Depuis la chute du Mur de Berlin, les Etats-Unis et l’Union européenne concluent, dans le plus grand secret, une multitude d’accords devant aboutir à la création définitive et surtout officielle d’un grand marché commun transatlantique en 2015. Ce marché comprend deux principaux champs de partenariat : une zone de libre échange économique, par le biais d’une harmonisation progressive des législations européennes et américaines, et une coopération renforcée en matière de lutte contre le terrorisme.
Nous constatons et déplorons l’absence de transparence quant à la concrétisation de ce projet, absence d’autant plus dommageable que ce marché touche d’ores et déjà notre quotidien, en méconnaissance des droits humains reconnus en droit belge, européen et international, mais également des valeurs citoyennes que nous défendons. Parmi elles, la vie privée, la démocratie, la justice, la paix, l’environnement…
Son exemple le plus frappant est l’accord PNR, accord par lequel les transporteurs aériens de passagers à destination ou au départ des Etats-Unis transmettent automatiquement au Ministère américain de la Sécurité intérieure toutes les données dont ils disposent à propos de ces passagers, peu importe qu’elles touchent à leurs opinions politiques, leur orientation sexuelle, leur origine ethnique, etc. Un système qui vise par conséquent à lutter, officiellement, contre le terrorisme mais qui, dans les faits, stigmatise encore et toujours plus les personnes qui ne « rentrent pas dans le moule ».
De telles atteintes peuvent toutefois être contrées par notre gouvernement actuel ou en devenir, ou par notre Parlement devant lequel il est ou sera responsable, nous direz-vous. Rien n’est moins sûr. En effet, la Belgique n’est pas représentée au Conseil Economique Transatlantique, soit l’organe chargé de négocier les accords devant conduire à ce fameux Marché Transatlantique, alors même que les membres de ce Conseil ne sont pas démocratiquement élus et que leurs travaux ne sont jamais publiés. Ici, c’est la démocratie qui est consciemment mise en péril.
Ce lundi 28 novembre, aura lieu le prochain grand sommet Transatlantique, en présence des plus hauts responsables politiques de l’Union européenne et des Etats-Unis, qui définiront les priorités de négociations politiques pour l’année à venir et poursuivront, vraisemblablement, la construction institutionnelle de ce Marché. Ceux-ci négocieront par conséquent la prochaine étape d’un marché façonnant nos services publics, nos sociétés, notre justice, et ce sans la moindre consultation des pays pourtant concernés au premier chef par ce Marché !
De tels constats posent indéniablement questions : quelle est la légitimité démocratique des personnes appelées à négocier ces accords ? Le gouvernement belge a-t-il déjà interpellé les commissaires européens quant aux dangers que ce Marché Transatlantique représente ? Des actions sont-elles envisagées pour contrecarrer le processus avant qu’il ne devienne irréversible ?
Nous nous devions, Monsieur le Premier ministre, Monsieur le Formateur, de vous adresser cette lettre, ne pouvant plus supporter de voir des instances prétendre promouvoir le respect des droits de l’homme comme élément-clé de leur politique commune alors que ces droits, comme le droit à la vie privée, à la liberté d’expression ou encore à la liberté d’association et d’entreprendre, sont précisément menacés par le marché transatlantique qu’ils entendent mettre en place. Enfin, et comme l’indique la plate-forme d’opposition au marché transatlantique (www.no-transat.be), ce dernier n’est pas non plus sans menaces quant au bien-être social et environnemental des populations.
Vous remerciant pour l’attention que vous porterez à ce courrier, nous vous prions de croire à l’assurance de notre considération,
Anne-Marie ANDRUSYSZYN pour le CEPAG ; Geneviève AZAM pour ATTAC-France ; Jean BLAIRON pour l’asbl RTA ; Thierry BODSON pour la FGTB wallonne ; Jean BRICMONT, professeur de physique (UCL) ; Ricardo CHERENTI, chercheur Econosphères ; Jean-Pierre COENEN pour la Ligue des Droits de l’Enfant ; Jean CORNIL, ex-parlementaire PS ; Thierry DE LANNOY pour le MIR-IRG ; Céline DELFORGE, députée bruxelloise ; Sonja EGGERICKX pour De Mens Nu ; Pierre EYBEN militant éco-socialiste, membre de la coopérative Liège 2012 ; Guy FAYS pour la FGTB Namur ; Pierre GALAND pour le Centre d’Action laïque ; Corinne GOBIN, maître de recherche du FNRS à l’ULB ; José GOTOVITCH, professeur honoraire ULB ; Raoul HEDEBOUW pour le PTB ; Sophie HEINE, politologue, FNRS - ULB et Oxford ; Christine MAHY pour le Réseau wallon de lutte contre la pauvreté ; Julie MANISE pour l’asbl Barricade ; Jean-Pascal LABILLE pour les mutualités socialistes ; Bernard LEGROS, enseignant et essayiste ; Gilbert LIEBEN pour la CGSP Admi ; Annie MATABISI pour la CNAPD ; Jean-Pierre MICHIELS pour l’Association Culturelle Joseph Jacquemotte ; Céline MOREAU pour les Jeunes FGTB ; Bernard NOEL pour la CGSLB ; Christine PAGNOULLE pour ATTAC Liège ; Dominique PLASMAN pour les Femmes prévoyantes socialistes ; Sylviane RONCINS pour VaVeA ; Erik RYDBERG pour le GRESEA ; Yanic SAMZUN pour l’asbl PAC ; Nanou SONET pour Les Amis du Monde diplomatique Belgique asbl ; Christine STEINBACH pour Equipes populaires ; Daniel VAN DAELE pour la FGTB fédérale ; Véronique VAN DER PLANCKE pour la Ligue des Droits de l’Homme ; Philippe VAN MUYLDER pour la FGTB Bruxelles ; Michel VANHOORNE pour le Forum Gauche Ecologie.