Une excellente réflexion sur le racisme de notre ami Bernard Gensane publiée sur son blog le 29 juillet 2021. En quelques mots, il remet les montres à l’heure après l’agitation provoquée par l’indignation dans l’ensemble des Etats-Unis et par après dans le monde entier suscitée par le meurtre de George Floyd par un policier de Minneapolis dans le Minnesota, le 25 mai 2020. Les violences policières contre les Noirs – aujourd’hui en « politiquement correct », on dit « afro-américains » - sont régulières au pays de l’Oncle Sam et continuent en dépit de l’énorme mouvement de solidarité envers George Floyd et la sévère condamnation du policier meurtrier.
Ce fut le moment du mouvement « Black Lives matter » qui avait d’ailleurs été fondé en 2013 pour lutter contre le peu de cas que font les policiers américains de la vie des citoyens Noirs américains. Son slogan se répandit dans le monde entier tant l’émotion était grande. Cependant, il laisse, qu’on le veuille ou non, un goût de trop et de trop peu. De trop peu, parce que les violences policières qui sont le fruit de la déliquescence des démocraties occidentales et particulièrement étatsunienne qui se muent peu à peu en systèmes autoritaires, voire totalitaires. Aussi, ces violences systématiques qui en sont les conséquences, ne concernent pas uniquement les Noirs, mais aussi bien des catégories de population, comme les gilets jaunes en France ou les Ouighours en Chine. De trop, parce que justement on insiste sur une seule catégorie de population. Ainsi, on en arrive à cet abominable concept de « racisés ».
« Racisé » désigne toute personne non blanche susceptible d’avoir subi l’oppression des « Blancs » pendant ou après la colonisation. Il y a donc les « Blancs » et les autres. Cette pensée se concrétise par des réunions séparées, ou seuls les « racisés » sont admis. Elle est complétée par une autre notion : le décolonial. Il faut effacer toute mémoire de la période coloniale par la « cancel culture », combattre tout comportement jugé colonialiste. Ainsi, par exemple, tout récemment en Belgique, un programme de recherche en histoire qui rassemblait des historiens africains et européens s’est vu refusé de subventions sous prétexte d’esprit « postcolonial » ! C’est la première fois qu’un tel critère dicte une décision prise par un pouvoir officiel ! Voilà un exemple de ravage que peut causer la pensée « woke ». Et les exemples sont légion. Ainsi, aux Etats-Unis, il est fait pression pour supprimer l’étude et la pratique de la musique classique considérée comme colonialiste.
Comme le rappelle Bernard, Claude Lévi-Strauss a démontré déjà dans les années 1970 que le concept de race est une fiction. Il n’existe pas de race, mais un genre humain diversifié. C’est sur cette base et cette seule base que doivent se faire les rapports entre groupes et individus humains.
Cette pensée « woke » qui nous vient des Etats-Unis, est en quelque-sorte le négatif du racisme ordinaire. Elle est dangereuse et est la cause d’une grave régression. Elle doit être combattue avec rigueur.
Remercions Bernard Gensane de remettre les pendules à l’heure.
Pierre Verhas
Toujours se méfier de ce qui est popularisé par l’Empire zunien. Ainsi les expressions « race caucasienne », « type caucasien ».
Pour l’anthropologie moderne – disons depuis les travaux de Lévi-Strauss – il n’y a pas de race. Il n’existe qu’un genre humain, avec des différences de surface et, surtout, des perceptions différentes. En 1978, je résidais en Côte d’Ivoire. Ma femme et ma fille âgée de trois ans étaient blondes comme les blés, et moi châtain clair. Un jour, ma fille me dit que je n’étais pas blanc, parce que, d’une part, elle confondait « blond » et « blanc » et que, d’autre part, elle me percevait comme plus proche de tous les Africains qui nous entouraient que de sa mère et d’elle.
L’utilisation du terme « caucasien » est une aberration qui, aujourd’hui, nous vient des États-Unis, et qui est désormais reprise sans vergogne et en pleine connerie par la police et la justice française. Et bien sûr par les médias.
Au XIXe siècle, les anthropologues utilisaient le terme « caucasien » (ou « europoïde) pour désigner des populations d’Europe, d’Afrique du Nord, du Moyen-Orient et d’Asie du Sud. Cette typologie a fait long feu chez nous, mais pas aux États-Unis où le terme « caucasien » signifie juridiquement parlant « race blanche » ou « d’origine européenne ». Outre-Atlantique, le terme « leucoderme » (peau blanche) a pu être employé par des scientifiques, mais aussi dans des développements à vocation raciste. De nos jours, en effet, le concept de race est un concept politique, à la rigueur social.
Les évolutions à l’intérieur du genre humain ont été conditionnées par des nécessités d’adaptation. Par exemple, lors de la dernière période glaciaire (40-50 000 ans), quand l’Europe et l’Asie ont été colonisées par des humains venant du Sud, la peau s’est éclaircie pour des raisons de captation de bonnes vitamines et d’exposition aux ultra-violets.
L’utilisation du terme « caucasien » date de la fin du XVIIIe siècle lorsque l’anthropologue Johann Friedrich Blumenbach divise le genre humain en cinq races : les Caucasiens (les Blancs), les Mongols (les Jaunes), les Malais (les Marron), les Éthiopiens (les Noirs), les « Américains » (les Rouges). Pour Blumenbach, la race caucasienne était la première, dans les deux sens du terme. Ce, depuis Noé, son arche amarrée près du monde Ararat, à la frontière entre la Turquie et l’Arménie. Plus tard, Jupiter enchaînera Prométhée à un rocher dans les montagnes du Caucase. Pour le scientifique allemand, les crânes des Géorgiens étaient l’illustration parfaite de la race blanche. Blumenbach fonda la théorie dégénérationniste selon laquelle les humains proviennent d’une souche unique et que les différences sont dues à des modifications climatiques réversibles. Contemporain d’Emmanuel Kant et ayant eu connaissance de ses traités sur les races humaines (Von den verschiedenen Rassen der Menschen), Blumenbach va réviser ses positions vers 1790 en admettant que certaines différences phénotypiques pourraient être irréversibles. Dans les pas de Kant (et de Buffon), il reconnaît qu’il ne peut y avoir une séparation radicale entre une race et les autres, qu’aucune race n’a la préséance sur les autres, qu’aucune race ne peut revendiquer à elle seule la qualité d’être humain – en réduisant les autres à l’indignité de l’esclavage – et que, comme le métissage, la fécondation entre races est possible, les humains ne forment qu’une seule espèce ayant la même origine.
En rédigeant leurs PV, les flics français — mais aussi les militants d’une certaine cause noire plus que douteuse – feraient bien de garder cela à l’esprit.
Bernard Gensane
Source: https://uranopole.over-blog.com/2021/08/de-la-race-caucasienne.html