Bella Italia ! Mais l’Italie est un pays tragique. Le presque quart de siècle du régime de Mussolini semble loin dans l’Histoire, mais Berlusconi aura été sa réincarnation, parce que son système en est une duplication contemporaine. Le totalitarisme financier, sorte de dictature soft, est le fascisme de notre époque.
1993. Berlusconi lance Forza Italia. Un mouvement de masse basé lui aussi sur le culte du chef, le mythe de l’homme providentiel. La même année, Bettino Craxi, dont l’affairisme a gangrené le vieux parti socialiste et qui va finir contumace en Tunisie, assiste à son dernier congrès du PSI, crépusculaire.
La République de 1946 est morte sous le poids des scandales, des combinaisons, des compromissions. Ce qui va suivre est encore plus douloureux.
Mussolini avait ses « Chemises noires ». Avec au départ des clubs de supporters de football, Berlusconi a dirigé une structure pyramidale constituant un mouvement de masse, et recrutant surtout dans les couches moyennes de la société, parmi tous les déçus de la politique, les gens simples aux idées courtes. Après la guerre, il y eut un parti appelé « Homme quelconque ». C’est exactement cela.
Plus besoin d’interdire les libertés publiques formelles, quand la télévision - spectacle permet de décerveler les foules. Mais une répression féroce à Gênes du mouvement altermondialiste fut bel et bien de type fasciste. Il faut diriger l’Etat comme une entreprise privée? L’Etat italien a été mis au service des intérêts privés de Berlusconi, de son empire de presse, ceci à un degré inégalé jusqu’ici dans l’Union européenne. Il y a eu une résistance dans l’appareil judiciaire, mais des lois de circonstance mirent le « cavaliere » à l’abri.
La honte est que ce pouvoir césarien, malgré ses éclipses, a pu durer si longtemps. Et que ce ne sont finalement pas les Italiens, les urnes ou la rue, qui ont fait chuter cet histrion, mais la loi des technocrates de Bruxelles et du FMI. Quant aux mœurs à la Borgia du président du Conseil, le Vatican a longtemps fermé les yeux !
Mario Monti est évidemment, par contraste, un homme présentable, à la tête d’un gouvernement qu’on peut qualifier de technocratique, avec des ministres eux aussi présentables, et sans figures politiques de premier plan. L’ennui, c’est qu’ils sont là pour appliquer des décisions qui se forgent ailleurs, dans cette « Europe » qui est la non Europe, à Bruxelles, à Francfort, au FMI. Comment faire régresser l’économie en noir, réduire la fraude fiscale ? Mais l’Italie, au contraire de la Grèce, est too big to fail…
Berlusconi, lui, est toujours là. Il demeure à la tête de son parti Peuple de la Liberté. Il conserve une forte emprise sur le Sénat. Il assure avoir toujours un avenir politique, et il garde des partisans. Il se positionne à la fois pour le nouveau gouvernement, et contre lui. Mario Monti ne veut pas d’élections rapprochées, il veut durer au moins jusque 2013.
Le monde politique apparaît dès lors comme un théâtre d’ombres, le gouvernail lui a échappé. La Ligue du Nord, nationaliste et xénophobe, qui a soutenu Berlusconi comme la corde soutient le pendu, est toujours là aussi, en force d’opposition rétrograde.
Et la gauche ? De recyclage en recyclage, complètement décolorée, elle doit méditer sur ce constat amer : ce n’est pas elle qui a déboulonné Berlusconi…
Robert Falony.
Texte publié dans La lettre socialiste, Numéro 25. Novembre 2011.
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