L’offensive médiatique et politique contre l’Etat syrien et le gouvernement de Bachar El Assad multiplie les mensonges, attribuant toutes les atrocités à un seul camp et présentant les opposants armés comme des résistants. Pas un jour ne passe sans que la télé, la radio, les journaux ne nous bombardent d’images, de chiffres, de commentaires et de qualificatifs les plus absurdes sur le gouvernement syrien, sous entendant qu’une intervention militaire est la seule solution pour arrêter la tragédie.
Les partis politiques dominants ont une interprétation encore plus manichéenne de la crise syrienne. Au Parlement européen, Guy Verhofstadt, un des principaux responsables des libéraux flamands, prône tout un programme d’escalade vers l’intervention militaire. Il est suivi par des députés européens du PS et d’Ecolo, Simone Susskind et Isabelle Durant. Au parlement fédéral, Juliette Boulet (Ecolo) crée « Les amis du peuple syrien » pour développer le même programme que Verhofstadt. Au gouvernement, Didier Reynders et Pieter De Crem, respectivement ministres des Affaires étrangères et européennes et de la Défense, s’entendent comme larrons en foire pour que « diplomatie et défense soient très liées » et pour que les budgets de la Coopération au développement soient organisés en fonction des besoins de la Politique étrangère. Reynders appelle à l’instauration, en territoire syrien, d’un couloir humanitaire protégé militairement, à l’envoi de médecins et de matériel médical pour construire un réseau d’hôpitaux dans une zone d’interdiction de vol. Nul ne doute qu’une telle zone ne peut être instaurée que grâce à un déploiement militaire que seuls les Etats-Unis ou l’OTAN pourraient fournir.
Face à ce déferlement humanitaro-belliciste, une partie de la population est d’avis que « nous devons faire quelque chose » pour arrêter le bain de sang en cours en Syrie, que nous ne pouvons rester « spectateurs ». Mais le problème est justement que, depuis plus d’un an, des pays occidentaux – France et Etats-Unis en tête –, la Turquie et des pétromonarchies du Golfe – Qatar et Arabie saoudite – sont engagés dans une intervention militaire contre la Syrie. En utilisant une fraction radicalisée de la population sunnite syrienne, ceux-ci ont déployé dans le pays agents de liaison, instructeurs et djihadistes, livré du matériel de communication et des armes sophistiquées, organisé – au Kosovo et en Turquie – des entraînements militaires pour les « rebelles », pratiqué une politique de sanctions et d’isolement contre Damas et saboté les efforts de paix du médiateur de l’ONU, Kofi Annan.
L’ingérence bat donc son plein en Syrie, avec comme conséquence une guerre civile de plus en plus violente et sans espoir de solution. En outre, le renversement de Bachar El Assad affaiblirait l’Iran, qui perdrait son dernier allié dans un monde arabe de plus en plus formaté par l’idéologie rétrograde de la monarchie saoudienne et de l’émirat qatari, eux-mêmes indéfectibles alliés de Washington.
De même, la volonté déclarée de renverser par la violence le gouvernement syrien se ferait aux dépens de la Russie, qui perdrait le dernier point d’appui de sa marine dans la Méditerranée. Le soutien russe est probablement un des facteurs ayant jusqu’à présent empêché une répétition du scénario libyen – ou kosovar –, à savoir des bombardements massifs de l’OTAN ou de ses principaux membres. Reste à voir si les vociférations du ministre De Crem – qui appelle à la multiplication d’« opérations du type Libye » – convaincront les décideurs du Pentagone et de l’OTAN de passer de l’actuelle « guerre d’usure » à la « vitesse supérieure » que représenterait une campagne de bombardement en soutien aux forces anti-Assad.
Quoi qu’il en soit, nous dénonçons ces nouvelles guerres en cours ou en gestation et tous ces fauteurs de guerre, dont l’OTAN est le grand coordinateur. Après la Yougoslavie, l’Afghanistan, l’Irak, la Libye et avant, peut-être, l’Iran, nous restons fidèles à nos principes : ASSEZ D’INGERENCE, PAS D’INTERVENTION MILITAIRE !
Texte repris de ALERTE OTAN N° 47 – 3e trimestre 2012
Editorial du 1.10.2012