Les jours qui passent sont sans appel. Inefficaces et suicidaires, les politiques d’austérité jettent l’Europe dans le marasme économique et rendent impossible ce pour quoi elles ont été mises en place : réduire le déficit des comptes publics et la dette des États.
En Belgique, des mesures ciblent en particulier les sans-emploi à travers la réforme des allocations de chômage qui renforce leur dégressivité. Une réforme particulièrement injuste qui consiste en bout de course à faire payer la crise du système bancaire et financier par une catégorie sociale qui n’en est en rien responsable.
La « dégressivité accrue » des allocations de chômage va avoir des répercussions immédiates et dramatiques sur le niveau de vie des différentes catégories de chômeurs. Pour un chef de ménage, cette mesure conduira à une perte pouvant aller jusqu’à 12% sur son budget, pour un isolé de 17,5% et pour un cohabitant de 41% ! Cela alors que le niveau des allocations de chômage est déjà faible et source de précarité, dans un contexte d’augmentation importante des prix des biens de première nécessité : logement, alimentation, énergie. Cette mesure qui lie la dégressivité en fonction du nombre d’années d’emploi va particulièrement toucher les chômeurs de longue durée et les cohabitants. Catégories dans lesquelles les femmes sont massivement présentes. Elle va aussi pénaliser les jeunes avec la prolongation du stage d’attente de 9 à 12 mois. Celui-ci devient un stage d’insertion professionnelle qui transforme un droit acquis sur base des études en un droit soumis à de nombreux contrôles.
Ces réformes structurelles en matière d’assurance-chômage auront pour conséquence de contraindre les sans-emploi à accepter n’importe quel job ce qui va conduire à pousser les salaires à la baisse et à détériorer encore les conditions de travail. Comme en Allemagne, cela va permettre de gonfler les chiffres du taux d’emploi, mais va s’accompagner en parallèle d’une augmentation du nombre des travailleurs pauvres et de la pauvreté en général. Cela ne va qu’accentuer la dualisation du marché du travail en reléguant les travailleurs les moins bien formés dans des emplois précaires. L’accès à un emploi de qualité reste pour le MOC une exigence démocratique essentielle et doit être un droit fondamental pour toutes et tous.
Il est indécent de soupçonner les chômeurs d’un manque de motivation et de l’attribuer au niveau des allocations qu’il suffirait de réduire pour stimuler la recherche d’emploi. On les culpabilise en les rendant responsables de leur situation et en accréditant implicitement l’idée qu’il y a de l’emploi pour tout le monde, alors même que le Bureau du Plan[1] annonce « un nombre très limité de créations d’emplois » pour les prochaines années. Cette pression morale de la société à l’encontre des chômeurs pour qu’ils trouvent un emploi, qui dans bien des cas n’existe pas, est aussi source de stress et de dépression. Récemment, une enquête rappelait comme une évidence que les demandeurs d’emploi sont parmi ceux qui souffrent le plus de mal-être dans la population.
Plutôt que de sanctionner les chômeurs, le Gouvernement doit favoriser la création d’emplois de qualité. L’abaissement du coût du travail sur les bas salaires pourrait être une option à envisager pour autant qu’il réponde à deux conditions essentielles. D’une part, que cette nouvelle diminution des cotisations patronales s’accompagne dans les faits de création d’emplois. D’autre part, que cette mesure soit compensée par un financement alternatif de la sécurité sociale à travers l’instauration d’une cotisation sociale généralisée (CSG) portant sur l’ensemble des revenus mobiliers et immobiliers.
En Belgique, le Gouvernement souffle le chaud et le froid. Quand il veille à protéger les ménages les plus faibles en interdisant les suppléments d’honoraires en cas d’hospitalisation dans une chambre commune ou à deux lits, ou en gelant les prix du gaz et de l’électricité, nous saluons ses décisions. Mais quand il s’attaque aux chômeurs en imposant une mesure d’austérité essentiellement idéologique qui ne permettra en rien d’améliorer la situation sur le marché du travail nous tenons à marquer fermement notre opposition.
Si grâce à la mobilisation des syndicats et des mouvements sociaux des améliorations ont pu être apportées à la réforme des allocations de chômage prévue dans l’accord de Gouvernement, celle-ci reste injuste et inefficace. Elle ne va qu’ajouter de la précarité à la précarité. Il est absurde de croire que l’on va sortir de la crise en s’attaquant aux chômeurs, et en niant le fait que ce sont les pays comme le nôtre avec la protection sociale la plus forte qui résistent le mieux à la crise. Il est urgent de mettre fin à cet effet boule de neige des politiques d’austérité.
Thierry JACQUES
Président du MOC
[1] « Un scénario de reprise économique modérée pour la Belgique, sur fond de crise au niveau européen », Bureau fédéral du Plan, 14 mai 2012, communiqué de presse.