est avocate spécialisée dans les droits de l’homme, née en Afrique du Sud. Elle était membre de l’équipe juridique d’Assange pendant son séjour à l’ambassade équatorienne et est devenue sa compagne. Cette liaison a donné naissance à deux enfants. Elle a accordé une interview au site « Revolver » qui a été traduite et diffusée par nos amis du « Grand Soir.info » (https://www.legrandsoir.info/la-fiancee-de-julian-assange-s-entretient-avec-revolver-pour-devoiler-la-strategie-de-l-etat-profond-visant-a-supprimer-notre.htmlStellaStella Moris Smith-Morison avec Julian Assange juste avant son asile à l'ambassade équatorienne à Londres.

Journaliste et pas espion

L’interviewer commence par poser une question fondamentale à la juriste qu’est Moris-Smith Robinson : « Commençons par le crime dont Julian est en fait accusé, une violation de la loi sur l’espionnage de 1917. Y a-t-il la moindre preuve que Julian ait commis un acte d’espionnage ? D’après ce que j’ai vu, il a publié des informations classifiées, ce que tous les grands journaux ont fait, comme le New York Times. Il y a également des allégations selon lesquelles il aurait aidé sa source, Chelsea, à dissimuler son identité – ce qui est également une pratique journalistique courante. Alors, où est le véritable crime ici ? »

Réponse : « Il n’y en a pas. Il s’agit d’une affaire politique inconstitutionnelle qui a fait plier la loi pour répondre à son objectif politique. Elle transforme en crimes des pratiques journalistiques nécessaires - communiquer avec une source et obtenir et publier des informations véridiques.

Dire que c’est un crime pour Julian d’avoir publié ce matériel est aussi absurde que de dire que les journalistes étasuniens sont légalement tenus de ne pas violer les lois sur le secret ou la censure de la Chine, de la Turquie ou de la France, même s’ils publient aux États-Unis.

J’entends parfois Julian mentionné dans le même souffle que de célèbres dénonciateurs étasuniens. Mais leurs cas sont différents. Ce sont des citoyens des EU. Ils ont travaillé pour le gouvernement des EU. Cela ne s’applique pas à Julian. Julian est un rédacteur en chef. Il n’était pas aux États-Unis. Il n’était pas un employé du gouvernement ou un entrepreneur. Il n’a jamais signé d’accord de confidentialité. La seule promesse qu’il a faite était au public, de publier la vérité sur les gouvernements et les entreprises. Chacun a son rôle dans une société libre et le rôle de Julian est de publier. »

Madame Moris-Smith Robinson se réfère ensuite au fameux premier amendement de la Constitution américaine adopté en 1791 qui dispose : « Le Congrès ne pourra faire aucune loi ayant pour objet l’établissement d’une religion ou interdisant son libre exercice, de limiter la liberté de parole ou de presse, ou le droit des citoyens de s’assembler pacifiquement et d’adresser des pétitions au gouvernement pour qu’il mette fin aux abus ».

Un nœud coulant autour des droits de chacun garantis par le Premier amendement

Par sa démonstration limpide, Madame Moris Smith-Robinson met en évidence les graves dangers encourus pour la liberté d’expression des journalistes des lanceurs d’alerte, comme de tous les citoyens.

« La force du Premier Amendement est qu’il est simple, clair et absolu. Il est vraiment exceptionnel quand on le compare aux droits équivalents en Europe, et cela vient du fait qu’il n’est pas ce que les gens pensent qu’il est. Il n’accorde pas aux gens des droits qui peuvent leur être retirés. Elle interdit aux législateurs et à l’exécutif d’interférer avec la parole et l’édition. Il est donc illégal d’adopter des lois visant à criminaliser la parole et la presse.

image 0933244 20210105 ob eb4ce4 peres fondateurs usLes pères fondateurs des Etats-Unis d'Amérique les ont doté de la première constitution démocratique de l'Histoire.

Comment contourner ce problème ? Eh bien vous ne le faites pas – si vous respectez la Constitution. Ce qui se passe, c’est que ceux qui mènent le procès contre Julian – les éléments les plus sinistres du gouvernement américain – abusent de la formulation large d’une loi existante, la loi de 1917 sur l’espionnage, pour la réorienter de manière à ce qu’elle fasse ce que le Premier Amendement interdit : interférer avec la liberté d’expression et de la presse. L’affaire Julian a créé un nœud coulant autour des droits de chacun garantis par le Premier Amendement.

Pendant les années Obama, le DOJ s’est normalisé en réorientant la loi sur l’espionnage pour poursuivre les dénonciateurs. Mais l’étendre aux journalistes et aux responsables des rédactions va explicitement à l’encontre de l’esprit et de la formulation de la Constitution. L’intention déclarée du Congrès lorsqu’il a adopté la loi sur l’espionnage était qu’elle ne s’appliquerait pas à la presse. L’affaire Julian est la première fois qu’elle est utilisée contre un rédacteur en chef. C’est pourquoi tout le monde s’accorde, de tous les côtés de la politique, à dire que le procès de Julian est la menace numéro un pour la liberté d’expression et la liberté de la presse et qu’il aura des conséquences catastrophiques pour la démocratie aux EU.

Si les républicains ne s’en sont peut-être pas préoccupés sous l’administration actuelle, la menace que cette affaire représente pour eux doit maintenant être évidente. Il est certain que si l’affaire se poursuit, le précédent qu’elle crée sera utilisé abusivement par les éléments les plus antidémocratiques des futures administrations. »

La grande menace

Cela constitue une menace majeure pour la liberté de la presse et celle du journaliste en particulier. Nous avons déjà évoqué les craintes exprimées par de nombreux journalistes, spécialistes de la presse et juristes. Il semble que cela a eu de très faibles échos. Sans doute, le jugement du 4 janvier va éveiller les consciences. On verra. À lire, certains éditoriaux, on peut en douter. Ainsi, celui de la « Libre Belgique » du 5 janvier – laissons à ce quotidien catholique conservateur le crédit d’avoir régulièrement suivi l’affaire Assange et d’avoir publié des cartes blanches en faveur de sa libération – est intitulé « Une leçon britannique aux Etats-Unis » et conclut « En s’inspirant de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, la justice britannique vient donc (…) d’administrer une belle leçon d’indépendance à l’égard de son allié historique, les Etats-Unis. »

Curieuse leçon d’indépendance lorsque ladite justice se rallie à tous les arguments des accusateurs US !

Reporter sans frontières n’est pas en reste : Viktor Dedaj rapporte un tweet posté ce 5 janvier par Christophe Deloire, le secrétaire général de cette ONG : « Quels que soient les arguments officiels, la décision de ne pas extrader Assange est historique pour le droit à l'information. Elle n'ajoute pas une menace supplémentaire au journalisme d'investigation. Une extradition aurait créé un précédent. Pour ceux qui le défendent, c'est un énorme soulagement. »

On est vite content à RSF !

Le professeur belge Jean Bricmont qui est loin de faire l’unanimité dans l’establishment se montre plus lucide :

« J’insiste : le jugement de ce matin est une VICTOIRE pour les EU : TOUTES leurs demandes sont satisfaites : ils ont le droit de faire extrader un non-citoyen américain qui n'a commis aucun crime sur leur sol. Ils ont aussi le droit d'espionner à l'intérieur d'une ambassade étrangère en GB. »

image 0933244 20210105 ob b7ae48 jean bricmontLe professeur Jean Bricmont est une personnalité controversée, mais exprime souvent des avis lucides.

L’Etat de l’ombre

Stella Moris Smith-Robinson rappelle le véritable enjeu et dénonce le rôle de l’Etat profond qu’elle appelle l’Etat de l’ombre :

« Les pires éléments du gouvernement détestent Julian parce qu’il a exposé leurs abus contre le public pendant des années. Leur intérêt personnel est évident. Ils craignent d’être licenciés, ruinés ou poursuivis, ou de ne pas pouvoir mener ce que Julian appelle des "guerres dangereuses et stupides". Julian a toujours cru en la légitimité du gouvernement élu plutôt qu’en celle du gouvernement non élu. Et c’est le gouvernement non élu qui se sent le plus menacé d’être exposé.

Julian dit que la guerre est du racket, et ceux qui ont l’intention d’en tirer profit au détriment de la vie des soldats et des impôts ont besoin que le gouvernement vende la guerre à la population en lui mentant. Ce n’est un secret pour personne que Julian considérait Hillary Clinton comme une dangereuse belliciste, et que les guerres qui ont commencé lorsqu’elle était secrétaire d’État ont eu des conséquences désastreuses.

L’État de l’ombre a tout fait pour faire taire et emprisonner Julian. Il a été victime d’interminables histoires fabriquées. Il ne s’agit pas simplement de journalistes paresseux qui font des erreurs. Pour construire une couverture politique, des histoires fausses ont été mises en place avant son arrestation. Par exemple, le Guardian a imprimé une histoire en première page entièrement fabriquée ( https://theintercept.com/2019/01/02/five-weeks-after-the-guardians-viral-blockbuster-assangemanafort-scoop-no-evidence-has-emerged-just-stonewalling/), dans laquelle Paul Manafort rendait visite à Julian à l’ambassade. Cette histoire était un mensonge élaboré, fabriqué par un opérateur qui a reçu 60 000 dollars de la NED. Le Guardian a fini par revenir sur son histoire, mais le mal était fait. Certaines de ces fausses histoires sur CNN et dans le Guardian ont récemment été révélées par la principale équipe d’enquête de la chaîne publique allemande. Les forces obscures qui plantent les histoires ont le même mode opératoire depuis des décennies. Elles savent comment jouer sur les peurs des gens. Il y a une vidéo très intéressante d’un ancien officier de la CIA, John Stockwell ( https://youtu.be/NK1tfkESPVY), qui explique comment les usines de la CIA fabriquent des histoires dans la presse. Tout le monde devrait le regarder. Il est consternant que Julian, qui a créé Wikileaks pour lutter contre les fausses nouvelles et pour la liberté des gens, ait été l’une des principales cibles de fausses nouvelles.

Dans son discours d’adieu à la nation [en 1960], le président Eisenhower a mis en garde contre l’influence indue de ce qu’il a décrit comme le complexe militaro-industriel. L’absence de responsabilité a permis à l’État de l’ombre de devenir de plus en plus grand et puissant. Si l’on considère la façon dont ils abusent de leur pouvoir pour façonner secrètement les récits de la presse au détriment du public, le travail de Julian avec Wikileaks a été un antidote nécessaire. WikiLeaks a mis un frein à l’influence croissante des pires éléments du gouvernement depuis des années. Il y a de bonnes personnes dans la communauté du renseignement, mais l’État secret dans son ensemble menace les fondements démocratiques des sociétés libres. Il est un peu comme un vampire, il n’aime pas la lumière du soleil, et Julian est la lumière du soleil. »

L’affaire ne fait donc que commencer. D’après plusieurs juristes, l’appel introduit par les Etats-Unis a peu de chances d’aboutir. On verra. Mercredi 6 janvier, on verra aussi si une libération sous caution sera accordée à Julian Assange.

La liberté est de plus en plus difficile à défendre face à cet empire US décadent et à ses larbins européens. On vient de le voir avec la Grande Bretagne. Mais ne nous faisons guère d’illusions sur les pays de l’Union européenne. Une anecdote pour terminer : vous ignorez sans doute qu’en 2003, lorsque Chirac a refusé la participation de la France à l’offensive US en Irak – refus belge également de Louis Michel, alors ministre des Affaires étrangères – François Hollande est allé à l’ambassade étatsunienne présenter les excuses du PS !

Les larbins ont encore de beaux jours devant eux !

Pierre Verhas

Source: http://uranopole.over-blog.com/2021/01/julian-assange-ou-est-ta-victoire.html