(...) Pour être honnête, ma cellule est une horreur. On dirait que tous les vents polaires s'y sont donnés rendez-vous. La "vitre" est un plexi irrégulier, incurvé qui ne tient avec du silicone que d'un seul côté. Un tiers de la "vitre" manque à l'appel. La partie manquante est couverte de pages de journal collées avec du dentifrice.
Pareil pour la petite salle de douche. Là, il manque carrément une vitre. Une lourde porte métallique sépare les deux pièces. Pour l'ouvrir, il faut la porter car elle a subi des dégradations. Comme elle ne se referme pas complètement, il y a un courant d'air permanent dans la cellule.
Notre lit superposé est composé de trois étages. La cellule où je me trouve est une cellule dite "d'accueil". Elle n'a pourtant rien d'hospitalier. En rentrant en prison, on m'a fait croire que l'on pouvait choisir une cellule "non fumeurs". Cette option se trouvait dans le formulaire d'accueil et naturellement, je l'ai cochée. Mais en raison de la surpopulation, les non fumeurs son obligés de partager leur cellule avec des fumeurs. Les conditions sanitaires son exécrables. Je n'ai pu balayer ma cellule crasseuse qu'au sixième jour de ma détention, c'est-à-dire aujourd'hui.
Ma cellule est un vrai moulin. Quatre détenus y ont déjà transité en 6 jours : Silvio, un colérique de 50 ans arrêté pour avoir battu son frère et ses parents. Monsieur Carbonara de Bari, un sexagénaire accusé de vol et libéré hier après moins de 48h de détention. Aujourd'hui, un jeune ressortissant marocain condamné pour trafic de drogue a débarqué.
Depuis hier, je partage ma cellule avec Stefano, un Roumain de 25 ans père d'un petit garçon de 3 mois. Il est très aimable, abattu par ce qui lui arrive et un peu timoré. Il a peur par exemple d'aller prendre l'air. A propos, "aria", la cour en principe destinée à prendre l'air, est un véritable fumoir. Quand une quarantaine de détenus fument en même temps, on n'a pas vraiment l'occasion de profiter de l'air pur qui nous vient des Alpes...
Ah oui, je dois aussi te parler du "café". On s'imagine qu'en Italie, même en prison, on a droit à du café italien... eh bien non. Au pays de l'esspresso et du capuccino, le café de la prison est un liquide trouble servi à la louche! Tellement répugnant que je n'en ai plus repris depuis le premier matin.
Dans notre cellule, il n'y a qu'une petite table basse et un tabouret cassé, pour trois. Les murs sont sales, les sanitaires sont sales, le sol est sale. Alors, on se réfugie sous le drap de son lit comme on se cramponne à un radeau au milieu d'un naufrage.
Quand tu t'embarques dans une galère italienne, tu reçois un kit de survie incomplet. Pas de serviette. Pas de lingerie. Pas de chaussette. C'est l'église catholique qui complète le kit. Encore faut-il pouvoir décrocher un rendez-vous avec le "prete", l'aumônier.
En cellule la seule "friandise", c'est le téléviseur. Il faut tordre le câble de mille et une manières pour pouvoir décrypter l'une des huit chaînes italiennes que nous sommes censés capter (...).»
Bahar Kimyongür - 6e jour de détention, Casa Circondariale di Bergamo (extrait reproduit par CLEA)