Pour rappel, la Cour de Justice de l’Union européenne, dans les arrêts Viking, Laval, Ruffert et Luxembourg, a établi une hiérarchie entre les libertés économiques placées au sommet de la pyramide et les droits sociaux fondamentaux, dont le droit de mener des actions collectives, qui leur sont subordonnés.
Depuis lors, la CES demande l’insertion dans les traités d’une Clause de Progrès social censée rétablir l’équilibre entre libertés économique et droits sociaux fondamentaux.
Dans le « single market act » paru en octobre 2010, la Commission a annoncé l’adoption d’une législation visant à concilier l’exercice des libertés économiques avec les droits sociaux fondamentaux.
C’est ainsi que la Commission envisage de publier dans les prochaines semaines un projet de règlement sur l’exercice du droit d’action collective dans le contexte des libertés économiques du marché intérieur, dénommé règlement Monti 2 en référence à la clause Monti déjà présente dans le règlement relatif à la libre circulation des marchandises : « le présent règlement ne peut être interprété comme affectant d’une quelconque manière l’exercice des droits fondamentaux, tels qu’ils sont reconnus dans les États membres, y compris le droit ou la liberté de faire grève.».
Le projet de règlement Monti, dont la CES a pu prendre connaissance, est particulièrement préoccupant. Contre toute attente, il consacre la jurisprudence de la Cour de justice en maintenant la hiérarchie entre les libertés économiques et les droits sociaux fondamentaux via le principe de proportionnalité. Ensuite, il confie aux cours et tribunaux le soin de vérifier si une action collective est appropriée et nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi, ceci au mépris des pratiques nationales qui encadrent l’exercice du droit de grève ! Enfin, il prévoit un mécanisme d’alerte entre Etats membres en cas de conflit collectif, assorti d’une obligation pour les Etats de prendre les mesures nécessaires pour y remédier, ce qui est particulièrement intrusif dans l’exercice du droit de grève.
La CES a exhorté la Commission à réécrire son projet de fond en comble. A suivre donc.
Jean-Francois MACOURS
Conseiller juridique - Service d’études, Département Social
FGTB-ABVV Fédéral
Commentaire repris de "ECHO", bulletin mensuel des Services d’Etudes de la FGTB.