Chomsky et l'opinion « mainstream »
Si l’éminent linguiste étatsunien Noam Chomsky toujours bon pied bon œil à 94 ans se retrouve marginalisé par les médias mainstream, c’est parce que ses analyses sont sans complaisance.
Le site « le Grand Soir » fait de son discours sur la guerre en Ukraine l’analyse suivante dont voici un extrait :
« En tant qu’un des plus fins analystes des médias en activité, Chomsky met en évidence plusieurs contradictions dans le discours dominant actuel et particulièrement aux États-Unis que l’on retrouvera dans les médias mainstream européens, notamment le Monde en France.
D’abord, il y a selon lui deux idées qui se contredisent mais qui prédominent dans le discours occidental : d’un côté, une jubilation sans retenue devant une prétendue démonstration que l’armée russe serait un « tigre de papier », incapable même de conquérir à quelques kilomètres de ses frontières des villes défendues seulement par leurs habitants en armes. De l’autre, que nous devons en conséquence nous incliner, tout pleins d’une terreur devant cette impressionnante machine militaire sur le point d’attaquer et de soumettre quiconque se trouve sur son chemin.
En bref, face à une armée russe « faible » il faut nous armer jusqu’aux dents, rejoindre la plus puissante des machines de guerre de l’histoire, une alliance militaire qui prétend toujours être défensive, alors que ses archives démontrent clairement le contraire, dirigée par les EU et le Royaume-Uni et qui a jusqu’à aujourd’hui un historique d’agressions, de violences et de subversions. Nous devons exacerber les tensions pour nous protéger d’un tigre de papier incompétent.
Ensuite, toujours selon Chomsky, le gouvernement des EU considère la propagande russe comme tellement ridicule que quiconque y est confronté éclatera de rire. Donc, en toute logique, il est nécessaire de protéger les citoyens étasuniens (et européens) en leur en empêchant l’accès par le blocage de tous les médias russes. Pas question d’entendre ce que les dirigeants russes disent. Et il est aussi impératif de censurer d’éminents reporters, tels que Chris Hedges, ancien grand reporter pour le New York Times, spécialiste du Moyen-Orient et des Balkans. Tout ce qui vient de lui doit être détruit. Nous ne sommes pas autorisés à écouter une seule chose que les Russes pourraient dire ou penser. Les Étasuniens (et les Européens) sont tellement faibles mentalement qu’ils pourraient être bouleversés par ce qu’ils entendent, aussi ridicule et risible que ce soit.
Les pays libres ont un long historique de protection de leurs populations contre tout ce qui pourrait dévier de la ligne officielle, contre toute pensée impropre. Cela remonte à la Première Guerre mondiale, reconnue aujourd’hui par les historiens comme une guerre « pour rien », dont les intelligentsias européennes soutenaient la nécessité pour protéger leurs nations respectives et où les voix dissidentes étaient simplement étouffées voire carrément éliminées : Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht en Allemagne, Eugene Debs aux États-Unis, Jean Jaurès en France. Dans les pays libres, on a le droit de s’exprimer mais à ses risques et périls.
Pour ces positions, Corbyn vient d’être exclu définitivement du Parti travailliste (après en avoir été suspendu pour un soi-disant antisémitisme). »
En mettant en lumière cette contradiction sur l’armée russe, Noam Chomsky démonte la propagande occidentale dont sont noyés les médias et la presse mainstream. On n’informe plus, on se contente de diffuser cette propagande via les agences de presse. D’ailleurs, on distille des informations contradictoires. De vieux chars russes T62 sont acheminés vers le front de l’Ukraine. L’armée russe manquerait-elle de chars ? Les drones kamikazes turcs (voir « Uranopole » https://uranopole.over-blog.com/2022/01/l-apprenti-sorcier-erdogan-et-les-armes-de-destructions-letales.html ) feraient des ravages. De l’artillerie lourde est fournie à l’Ukraine, etc.
La Belgique retrouve petit à petit ses vieux démons.
À peine la crise de la Covid calmée, des bruits persistants courent au sujet d’une éventuelle chute de la « Vivaldi », ce gouvernement dirigé par l’ultralibéral flamand Alexander De Croo composé de sept partis antagonistes : les libéraux flamands de l’Open Vld, les libéraux francophones du MR, le PS francophone et « Vooruit » (« en avant », les socialistes flamands), les Ecolos francophones et Groen (écologistes flamands) et enfin le Cd&V (chrétiens flamands) , est menacé d’éclater. Il est vrai qu’il est attaqué à l’intérieur comme à l’extérieur.
En outre, un petit roquet ne cesse d’aboyer et trouble systématiquement la « sérénité » de ce gouvernement, l’ineffable Georges Louis Bouchez dit GlouB, président du MR qui imite bien Trump en tweetant à tout va où il se fait un plaisir d’attaquer systématiquement ses deux adversaires francophones : Ecolo et le PS. Trois partis du même gouvernement qui se disputent, cela fait désordre.
Les sondages en outre sont catastrophiques pour ce gouvernement, ce qui n’arrange guère les choses. On constate en Flandre une progression spectaculaire des deux mouvements nationalistes flamands, la très droitière NV-A (Nouvelle Alliance Flamande) et le néo-nazi Vlaams Belang (Grand groupe Flamand) qui, à deux, ont quasi la majorité absolue au Parlement flamand. En Wallonie, le Parti de la gauche radicale PTB (Parti du Travail de Belgique) dépasse le PS. À Bruxelles, le PS s’effondre au profit des Ecolos et des libéraux du MR. Tout cela ne contribue en rien à la stabilité gouvernementale.
La montée du nationalisme flamand réveille en plus les vieux démons communautaires. On parle de plus en plus d’une 7e réforme de l’Etat (revendication fondamentale de la NV-A). Le 25 mai, un débat télévisé à la RTBF réunissait de jeunes politiciens francophones de tous bords. On peut dire qu’ils n’ont rien à envier à leurs aînés. Même langue de bois, mêmes revendications dépassées, mêmes slogans obsolètes. On évite les questions qui fâchent ! Et on ne pose pas la question fondamentale : voulons-nous encore vivre et œuvrer ensemble dans ce pays ?
Non, on est reparti pour un bricolage institutionnel qui ne fera que grossir le monstre « fédéral » à la Belge ! Tout cela ne peut que mal finir.
En attendant, quelle que soit la suite de cette affaire, une chute de gouvernement et des élections anticipées ne pourraient qu’ajouter du désordre en ces temps troublés par des menaces de guerre et de crise économique majeure. Et sur le plan social, on pourrait en revenir à l’austérité et au démantèlement des acquis sociaux.
Assange attend la décision du Home Office.
Voici un extrait d’un article du journaliste britannique Jonathan Cook sur l’évolution de l’affaire Assange paru sur le site « Le Grand Soir ».
La ministre britannique de l’Intérieur, Priti Patel, décidera ce mois-ci si Julian Assange doit être extradé vers les États-Unis, où il risque une peine pouvant aller jusqu’à 175 ans, probablement effectuée en isolement strict, 24 heures sur 24, dans une prison américaine de très haute sécurité.
Il a déjà passé trois ans dans des conditions tout aussi difficiles dans la prison de haute sécurité de Belmarsh, à Londres.
Les 18 chefs d’accusation retenus contre Assange aux États-Unis sont liés à la publication par WikiLeaks, en 2010, de documents officiels ayant fait l’objet de fuites, dont beaucoup montrent que les États-Unis et le Royaume-Uni sont responsables de crimes de guerre en Irak et en Afghanistan. Personne n’a été traduit en justice pour ces crimes.
Au lieu de cela, les États-Unis ont défini le journalisme d’Assange comme de l’espionnage - et, par voie de conséquence, ont affirmé leur droit de saisir tout journaliste dans le monde qui s’attaque à l’État de sécurité nationale américain - et les tribunaux britanniques ont donné leur bénédiction dans une série d’audiences d’extradition.
Les longues procédures contre Assange se sont déroulées dans des salles d’audience à l’accès très restreint et dans des circonstances qui ont empêché à plusieurs reprises les journalistes de couvrir correctement l’affaire.
Cependant, malgré les graves implications pour la liberté de la presse et la responsabilité démocratique, le sort d’Assange n’a suscité guère plus qu’un soupçon d’inquiétude dans la plupart des médias occidentaux.
Peu d’observateurs semblent douter que Mme. Patel signera l’ordre d’extradition américain, surtout pas Nils Melzer, professeur de droit et rapporteur spécial des Nations unies.
En tant qu’expert de l’ONU sur la torture, Melzer s’est donné pour mission depuis 2019 d’examiner minutieusement non seulement le traitement d’Assange pendant ses 12 années de confinement croissant - supervisé par les tribunaux britanniques - mais aussi la mesure dans laquelle la procédure régulière et l’État de droit ont été respectés dans la poursuite du fondateur de WikiLeaks.
M. Melzer a rassemblé ses recherches détaillées dans un nouveau livre, The Trial of Julian Assange, qui fournit un compte rendu choquant de la non-droit rampant des principaux États impliqués - la Grande-Bretagne, la Suède, les États-Unis et l’Équateur. Il documente également une campagne sophistiquée de désinformation et de diffamation visant à dissimuler ces méfaits.
Le résultat, conclut Melzer, a été une attaque incessante non seulement contre les droits fondamentaux d’Assange, mais aussi contre son bien-être physique, mental et émotionnel, que Melzer qualifie de torture psychologique.
Le rapporteur des Nations unies affirme que le Royaume-Uni a investi beaucoup trop d’argent et d’énergie pour obtenir la persécution d’Assange au nom des États-Unis, et qu’ils ont eux-mêmes un besoin trop pressant de dissuader d’autres personnes de suivre la voie tracée par Assange pour dénoncer les crimes occidentaux, pour risquer de laisser Assange en liberté.
Au lieu de cela, ils ont participé à une vaste mascarade juridique visant à masquer la nature politique de l’incarcération d’Assange. Et ce faisant, ils ont systématiquement fait fi de l’État de droit. »
Rappelons que Nils Melzer a publié un ouvrage « The Trial of Julian Assange » qui paraîtra en français en septembre prochain.
Un élément nouveau pourrait cependant jouer en faveur de Julian Assange. Les élections en Australie, son pays natal, ont amené une majorité progressiste au pouvoir chassant les conservateurs. Sans doute, le nouveau Premier ministre à Canberra fera-t-il pression sur le gouvernement de Londres. Wait and see !
Pierre Verhas
Source: https://uranopole.over-blog.com/2022/05/morceaux-d-humeur-du-31-mai-2022.html