Les acteurs du climat expriment des fortes craintes si l’on ne soutient pas des modes d’élevage plus durable en Wallonie.
S’il est un secteur qui a beaucoup à perdre du dérèglement climatique, c’est bien l’agriculture. Selon une étude réalisée pour la Commission Nationale Climat, la production agricole belge pourrait en 2050 diminuer jusqu’à 606 millions d’euros/an par rapport à 2019. Pourtant, en Wallonie, le secteur reste dans le même temps responsable de 12,8 % des émissions de gaz à effet de serre (GES). La Wallonie est aussi dans le peloton de tête européen des émissions par unité de surface agricole (voir également sur ec.europa.eu) . Il s’agit principalement de protoxyde d’azote (N2O) libéré par l’usage d’engrais chimiques et de méthane (CH4) produit par les bovins.
Un objectif techniquement réalisable
Afin d’atteindre les objectifs de l’Accord de Paris, la Belgique doit atteindre la neutralité climatique d’ici à 2050. Si cette transition représente un grand défi dans tous les secteurs et nécessite des changements systémiques, l’objectif n’en reste pas moins techniquement réalisable. En tout cas, ce sont les conclusions d’ un nouveau rapport prospectif publié par le SPF Santé publique et Environnement, qui identifie différents scénarios de transition visant la neutralité climatique en Belgique d’ici 2050. Alors que l’Europe est sur le point de finaliser une nouvelle Politique agricole commune (PAC) qui nous guidera jusqu’en 2027, et que les autorités wallonnes travaillent sur sa déclinaison régionale, il est impératif que la question du climat s’invite dans le débat. Pour le secteur agricole, trois fronts d’action sont relevés par les experts du climat : réduction du cheptel, réduction de l’usage des engrais chimiques et gestion adaptée des effluents d’élevage.
Réduire le cheptel
En Wallonie, le levier principal est la réduction du cheptel. Bien que la Flandre concentre la grande majorité de l’élevage intensif et hors sol, la densité du bétail reste supérieure à la moyenne européenne dans le sud du pays aussi. Un cinquième du budget de la PAC alloué à la Wallonie (environ 58 millions d’euros par an) est pourtant une aide à la production dédiée au soutien des éleveurs. Or, dans sa structure actuelle, cette aide nie l’enjeu climatique en encourageant directement à conserver la taille du cheptel actuel. Cet argent public doit cesser de soutenir le cheptel dans la prochaine PAC, mais plutôt soutenir les éleveurs pour les bienfaits de leur activité, en particulier pour le maintien des prairies. En effet, les prairies permanentes représentent un stock de carbone conséquent et sont également cruciales pour la préservation de la biodiversité et des ressources naturelles.
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Évidemment, le secteur de l’élevage étant confronté à de grandes difficultés, les éleveurs doivent continuer à être fortement soutenus par la PAC pour éviter un désastre économique et social et pour protéger le capital naturel qui existe grâce à eux. Pour les acteurs du climat, les moyens financiers alloués par la PAC doivent permettre une réforme du soutien de l’élevage sans abandonner les éleveurs à leur sort.
La seule voie possible est de réorienter les aides vers les agriculteurs qui réduisent leur cheptel tout en préservant les prairies permanentes.
Aide à l’élevage
Dans la nouvelle PAC 2021-2027, l’éco-régime est un nouveau dispositif de primes dédié à des pratiques agricoles plus respectueuses de l’environnement et du climat. C’est donc ici que doit logiquement s’inscrire l’aide à l’élevage, en soutenant des systèmes compatibles avec les enjeux climatiques, et non plus simplement la production. La Wallonie a la possibilité de transférer les aides au bétail vers les éco-régimes. Pour les acteurs du climat, il est crucial de prendre en compte les recommandations du SPF Santé publique et Environnement dans les négociations de la PAC, en remplaçant progressivement l’aide au bétail par une prime qui cible le maintien des prairies permanentes, d’autant plus importante que la charge en bétail est réduite.
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Intégrer la PAC dans la logique du Pacte vert
La Politique agricole commune doit d’urgence être intégrée dans la logique du Pacte vert européen, qui implique une approche cohérente entre des mesures fortes et accompagnées au niveau de la production, mais aussi en faveur d’une diminution de la consommation d’aliments carnés et une mise en cohérence de la politique commerciale de l’Union européenne. Sans ces trois piliers, les efforts indispensables au niveau local risqueraient en effet d’être réduits à néant par des importations ayant un impact encore plus destructeur sur le climat.
Pour un engagement clair du gouvernement wallon
Le gouvernement wallon a inscrit l’objectif climatique de 55 % de réduction des gaz à effet de serre d’ici 2030 dans sa Déclaration de politique régionale. Il est clair que cet objectif ne pourra pas être atteint si l’agriculture ne fait pas davantage partie de la solution. Il est grand temps que le gouvernement wallon s’en tienne à ses paroles et accorde la politique agricole commune au climat.