Il faut tordre le cou à cette sottise « libérale » selon laquelle les finances de l’Etat, c’est comme celles d’une entreprise ou d’un ménage. La puissance publique fabrique l’argent. Le Prince bat monnaie. Si la crise de 2008 et la dépression économique ont été endiguées aux Etats-Unis, c’est parce que la banque centrale a injecté massivement des liquidités dans l’économie, vulgairement parlant « a fait tourner la planche à billets ».
Mais les monétaristes orthodoxes qui régentent l’Allemagne, et donc la pseudo Europe, ne veulent pas en entendre parler, l’argent doit être une fin en soi, pas un moyen. Cette brillante conception a déjà conduit la Grèce (et ses lamentables dirigeants) sur la voie du désastre.
Lorsque se multiplièrent, dans les vingt dernières années du siècle dernier, les signes des contradictions insurmontables du capitalisme, en particulier avec la montée du chômage, les dirigeants européens prirent l’habitude de se fixer dans le temps des objectifs chiffrés : il fallait créer autant d’emplois nouveaux, ou ramener le déficit public à tel pourcentage du produit brut. Ce furent souvent ce qu’on appelle des effets d’annonce. Objectifs jamais atteints.
L’exigence de la Merkozye, via un nouveau traité européen, de graver dans les tables de la Loi un tel objectif contraignant, n’a pas d’autre sens : être un formidable effet d’annonce à l’intention des marchés. Prenons l’exemple belge : si, à peu de jours d’un conclave budgétaire, les ministres ne savent pas « comment ils vont s’en sortir » pour trouver deux milliards d’euros où plus, quel est le sens d’un objectif budgétaire à échéance de plusieurs années ? Le traité de Maastricht prévoyait au moins un filet de sécurité en cas de récession sévère : la Merkozye n’en parle même plus. Qui peut prévoir les données macro économiques de base à échéance de 2015 ou 2016 alors que les prévisions à court terme sont constamment révisées ? Ou bien faut-il adhérer à un dogme stipulant que plus la récession est sévère, plus il faut réduire les dépenses publiques, exactement ce que l’odieuse « troïka » impose à la Grèce ?
Ajoutons que puisque le candidat Hollande, quelque peu favori dans la course à l’Elysée, dit qu’il veut renégocier ce pseudo traité européen, il serait particulièrement stupide de se hâter dans la voie de son adoption…
Même le concept d’équilibre budgétaire a été variable dans le temps ! On peut se souvenir d’une époque où nous avions en Belgique un budget extraordinaire consacré à des dépenses d’investissement : cette philosophie budgétaire n’a plus cours, l’Etat dépend du marché mondialisé des capitaux, contrôlé par une légion de spéculateurs et d’usuriers…
Les libéraux intégristes qui tiennent maintenant le haut du pavé peuvent soutenir que les recettes de Keynes sont dépassées, qu’elles ne sont plus applicables dans le cadre de la mondialisation financière. Mais alors la gauche doit réhabiliter le dirigisme en économie, réhabiliter l’impôt comme moyen de redistribution des revenus, l’encadrement des prix, le soutien « protectionniste » des industries menacées par le dumping social et environnemental des régions du monde à bas salaires. Tout cela s’appelle le socialisme.
Robert Falony
Texte paru dans « Flèche de tout bois « rubrique mensuelle. Février 2012 sur le blog de « Osons le Socialisme »
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